Baâthisme:l' idéologie qui s'inspire du nationalisme allemand

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Azul fell-awen,


Dans la deuxième partie ( baâthisme, voir le message qui suit )de cet article sur le nationalisme arabe l'auteur comment les nationalistes arabes se sont de l'idéologie nationaliste allemande, idélogie qui produira par la suite le nazisme. Effarant


GLOTTOPOLITIQUE, IDEOLOGIES LINGUISTIQUES
ET ETAT-NATION AU MAGHREB




Foued Laroussi

Université de Rouen – CNRS UMR 6065 DYALANG


I. Les fondements idéologiques de la glottopolitique maghrébine


Il est difficile de faire un compte rendu exhaustif des courants
idéologiques qui ont influencé les politiques linguistiques au
Maghreb. Néanmoins toute réflexion, dans ce domaine, ne peut passer
sous silence les deux courants dominants, le nationalisme arabe et
l’islamisme, avec dans chaque cas des subdivisions correspondant à des
tendances différentes, voire antagoniques.

1. Le nationalisme arabe (ou le panarabisme)

Sans évoquer toutes les tendances nationalistes représentées
au Maghreb, on peut mentionner ses deux principaux courants, à savoir
le nassérisme et le baasisme.

1.1. Le nassérisme

Le nassérisme renvoie à Jamal Abdel Nasser (1918-1970). Né dans la province
d’Assiout (Haute Egypte), Nasser est le fils d’un fonctionnaire des Postes
issu de la petite paysannerie. Bachelier, en 1934, il fait des études de
droit et participe aux grandes manifestations de 1935 contre la domination
coloniale britannique. Le 23 juillet 1952, suite à un coup d’Etat, Nasser
et ses camarades, nommés les Officiers libres, renversent le roi Farouk et
prennent le pouvoir.
Le 18 juin 1953, Nasser proclame la République, mettant ainsi un terme à
une dynastie qui a gouverné l’Egypte pendant plus d’un siècle et demi.
Le 26 juillet 1956, Nasser nationalise le canal de Suez et sort victorieux
de la guerre qui a opposé l’Egypte à une coalition franco-britannique.
C’est à partir de cette date qu’il commence à s’affirmer comme le
leader arabe dont le rôle consistera désormais à galvaniser
le combat contre le colonialisme. Pendant la période 1958-1961, Nasser
tente l’union avec la
Syrie pour fonder la République arabe unie, mais ce projet se solde
rapidement par un échec.
Son objectif était la fusion du socialisme et du panarabisme, puisqu’il
était persuadé que la seule solution pour sortir du sous-développement,
imputable au colonialisme, était l’union de tous les pays arabes. Et
cette vision devient vite le courant idéologique dominant dans les
mouvements populaires des années soixante.


Au Maghreb, le nassérisme a influencé, à des degrés différents, des partis
tels que l’UNFP marocaine (Union Nationale des Forces Populaires),
née de la scission de l’Istiqlal (litt. Indépendance), en 1959,
mais officiellement créée en 1962, le FLN (Front de Libération
Nationale) algérien et une branche arabisante du Néo-Destour (parti
politique créé par Habib Bourguiba, le 2 mars 1934), devenu, en 1964, le
Parti socialiste destourien. En Tunisie, le désaccord entre les deux
figures du nationalisme tunisien, Habib Bourguiba et Salah Ben
Youssef, à propos de l’autonomie interne, trouve sans doute son origine
dans l’attitude que ces derniers avaient vis-à-vis de Nasser : si Bourguiba était « anti-Nasser », Ben Youssef voyait en lui le leader incontestable du monde arabe. On sait que leur différend s’est terminé au profit de Bourguiba, puisque Ben Youssef a été d’abord exclu du Néo-Destour, lors du congrès de Sfax (le 15 octobre 1955), puis
assassiné à Genève (le 12 août 1961).

Si le nassérisme n’a pas eu, en Tunisie ou au Maroc, le succès
auquel on aurait pu s’attendre, c’est parce que ses représentants maghrébins ont été écartés du pouvoir, pour ne
pas dire chassés. Le Marocain Mehdi Ben Barka, leader de l’UNFP,
condamné à mort par contumace, en 1964, est enlevé à Paris en 1965 et
disparaît dans des conditions très obscures. Dix ans après (en décembre
1975), c’est au tour d’Omar Ben Jelloun, un autre leader de
l’UNFP, d’être assassiné à Casablanca.

