Voici une autre version de l'épopée de Hmou Ounamir
Il serait bon et instructif de situer géographiquement cette légende. Celle qui a bercée mon enfance se situe dans la Province de TATA.
OUNAMIR AYA MJNOUN
Il était une fois un beau et jeune garçon nommé Ounamir.Intélligent il était et fréquentait assidumment l'école coranique du village. Le taleb, son Fquih, aimait le faire venir plus tôt que les autres élèves, avant l'heure de la 1ère prière pour travailler tranquillement.
Mais voilà qu'Ounamir se met à arriver tard sans aucune explication.Il évite même le Taleb et ne s'interresse plus à ses études.Cette attitude se prolongeant, le Taleb convoque Ounamir. Celui-ci, gêné, ne sachant que dire, se tient debout devant le Fquih en dissimulant sa main dans sa Foukilla.
" Que me caches tu sous ta foukilla?" Intrigué, le Taleb attrape la main d'Ounamir et la retourne. Il découvre, consterné, de fins dessins faits au Henné! Quelle deception pour le Taleb...Son meilleur élève délaisse ses études et perds ses nuits chez des filles de mauvaise vie...Ounamir pleure en silence. Il fini par avouer son innocence : chaque matin, en se réveillant, il trouve de nouveaux tatouages au Henné sur sa main.
"Prépare une poignée de blé grillé (Irdn ourfanin), mon fils, allume ta lampe au coucher et place la au fond d'une jarre pour que sa lumière ne soit pas trop vive. Et veille, tout en grignotant Irdn ourfanin, tu verras ainsi celle qui te visite "
Ounamir suit les conseils de son Taleb. Irdn qu'il grignote le maintiennent éveilléLa nuit s'avance, silencieuse... ..
Soudain, dans un frémissement de Timlhaffin a peine perceptible, deux belles jeunes filles s'approchent de lui.La 1ère,Tfoulki zound ayour belle comme la lune, se penche pour saisir la main d'Ounamir et se met à la décorer avec du Henné que lui tend sa servante.Ounamir fait semblant de dormir. Mais que c'est difficile!!la jeune fille est si belle qu'elle en éllumine la pièce. A peine a t elle fini, qu'Ounamir, prestement, retient cette main artiste et sort brutalement la lampe de la jarre.
"Ne me tue pas", supplie la prisonnière dont le visage est encore plus beau dans la lumière vive. Ounamir, subjugué, la retient."Reste avec moi, tu seras mon épouse" La servante s'éloigne laissant sa maîtresse qui n'est autre que la Princesse, fille du roi des Djnouns.
Jaloux de son trésor, Ounamir aménage pour son épouse une chambre secrète entourée de six autres pièces, afin que 7 portes l'isolent de l'extérieur.Il cahe soigneusement la clé pour que personne ne puisse découvrir son secret, surtout sa mère.
La vie normale reprend son cours. Ounamir redevient l'élève assidu qu'il était. Mais après la mosquée, il se hâte de retrouver sa bien aimée. Sa mère se doute de quelque chose... Elle est par ailleurs intriguée du fait que son fils lui demande chaque jour de préparer deux sortes de pain, l'un normal et l'autre sans sel, comme celui des Djnouns.
Un jour qu'Ounamir est parti à cheval avec ses amis, sa vieille mère découvre par hasard dans la mangeoire du cheval, sous la paille, une clef brillante.
Devinant que cette clef est celle de la maison de son fils, la vielle mère ouvre les 7 portes et se trouve soudain devant la prisonnière. Stupéfaite devant une telle beauté, elle se met à répéter "mon fils a bien de la chance..."
"Tu regretteras ta curiosité, et ton fils avec toi" lui répond l'épouse"
La vielle mère s'empresse de repartir en prenant bien soin de refermer les 7 portes et de remettre la clé à sa place.
De retour, Ounamir est,comme d'habitude, impatient de retrouver sa Princesse.Pénétrant ds la 1ère pièce, il s'étonne de trouver le sol légèrement mouillé; dans la 2ième,les traces d'eau sont bien visibles; ds la 3ième, l'eau lui arrive à la cheville, dans la 4ième, elle arrive aux genoux. Pour traverser la 5ième pièce, l'eau lui arrive à la ceinture et ds la 6ième, il est mouillé jusqu'à la poitrine. En ouvrant la 7ième porte, il aperçoit sa femme, presque noyée par les flots de ses larmes qu'elle verse depuis la visite de sa belle- mère.
