Awussu : Célébration de l'été dans la Tripolitaine

agoram

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Le mot Awussu est le vieux nom du mois d'août (Supplément aux dictionnaires arabes, Leyde, 1881, pp. 22 et 44) qui a probablement pour origine le nom latin du même mois, Augustus. Son usage semble aujourd'hui limité à quelques zones de Libye et de Tunisie. Dans ce dernier pays, il désigne en général le mois d'août (Beaussier, Dictionnaire pratique Arabe-Français, Alger, 1931, p. 23), mais plus généralement la période de la canicule (12 juillet - 23 août du calendrier julien, 26 juillet - 4-5 septembre du calendrier grégorien).

En Lybie, l'expression est employée dans les zones berbérophones de Tripolitaine (Zouara, Bjebel Nefousa) et au Fezzan, avec des significations différentes.

A Zouara, le mot désigne la période caniculaire ou le mois d'août, mais aussi, à défaut d'indications précises, la «fête d'Awessu». Dans d'autres centres berbérophones de Tripolitaine où cette fête est inconnue, le mot désigne exclusivement le mois d'août (Ifren, Nalout), le plus fort de l'été (Djado) ou le milieu du mois d'août (Temizda). Au Fezzan, enfin, Awessu ne désigne plus que la période de la canicule.

La fête d'Awessu célébrée à Zouara descend d'une ancienne cérémonie préislamique qui remonte certainement à une époque fort reculée. Saint Augustin rapportait déjà la coutume païenne pratiquée par les anciennes libyennes qui se baignaient nues dans la mer à la même période de l'année. Elle survit aussi dans d'autres régions du Maghreb, caractérisée selon les zones par des variantes qui n'en modifient pas le fond.

Les Berbères de Zouara reconnaissent à l'Awessu de nombreuses vertus purificatrices, prophylactiques et propitiatoires. La fête a avant tout pour but d'éloigner du corps et de l'âme toutes sortes de dommages et de sortilèges, ainsi que d'obtenir la bénignité des forces naturelles et de gagner les bonnes grâces de la divinité qui les règle. La fête dure trois jours.

Elle débute dès l'apparition dans le ciel de la constellation de la Balance et s'étend habituellement du 12 au 14 juillet (c'est-à-dire du 25 au 27 juillet du calendrier grégorien). Elle correspond donc au début de la canicule. Le désir de se protéger durant une période particulièrement difficile et dangereuse est sûrement à l'origine de la pratique.

Le cérémonial est extrêmement simple, mais très suggestif. L'acte principal est un bain que les Berbères de Zouara - et pas seulement les Berbères - prennent dans la mer pendant les heures qui précèdent l'aube tous les jours de la fête. Bien des gens prolongent les bains six, voire quinze, jours au-delà des trois rituels, car ils sont sûrs d'obtenir des avantages accrus et durables de la prolongation de ces contacts avec l'eau bienfaisante de la mer d'Awessu.

Pour jouir des bienfaits d'Awessu, les habitants de Zouara, hommes, femmes et enfants, se réunissent après minuit sur la plage. Ils conduisent avec eux les animaux domestiques et même les bêtes de somme.

A un moment donné, habituellement deux heures avant l'aube, les baigneurs entrent collectivement dans l'eau. Plusieurs y entraînent aussi les animaux et ceux qui les laissent sur le rivage se préoccupent de les arroser abondamment avec l'eau de mer afin qu'ils acquièrent les avantages d'Awessu.

Les baigneurs ont le souci de se baigner sept fois ou se plonger dans sept vagues distinctes. En attendant que le soleil se lève, ils s'arrosent tour à tour d'eau de mer et en lancent aussi au ciel, d'où elle descend sous forme de pluie, réalisant un acte de magie sympathique ou une sorte de sollicitude magique de la pluie. Lorsque le soleil se montre, les baigneurs sortent de la mer pour retourner chez eux.