En Algérie, les nationalistes arabes n’ont pas connu le même sort que dans les deux autres pays du Maghreb. Dès l’indépendance, en 1962, les leaders du FLN, Ben Bella (1962-1965) et Boumediene (1965-1976) ont affiché une politique résolument panarabe et par conséquent pro-nassérienne.

Pour Nasser, l’arabisme signifie d’abord la solidarité de tous les
pays arabes avec la politique égyptienne d’indépendance vis-à-vis
des grandes puissances. Cependant, ses adversaires politiques,
tel Bourguiba, lui ont souvent reproché ses objectifs non
affichés, à savoir dominer le monde arabe pour servir les intérêts de
l’Egypte. Bourguiba lui reprochait aussi de faire du conflit
arabo-palestinien un fonds de commerce. Sur cette question,
contrairement aux autres dirigeants maghrébins (surtout Boumediene et
Kaddafi), Bourguiba a pris systématiquement le contre-pied de la politique nassérienne.
On peut dire enfin que le nassérisme consiste en une sorte de fusion de
panarabisme, de socialisme et de populisme. Ce courant, dans une période de
crise et surtout de défaites contre Israël, a eu un impact direct surtout
sur les couches socialement défavorisées. Pour Nasser, l’union du monde
arabe est un objectif sacré et la langue joue dans ce domaine
un rôle fédérateur. Dans ce contexte, l’arabe littéraire, idiome commun à
tous les Arabes, est le seul capable d’assurer cette fonction unificatrice.
Cependant, celui qui se veut le vrai représentant du nassérisme au Maghreb
(entendu au sens de Grand Maghreb), c’est le libyen Kaddafi, qui,
après la mort de Nasser, le 28 septembre 1970, s’est vu comme le
dépositaire de ses idées et comme son successeur légitime
en tant que leader panarabiste. Kaddafi tentera plusieurs unions (avec
l’Egypte, la Tunisie, la Syrie) qui toutes se solderont par un
échec. Sans doute cela explique-t-il, aujourd’hui, pourquoi le
leader libyen a pris ses distances non pas vis-à-vis du
nassérisme en tant que projet politico-idéologique mobilisateur,
mais vis-à-vis des chefs d’Etats arabes qu’il soupçonne
d’être majoritairement pro-Américains. Kaddafi est depuis
quelques années intéressé par la mise en place d’une Union africaine.
 
Baâthisme: l'idélogie qui s'inspire du nationalisme allemand ( suite)

1.2. Le baasisme

Dans cet article ,sur le nationalisme arabe, l'auteur montre comment les nationalistes arabes se sont inspirées de l'idéologie nationaliste allemande (idélogie qui produira par la suite le nazisme) . Effarant
C’est ce genre d’idélogie qui guident toujours la politique linguistique dans les pays du maghreb.



Foued Laroussi

Université de Rouen – CNRS UMR 6065 DYALANG

Le baasisme



Ce nom est formé à partir de la racine trilitère « B’A T », c’est-à-dire « envoyer » mais dont le sens figuré est « ressusciter », car il s’agit de ressusciter la civilisation arabo-islamique telle qu’elle fut pendant les siècles d’or. Cette civilisation est considérée par les baasistes comme morte depuis le déclin du monde arabo-islamique, déclin dont l’Empire ottoman fut en grande partie responsable.

Le père du baasime linguistique est le Syrien Sati Housri (1880-1963). Dès son retour de Paris où il était étudiant, il a commencé à faire connaître ses idées, inspirées du romantisme allemand deJ.G. Herder (1744-1803) et de J.G. Fichte (1762-1814).

Herder prône la nation romantique fondée sur le lieu d’origine et la langue. Il insiste sur le retour de la langue parlée par le Volk, le Volksgeit, c’est-à-dire « l’esprit du peuple », reliant ainsi langue et nation de façon mystique pour en donner « une conception littéraire et non existentielle », cette « nation idéale » s’opposant à la « nation réelle ».

Quant à Fichte, partant d’une affirmation de Herder selon laquelle « la perte de sa langue équivaut à la perte de son identité », il met au point une théorie sociale sur la langue et la culture, prône la supériorité de la langue allemande et fustige la langue des autres. Pour Fichte, de tous les peuples teutons, seuls les Allemands sont restés sur place pour y développer, de façon continue, la langue des origines. Il considère donc les Allemands – et leur langue – comme les dignes héritiers de la culture grecque, plus ancienne et plus primitive que la culture romaine, qui est considérée comme moins « authentique ».