"Ne me laisse pas mourir, ouvre vite cette fenêtre" lui crie-t-elle.Ounamir ouvre la fenêtre, elle s'y engouffre et s'envole. Tentant de la retenir, il n'attrape que sa bague."Si tu veux me voire, rejoins moi dans le ciel le plus élevé" et elle disparaît.
Triste, affligé, Ounamir pleure sans cesse. Prosterné, accablé par le départ de sa Princesse bien aimée, il erre lamentablement, sans oser avouer son secret. Sa mère le croit même devenu muet.
Pour le forcer à sortir du silence, la servante imagine une ruse.La voilà qui essaie de faire tenirune marmite en cuivre sur deux des trois pierres du foyer.A chaque tentative, la marmite tombe inmanquablement.Devant ces echecs, énervé, Ounamir ne peut se retenir et crie " mets donc la 3ième pierre, nigaude!"
La servante triomphe de le voire sorti de son mutisme.Furieux de s'être laissé piégé, Ounamir monte sur la terrasse pour pleurer à son aise.Au dessus de lui, un immence corbeau (A3akaye)déploie ses ailes dans le ciel et tourne en rond.
-" Mais qu'as tu donc pour pleurer, toi dont le beau visage ne s'accorde pas aux larmes?"
-"Si mon visage ne méritait pas mes larmes, je ne pleurerais pas" répond Ounamir. Puis, lassé par les questions de A3akaye, il finit par lui raconter ses malheurs.
-"Prends donc ton cheval,et vas trouver l'aigle (Elbaz) de la roche bleu, lui conseille le corbeau. Il n' y a que lui qui puisse t'aider, et il ne pourras pas te refuser si tu prends avec toi (Sa n Isslhamn) 7 burnouss, 7 turbans (Rzza) et une bonne provision de dattes et d'amandes."
Ounamir enfourche son cheval et va à la recherche de l'aigle.Longue et pénible chevauchée qui l'emmène ds des régions désertiques, arides et rocailleuses. Au bout de sa longue route, il aperçoit enfin l'énorme rocher bleu de l'aigle. Elbaz est occupé à l'enseignement de ses 7 enfants réunis autour de lui.
-" O toi l'aigle, qui vit sur le rocher bleu, toi dont la tour monte jusqu'au plus profond des ciels...", un petit de l'aigle entend la complainte d'Ounamir:
-"Cette chançon, Papa, d'où vient - t- elle?" Pour réponse, le vieil aigle gifle son fils:"Il n'ya personne ici qui puisse chanter"
Sous le coup, le petit dégringole du rocher.Ounamir s'empresse de le recueillir, lui rase le crâne, le revêt d'un burnouss et d'un turban, remplit son capuchon de dattes et d'amandes, et reprends sa complainte:
-"O toi l'aigle du rocher bleu..." Un autre enfant de l'aigle entend la chanson et veut le faire remarquer à son père. Mais de nouveau, la gifle ne tarde pas. L'aiglon dégringole à son tour du rocher.Comme pour le 1er, Ounamir réussit à l'attraper, Ikrdass agayou, Ilssass Rzza douslham, I3mrass akkdam s louz d ikkayne (lui rase le crâne, l'habille ......) et reprend son refrain.
C'est ainsi que les fils de l'aigle, giflés, les uns après les autres rejoignent Ounamir en bas du rocher et sont déguisés par ses soins.Resté seul sur le rocher, Elbaz entend enfin la voix d'Ounamir. Furieux, il crie:
-"Qui chante donc ici, qu'il disparaisse par mes soins, lui ainsi que le sol qui le porte!"
Le vieil aigle a beau chercher, il ne trouve pas Ounamir.Une fois calmé, il renonce à ses menaces:
-"Ne crains plus, toi qui sait si bien te cacher,je te considérerai comme mon propre fils."