Ils mangent avant midi un plat confectionné exprès pour la circonstance et jugé particulièrement bienfaisant. Il s'agit de l'uccu d udi («mets à l'huile»), c'est-à-dire de la farine (aren) cuite dans de l'eau (aman) à laquelle on ajoute du sel (tisent).

Lorsque la farine est cuite, on la brasse bien avec une cuillère en bois (aghenja), on la verse dans une assiette en bois (djwiya) et on la mélange à de l'huile (udi) chauffée au rouge de façon qu'elle donne au tout une couleur sombre. Si l'uccu d udi constitue le repas du matin pendant les jours d'Awessu, le kouskous est celui du midi, tandis qu'on soupe le soir de manière normale, sans respecter de règles particulières. Par sa valeur prophylactique et sa symbolique de l'abondance, l'uccu d udi est le repas rituel, le kouskous témoignant seulement de la solennité de la circonstance.

L'élément principal de la fête est évidemment la mer et c'est à elle que les Berbères de Zouara font remonter la plupart des pouvoirs extraordinaires du rite. La mer est en elle-même dépositaire de nombreuses vertus spéciales et dispensatrice d'influences favorables pour le corps, puisqu'elle protège des maladies et des djins qui craignent l'eau salée.

Mais elle devient particulièrement bienfaisante dans cette période où, en vertu de la baraka exceptionnelle d'Awessu, le corps et l'esprit se libèrent de tous les maux et reprennent leur équilibre. La tranquillité est assurée, les rhumatismes, les maux d'estomac, les maladies, les migraines et les étourdissements disparaissent.

Dans la conscience populaire, c'est l'antidote de toute affection physique et spirituelle. Il assure la santé et le bonheur pendant une année entière, apporte un remède contre la stérilité féminine, donne la virilité aux hommes et reste la pratique la plus efficace pour assurer le mariage des jeunes filles, même si elles attendent depuis longtemps.

Fêter l'Awessu est le meilleur moyen pour éloigner la sécheresse et ses dangereuses conséquences, réconforter la nature à proximité de la canicule et obtenir des moissons abondantes.

Certains savants considèrent l'Awessu comme un dérivé de l'Ansra, fête du solstice d'été célébrée au Maghreb avec les rites du feu et de l'eau, mais il nous semble tout à fait distinct et plus ancien, compte tenu de son caractère extrêmement simple. Comme les Berbères de Zouara sont des Ibadhites, les Arabes sunnites condamnent l'Awessu en raison de ses aspects païens.

Ils en parlent comme des «nuits du péché» ou des «nuits de l'erreur» à cause des bains collectifs nocturnes, de la promiscuité et d'actions licencieuses qui seraient prévues ou du moins tolérées par le cérémonial du rite.

Les Berbères de Zouara soutiennent au contraire que les familles se baignent isolément malgré le caractère collectif de la cérémonie et en respectant la morale. Parler de «nuits d'erreur» reste une accusation outrageante et injustifiée car il n'y a rien d'obscène ou de licencieux dans cette fête.

Il n'est cependant pas impossible que l'Awessu ait eu dans le passé un caractère contraire à la morale, cela ne serait pas extraordinaire de pratiques magiques et prouverait seulement l'origine très ancienne du rite.

C'est un aspect commun à d'autres cérémonies et rites agraires païens où l'acte sexuel constituait le moment fondamental du rapport magique et analogique entre la fécondité de la femme et celle de la terre.

Luigi SERRA | LE MATIN
 
article très intéressant!
j'ai constaté une confusion:
AWUSSU ou AWESSU?
au début, c'est Awussu puis c'est^passé à Awessu; alors dites-nous quelle est la forme exacte!
 
Nugelda a écrit :
article très intéressant!
j'ai constaté une confusion:
AWUSSU ou AWESSU?
au début, c'est Awussu puis c'est^passé à Awessu; alors dites-nous quelle est la forme exacte!

Je ne sais pas du tout....
Peut-etre qu' awessu est la forme d'inclusion?
 
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