Pour Sati Housri, les idées de Fichte s’appliquent parfaitement aux pays arabes (du Moyen- Orient). Partant, il construit le nationalisme arabe sur un seul critère, celui de l’arabe littéraire.
Ce qui compte, pour lui, c’est l’existence d’une langue et d’une histoire commune. Aussi maintient-il que « le pangermanisme correspond davantage à la situation des Arabes que le nationalisme français qui concerne une nation formée depuis plusieurs siècles et réunie autour d’un Etat » (Saint-Prot, 1995 : 51). Le territoire ne représente pas, pour lui, une base importante pour fonder une nation dont les frontières dépassent celle de l’Etat-nation moderne. De cette nation arabe, il exclut le Maghreb sans doute en raison des caractéristiques de l’arabe littéraire qu’on y parle : celui-ci ne lui semble pas authentique, en comparaison avec l’arabe du Moyen-Orient.
Quelques années plus tard, deux intellectuels syriens vont faire des thèses de Housri un mouvement bien structuré : Zaki Al-Arsouzi (1899-1968) et Michel Aflaq (1910-1989). Tous les deux ont fait leurs études à Paris, dans les années 20-30.

Contrairement à Housri, les deux baasistes incluent le Maghreb dans une seule nation, de l’Atlantique au Golfe, gouvernée parun seul Etat. Comme Housri, les deux penseurs arabes rejettent la réalité territoriale que délimitent des frontières artificielles parce que tracées par des occupants étrangers.Al-Arsouzi est séduit, lui aussi, par l’idée de la supériorité des langues chez Fichte. Il insiste sur la charge affective suscitée par l’arabe littéraire. Parlant des Arabes, il les qualifiede « peuple élu ». Quant à leur langue, elle est considérée comme « miraculeuse », car, dit-il,« c’est parce l’arabe est, depuis l’origine de l’humanité, la langue miraculeuse que Dieu s’est exprimé en arabe par le Coran » (Carré, 1993 : 71). Le miracle, selon lui, ne date pas de Mahomet mais d'Adam, et l’idiome coranique est celui des origines précédant Babel. Arsouzi décrit l’arabe littéraire comme une langue divine pour deux raisons : 1) le fait qu’Allah a dictéle Coran en « pur arabe » ; 2) le caractère inimitable (al’iajâz) de cet idiome dans le Coran. C’est donc l’aspect linguistique du Coran qui fait de l’arabe une langue miraculeuse. De ce fait, on voit que le nationalisme arabe est difficilement concevable sans l’islam.
A l’instar de Fichte, Arsousi affectionne l’idée de la langue qui se perpétue sans aucune interruption sur un même territoire.
Se fondant sur le caractère morphologique triconsonantique du lexique arabe (tous les verbes et noms sont formés à partir d’une même racine, majoritairement trilitère), il considère l’arabe littéraire comme la langue « racine ». Arsouzi donne à son discours une tonalité exclusive lorsqu’il déclare :« Les autres langues n’ont pas de telles racines dans la Nature. Par conséquent, la nation arabe a une essence propre, elle est l’Authentique.
Cela veut dire que l’apparitionde la nation arabe sur la scène de l’histoirecoïncideavecl’apparition de l’humanisme. » (Cité dans Carré, 1993 : 74).

Il rejette la pluralité linguistique et donne une suprématie absolue à l’arabe littéraire, l’idiome coranique. Pour lui, les Arabes authentiques sont les amoureux de la langue arabe.
Michel Aflaq, un arabe chrétien, après avoir été sympathisant communiste dans les années trente, rompt avec le parti communiste syrien et rejette le marxisme pour donner la priorité absolue à l’unité arabe. En 1943, avec Salah-Eddine Albitar, il fonde le Baas qui restera sans coloration sociale jusqu’à sa fusion, en 1953, avec le parti socialiste d’Akram Al-Hurani, plus nationaliste que socialiste.
Le Baas connaît son apogée dans les années soixante et devient l’une des principales expressions – avec le nassérisme – du nationalisme arabe révolutionnaire. Parti très idéologique, le Baas adopte comme mot d’ordre « Unité, Libération, Socialisme ».
L’unité arabe est au centre de sa doctrine et prime sur tout autre objectif.
Selon Aflaq, l’islam représente pour les Arabes « l’expression de leur personnalité ». Certains utilisent l’expression « islamo-baasisme » pour désigner ce « laïcisme » teinté d’islam.
Les partisans du panarabisme revendiquent la création d’un Etat arabe unique dirigé par un chef charismatique. Mettant le panarabisme au dessus de tout, ils rejettent les libertés individuelles, la
citoyenneté et s’accommodent d’un élitisme excessif s’exprimant par le mépris envers le peuple, dont le rôle consiste à suivre les décisions de
son élite.
En 1963, le Baas accède au pouvoir en Syrie puis en Irak ; deux directions panarabes rivales se mettent en place, avec chacune ses sections régionales. Très rapidement, les divergences idéologiques initiales s’estompent pour céder la place à un antagonisme politique aigu.
Sans doute ces divergences et querelles idéologico-politiques ont-elles précipité le déclin dubaasisme comme idéologie dominante. Les défaites de 1967 et 1973 ont, elles aussi, accentué la crise du panarabisme au profit de l’islamisme.
 