Rassuré, Ounamir sort de sa cachette et explique sa conduite et les raisons de sa visite.
-"Puisque tu as fait des cadeaux à mes enfants, je ne te dévorerai pas.Mais je ne puis faire grand'chose pour toi.Je suis bien vieuxpour te conduire aussi loin que tu me le demandes.Il faudrait que je m'entraîne d'abord. Alors tue ton cheval, retires-en 7 beaux morceaux de viande, partage le reste en 3 et remplis 7 poires à poudre de son sang. A ce moment-là, je pourrai t'aider."
Tuer son cheval! C'en est trop pour Ounamir, dont la complainte s'élève, monotone:
-"Comment pourrais-je tuer mon cheval, moi qui lui ai toujours donné bride et selle garnies d'or?..."
Du ciel, une voix se fait entendre " Ounamir a yamjnoun, Rriss i wayisnik fkit i lbaz, Ö Ounamir, le possédé des esprits, égorge ton cheval et offre le à l'aigle..."
Le cheval lui même reprend le refrain et pousse son maître à le sacrifier pour aller retrouver sa Princess bien aimée.
Ounamir sacrifie son compagnon, prépare les 7 parts, les 7 poires à poudres remplies de sang tandis que le reste de la bête, il le découpe en 3 gros morceaux.
L'aigle mange le 1er quartier; s'élevant un peu dans les airs, il secoue ses ailes pour les débarrasser de leurs vieilles plumes;elles tombent, abondantes, le laissant tout rajeuni par un nouveau plumage.
Il mange alors la seconde portion, et d'un trait monte dans le ciel; pas encore assez fort, il n'atteint que le 5ème ciel.Il redescend et achève le 3ième morceau, et cette fois-ci , d'une seule tirée d'ailes, il parvient au 7ième ciel, le plus haut; celui du Royaume des Jnouns. Et c'est là que veut aller Ounamir.
Son entraînement terminé, l'aigle prend Ounamir sur son dos. "Chaque fois que je te le demanderai, tu me donneras une part de viande et un flacon de sang"
Ounamir s'agrippe sur le dos de l'aigle;et chaque fois que sa monture franchi un ciel, il tend viande et sang à l'aigle affamé et assoiffé.Tout se déroule bien...Soudain, ô malheur, en donnant le 6ième morceau de viande,Le dernier morceau échappe à Ounamir involontairement et tombe dans le vide. ...Honteux, Ounamir n'ose avouer sa maladresse.Pluôt que de voire echouer son projet,d'un coup de couteau il entaille la partie intérieure de son propre avant bras. Depuis Ounamir, tout homme gardera la trace de ce geste, puisque, c'est bien connu, il a un creux marqué à cet endroit précis...
L'aigle surpris:"Quelle est donc cette viande si salée" et après l'explication d'Ounamir, "mais pourquoi tu me l'as pas dit?j'aurrai pu facilement rattraper le morceau"
Ounamir est enfin arrivé au Royaume du Roi des Jnouns.Merveilles, beauté, jardins féeriques, sources claires...Un vrai paradis. Ounamir se promène ravi. Il se cache près du puits pour observer les jeunes filles qui viennent remplir leur cruche (Tagdourte). Caché ds un arbre dominant la source, son visage se reflète sur l'eau avec une grande précision, si bien que chacunes des servantes croit y découvrir son propre reflet."Comment, moi si belle et c'est à moi d'aller chercher l'eau alors que ma maîtresse se prélasse..." Furieuses, elles fracassent leur cruche, décidées à ne plus se laisser asservir...
Ounamir reconnait parmi elles la servante de sa Princesse.Il descend de son perchoir et se fait reconnaître:
"Va vite porter ta cruche à ta maîtresse, et recommande lui de la vider elle même." Ounamir y glisse sa bague en cachette.
En découvrant la bague, quelle surprise pour la Princesse, fille des Rois des Jnouns!
"Ounamir, mais comment a-t-il fait pour venir jusqu'ici?"
Elle se précipite à la source pour retrouver Ounamir.Et grace à un stratagème, ils se retrouvent aux palais: caché au fond d'un pannier de luzerne. Il rejoint ainsi sa bien-aimée et se prépare à couler des jours heureux. Mais leur mariage secret ne peut plus durer. un fils leur naît, et chacun s'étonne de ne pas connaître le père.
Ounamir, peu à peu s'identifie aux Jnouns, prend leurs us et coutumes et presque l'apparence. Un jour, passant à la Djemaa, il voit son fils bavardant avec des vieillards:
-"Va donc vers ton père te faire raser le crâne" dit l'un des vieillards à l'enfant. Sans hésiter, l'enfant se dirige vers Ounamir, démontrant ainsi les liens qui les unissent. Désormais, Ounamir se voit accepté par tous, libre de faire ce que bon lui semble, de jouire sans entrave de son bonheur aux côtés se son épouse et de son fils.
-"Mais ne soulève jamais cette pierre" lui recommande son épouse, en lui montrant une dalle sur le sol d'une des pièces du palais.
Les mois passent. Arrive l'aîd el kébir. Pour la 1ière fois, depuis qu'il a quitté son village, Ounamir est envahi par une grande nostalgie et pense à sa vieille mère, veuve et qui n'avait que lui.
Sa femme est en visite chez des amis; Ounamir erre dans l'immence palais envahi par le souvenirs des fêtes de l'Aîd de son enfance:les préparatifs, la tension précédant la fête, le mouton bien soigné avant le sacrifice, les habits neufs, la visite de la famille..., il se souvient de tout cela et de l'ambiance de cette journée si particulière.
Et aujourd'hui, qui égorgera le mouton de sa mère? en aura -t- elle un, ou bien se contentera-t-elle d'une brebis ou d'une chèvre ou même d'un morceau charitable?.. Ounamir tourne en rond en proie à tant de questions, dans le palais désert et se retrouve subitement devant la fameuse dalle défendue, qu'il n'hésite pas à soulever. ô merveille, il découvre une petite fenêtre donnant exactement sur son village natal dont il distingue avec précision chaque détail.Voilà qu'il reconnait sa maison, et que voit il au milieu de sa cour? sa vieille mère,devenue aveugle à force de pleurer son unique fils,tenant le mouton et implorant: "mais qui donc viendra égorger mon mouton? je n'ai même pas de couteau." Les gens passent. Voilà même que quelqu'un lui échange son gros mouton contre un maigre mouton..., puis une chèvre, puis un chien....
-"Tiens, maman", et sans réfléchir, Ounamir lui lance Talkoumiyte (son poignard); mais comme il ne la voit pas arriver sur terre, sans hésiter, d'un bond il passe par la lucarne et saute au secours de sa pauvre vieille mère.
Au même instant, sa femme, alertée par un pressentiment, est revenue au palais et se précipite ds la pîèce:trop tard, la dalle est soulevée; par l'orifice, elle voit Ounamir qui descend dans le vide. Affolée, elle lui crie:
-"Tu as commis une faute, mais si tu veux encore être sauvé, ne pronnonce aucune plainte."
Le vent soufle. Il est froidn glacial.Il transperce Ounamir dans sa chute vertigineuse. La pluie se met à tomber: les gouttelettes gelées fouettent son corps.Longue chute, ciel après ciel. Transi, effrayé,Ounamir ne peut retenir ses plaintes:
-"J'ai faim, j'ai froid, qui saura raconter mes tourments à ma mère?"
Les vents, vexés d'entendre cette complainte, abandonnent Ounamir.Au lieu de ralentir sa chute, ils le précipitent au sol.
Projeté à grande vitesse sur la Tagoujgalt(*), cette vasque d'eau devant son ville Agoujgal, surplombant Oued TATA, Ounamir essaie de se retenir aux rochers.Sa main marque la pierre d'une trace profonde encore visible aujourdh'hui...C'est tout ce qui reste de lui.
Les femmes de TATA continuent à raconter cette épopée à leurs enfants. Les traces d'Ounamir sont encore visibles sur les rochers de l'Oued TATA, devant le village d'Agoujgal.
On raconte encore que chaque année, à l'époque où les gens battent le blé ou l'orge sur leur aire de battage, le vent se lève toujours quand les descendants de la famille Ounamir battent leur moisson.