Idéologie linguistique et politique d’arabisation ( au Maghreb)

Foued Laroussi ( cet auteur est d'origine Tunisienne)

Université de Rouen – CNRS UMR 6065 DYALANG

Idéologie linguistique et politique d’arabisation

Le choix de l’arabisation comme axe central de la politique linguistique repose sur une idéologie linguistique dont il importe d’examiner les arguments. L’idéologie linguistique nationaliste est à concevoir avant tout comme une opération de légitimation et de défense dela langue arabe. La finalité du discours de (et sur) l’arabisation consiste à légitimer la langue arabe littéraire en tant que langue non seulement du patrimoine arabo-islamique mais aussi, au moins partiellement, de la modernité. Et ce n’est point fortuit que Sayyid Qutb lui-même ne rejette
pas la modernité mais son caractère étranger, insistant sur la nécessité de l’islamiser.
Ce discours semble avoir une fonction essentiellement militante dans la mesure où l’on accorde à l’arabe littéraire tous les attributs mélioratifs afin de le soutenir dans sa lutte contre
le français, considéré comme responsable de l’aliénation linguistique et culturelle.

Cet effort de légitimation convoque divers arguments dont les principaux sont :



1) Un argument d’ordre religieux :

il pose comme absolu la sacralité de l’arabe littéraire ; langue du Coran, l’arabe est aussi la langue capable d’unifier la communauté islamique. En vertu de ces attributs, cet idiome est considéré comme supérieur à toute autre langue.

2) Un argument d’ordre historique :

Il se fonde sur l’Age d’Or de la civilisation arabo- islamique. Le rayonnement des Arabes pendant la période médiévale a fait de leur langue le véhicule de la science et de la culture depuis l’Asie jusqu’à la côte atlantique, à une époque où l’Europe baignait dans l’obscurité de l’ignorance. Aux yeux de ceux qui
parlent de légitimité à propos de l’arabe littéraire, cela lui confère une légitimité historique.

3) Un argument d’ordre culturel :

Il se fonde sur l’appartenance à la communauté culturelle arabo-islamique, l’arabe y jouant le rôle de creuset dans lequel s’est constitué un patrimoine culturel qui transcende les spécificités ethniques des Musulmans. Ce patrimoine représente le produit de l’accumulation du savoir arabo-islamique auquel ont participé des élites
différentes par leurs origines (Arabes, Amazighs, Afghans, Persans, Turcs, etc.,) mais
unies par l’usage de la langue arabe qui, de ce fait, assure une fonction culturelle
intégrative.

4) Un argument d’ordre idéologique :

Il focalise l’attention sur la fonction politique de l’arabe littéraire, se fondant sur l’idée selon laquelle cette langue constitue le ciment qui solidifie les liens entre les différents pays de la Nation arabe, pays qui peuvent différer par les coutumes, des aspects culturels, le régime politique... mais sont unifiés par la langue. C’est le discours développé entre autres par les baasistes. De plus, l’affermissement de la position de l’arabe face aux langues étrangères peut être considéré comme le fondement même du recouvrement de l’identité spoliée par les régimes coloniaux. L’arabisation constitue en quelque sorte la face culturelle de l’indépendance politique.

L’arabe jouit donc d’une légitimité pluridimensionnelle qui est à la fois religieuse, historique, culturelle et politique. Au niveau de la politique linguistique, la thèse de l’excellence de l’arabe a marqué les réformes des systèmes d’enseignement. On a souvent cherché à lier langue nationale, authenticité et identité.

Essayons d’expliciter les fondements implicites de cette idéologie linguistique.

Il faut noter tout d’abord l’ambiguïté du syntagme « langue nationale ».

Que signifie l’épithète « nationale » ici et quel est l’idiome qui « mérite » d’être désigné ainsi ?

Il va sans dire que, pour les nationalistes, il ne peut s’agir que de l’arabe littéraire, véritable langue de la Nation. Pour ce qui est des autres langues du Maghreb, notamment les langues minorées, elles sont considérées comme des langues non nationales, voire anti-nationales, car symbolisant la division et l’éparpillement de la Supra-nation arabe.