Cette épopée philosophique, tout comme d'autres (dans dautres civilisations) sont à méditer. La légende d'Ounamir fait partie de notre patrimoine Amazigh. Elle est racontée avec des variantes selon les régions. Elle se situe ici à TATA mais certainement dans d'autres lieu de notre chère berberie.
A tous d'enrichir avec ses variantes cette légende d'Ounamir.
[ Edité par asmoune le 10/2/2004 23:47 ]
Il serait bon et instructif de situer géographiquement cette légende. Celle qui a bercée mon enfance se situe dans la Province de TATA.
OUNAMIR AYA MJNOUN
Il était une fois un beau et jeune garçon nommé Ounamir.Intélligent il était et fréquentait assidumment l'école coranique du village. Le taleb, son Fquih, aimait le faire venir plus tôt que les autres élèves, avant l'heure de la 1ère prière pour travailler tranquillement.
Mais voilà qu'Ounamir se met à arriver tard sans aucune explication.Il évite même le Taleb et ne s'interresse plus à ses études.Cette attitude se prolongeant, le Taleb convoque Ounamir. Celui-ci, gêné, ne sachant que dire, se tient debout devant le Fquih en dissimulant sa main dans sa Foukilla.
" Que me caches tu sous ta foukilla?" Intrigué, le Taleb attrape la main d'Ounamir et la retourne. Il découvre, consterné, de fins dessins faits au Henné! Quelle deception pour le Taleb...Son meilleur élève délaisse ses études et perds ses nuits chez des filles de mauvaise vie...Ounamir pleure en silence. Il fini par avouer son innocence : chaque matin, en se réveillant, il trouve de nouveaux tatouages au Henné sur sa main.
"Prépare une poignée de blé grillé (Irdn ourfanin), mon fils, allume ta lampe au coucher et place la au fond d'une jarre pour que sa lumière ne soit pas trop vive. Et veille, tout en grignotant Irdn ourfanin, tu verras ainsi celle qui te visite "
Ounamir suit les conseils de son Taleb. Irdn qu'il grignote le maintiennent éveilléLa nuit s'avance, silencieuse... ..
Soudain, dans un frémissement de Timlhaffin a peine perceptible, deux belles jeunes filles s'approchent de lui.La 1ère,Tfoulki zound ayour belle comme la lune, se penche pour saisir la main d'Ounamir et se met à la décorer avec du Henné que lui tend sa servante.Ounamir fait semblant de dormir. Mais que c'est difficile!!la jeune fille est si belle qu'elle en éllumine la pièce. A peine a t elle fini, qu'Ounamir, prestement, retient cette main artiste et sort brutalement la lampe de la jarre.
"Ne me tue pas", supplie la prisonnière dont le visage est encore plus beau dans la lumière vive. Ounamir, subjugué, la retient."Reste avec moi, tu seras mon épouse" La servante s'éloigne laissant sa maîtresse qui n'est autre que la Princesse, fille du roi des Djnouns.
Jaloux de son trésor, Ounamir aménage pour son épouse une chambre secrète entourée de six autres pièces, afin que 7 portes l'isolent de l'extérieur.Il cahe soigneusement la clé pour que personne ne puisse découvrir son secret, surtout sa mère.
La vie normale reprend son cours. Ounamir redevient l'élève assidu qu'il était. Mais après la mosquée, il se hâte de retrouver sa bien aimée. Sa mère se doute de quelque chose... Elle est par ailleurs intriguée du fait que son fils lui demande chaque jour de préparer deux sortes de pain, l'un normal et l'autre sans sel, comme celui des Djnouns.
Un jour qu'Ounamir est parti à cheval avec ses amis, sa vieille mère découvre par hasard dans la mangeoire du cheval, sous la paille, une clef brillante.
Devinant que cette clef est celle de la maison de son fils, la vielle mère ouvre les 7 portes et se trouve soudain devant la prisonnière. Stupéfaite devant une telle beauté, elle se met à répéter "mon fils a bien de la chance..."
"Tu regretteras ta curiosité, et ton fils avec toi" lui répond l'épouse"
La vielle mère s'empresse de repartir en prenant bien soin de refermer les 7 portes et de remettre la clé à sa place.