On peut aussi interpréter ce discours dans le cadre des rapports de l’arabe au français d’une part et à tamazight d’autre part.

Assigner à l’arabe la légitimité nationale, c’est l’inscrire dans la logique de la continuité historique et lui conférer un statut enviable sur le marché linguistique maghrébin. Cette légitimité de l’arabe constitue un atout considérable face au français. Implicitement, cela voudrait dire que le français n’a aucune légitimité au Maghreb. Selon les tenants de ce discours, le français, hypothéqué par le passé colonial, ne peut prétendre ni au statut de langue officielle ni à celui de langue nationale. Aux yeux des nationalistes arabes, le français représente la langue du colonisateur, de l’aliénation culturelle et de la dépendance néo- coloniale. Dans le discours islamiste, le français apparaît comme la langue de la laïcité, de la rationalité, de l’athéisme... Bien souvent, les francophones, parmi les intellectuels maghrébins, sont ipso facto considérés comme des francophiles et par la vertu du même raccourci, ils sont désignés comme des acteurs de l’aliénation culturelle et linguistique. Qu’est-ce que la francophonie, dit-on, sinon un discours habilement construit et mis en œuvre dont l’objectif consiste à promouvoir le français et par conséquent à défendre les intérêts de la France ? Lors d’un débat récent (octobre 2002) sur la chaîne qatarite, Al-jazeera, portant surla francophonie, on a largement fait écho de cette idéologie. Par exemple, le dialogue des cultures, slogan, semble-t-il, à la mode, a été largement commenté et présenté comme « le dialogue des intérêts ». Sans nécessairement prendre position pour l’une ou l’autre thèse, car, selon moi, chacune comporte une part de vérité, je veux tout simplement montrer que, abstraction faite de cette guerre de position, si l’on dépasse l’équation selon laquelle une langue = une identité et que l’on conçoit l’identité non comme monovalente mais comme plurielle, au sens de « faite d’apportsmultiples», la francophonie ne signifie pas la négationde l’arabophonie, et inversement.

Par ailleurs, attribuer le statut de langue officielle et nationale à l’arabe a aussi pour effet d’exclure tamazight, en lui ôtant sa légitimité, conformément au postulat suivant : si l’arabe est à la fois langue officielle et langue nationale, alors il n’y a ni lieu ni raison d’être pour une autre langue. Or cela pose au moins deux problèmes :
Le premier est relatif au principe de la langue officielle unique selon l’équation sous- jacente, un Etat = une langue, autrement dit, un Etat ne peut avoir qu’une seule langue officielle. Cette équation s’inscrit dans l’idéologie de la langue unique, fondement de l’unité nationale, idéologie clairement exprimée par la Révolution
française. Or, on sait que ce modèle n’est ni universel ni plus démocratique qu’un autre.

Le second problème est relatif à une idée largement partagée au sein de la société maghrébine selon laquelle une langue nationale est toujours préférable à une langue étrangère.

Si la description des pratiques langagières effectives révèle l’existence d’au moins deux langues nationales, l’arabe et tamazight, seule la première est déclarée comme telle. Cela
pourrait avoir deux interprétations possibles :

1) tamazight n’existe pas

2) tamazight n’est pas une langue nationale.

La première signifie que tamazight ne fait pas partie du paysage sociolinguistique maghrébin, ce qui, bien sûr, va à l’encontre des faits ; la seconde signifie qu’il ne s’agit pas d’une langue mais d’un dialecte, non standardisé, qui ne peut prétendre au statut de langue nationale. Les deux interprétations illustrent le non-dit et surtout la
contradiction entre le fait et le droit. Par ailleurs, si l’on admet qu’une langue nationale est une langue autochtone enracinée dans la pratique socioculturelle de la communauté nationale ou d’une fraction de cette communauté, pourquoi tamazight, présent au Maghreb depuis laHaute Antiquité, ne pourrait-il pas exprimer l’authenticité maghrébine ? Ainsi il apparaît clairement que le discours des concepteurs dela politique linguistique a pour objectif de réduire le plurilinguisme, qui caractérise le marché linguistique maghrébin, à une seule langue légitime.
Explicitement, l’arabe est opposé au français mais, implicitement,on l’oppose à tamazight, l’objectif étant de disqualifier les deux d’un même trait. Si, comme on l’a vu, le français est assimilé au néo-colonialisme, tamazight, lui, symbolise le particularisme et la division de la nation.
 
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