De retour, Ounamir est,comme d'habitude, impatient de retrouver sa Princesse.Pénétrant ds la 1ère pièce, il s'étonne de trouver le sol légèrement mouillé; dans la 2ième,les traces d'eau sont bien visibles; ds la 3ième, l'eau lui arrive à la cheville, dans la 4ième, elle arrive aux genoux. Pour traverser la 5ième pièce, l'eau lui arrive à la ceinture et ds la 6ième, il est mouillé jusqu'à la poitrine. En ouvrant la 7ième porte, il aperçoit sa femme, presque noyée par les flots de ses larmes qu'elle verse depuis la visite de sa belle- mère.
"Ne me laisse pas mourir, ouvre vite cette fenêtre" lui crie-t-elle.Ounamir ouvre la fenêtre, elle s'y engouffre et s'envole. Tentant de la retenir, il n'attrape que sa bague."Si tu veux me voire, rejoins moi dans le ciel le plus élevé" et elle disparaît.
Triste, affligé, Ounamir pleure sans cesse. Prosterné, accablé par le départ de sa Princesse bien aimée, il erre lamentablement, sans oser avouer son secret. Sa mère le croit même devenu muet.
Pour le forcer à sortir du silence, la servante imagine une ruse.La voilà qui essaie de faire tenirune marmite en cuivre sur deux des trois pierres du foyer.A chaque tentative, la marmite tombe inmanquablement.Devant ces echecs, énervé, Ounamir ne peut se retenir et crie " mets donc la 3ième pierre, nigaude!"
La servante triomphe de le voire sorti de son mutisme.Furieux de s'être laissé piégé, Ounamir monte sur la terrasse pour pleurer à son aise.Au dessus de lui, un immence corbeau (A3akaye)déploie ses ailes dans le ciel et tourne en rond.
-" Mais qu'as tu donc pour pleurer, toi dont le beau visage ne s'accorde pas aux larmes?"
-"Si mon visage ne méritait pas mes larmes, je ne pleurerais pas" répond Ounamir. Puis, lassé par les questions de A3akaye, il finit par lui raconter ses malheurs.
-"Prends donc ton cheval,et vas trouver l'aigle (Elbaz) de la roche bleu, lui conseille le corbeau. Il n' y a que lui qui puisse t'aider, et il ne pourras pas te refuser si tu prends avec toi (Sa n Isslhamn) 7 burnouss, 7 turbans (Rzza) et une bonne provision de dattes et d'amandes."
Ounamir enfourche son cheval et va à la recherche de l'aigle.Longue et pénible chevauchée qui l'emmène ds des régions désertiques, arides et rocailleuses. Au bout de sa longue route, il aperçoit enfin l'énorme rocher bleu de l'aigle. Elbaz est occupé à l'enseignement de ses 7 enfants réunis autour de lui.
-" O toi l'aigle, qui vit sur le rocher bleu, toi dont la tour monte jusqu'au plus profond des ciels...", un petit de l'aigle entend la complainte d'Ounamir:
-"Cette chançon, Papa, d'où vient - t- elle?" Pour réponse, le vieil aigle gifle son fils:"Il n'ya personne ici qui puisse chanter"
Sous le coup, le petit dégringole du rocher.Ounamir s'empresse de le recueillir, lui rase le crâne, le revêt d'un burnouss et d'un turban, remplit son capuchon de dattes et d'amandes, et reprends sa complainte:
-"O toi l'aigle du rocher bleu..." Un autre enfant de l'aigle entend la chanson et veut le faire remarquer à son père. Mais de nouveau, la gifle ne tarde pas. L'aiglon dégringole à son tour du rocher.Comme pour le 1er, Ounamir réussit à l'attraper, Ikrdass agayou, Ilssass Rzza douslham, I3mrass akkdam s louz d ikkayne (lui rase le crâne, l'habille ......) et reprend son refrain.
C'est ainsi que les fils de l'aigle, giflés, les uns après les autres rejoignent Ounamir en bas du rocher et sont déguisés par ses soins.Resté seul sur le rocher, Elbaz entend enfin la voix d'Ounamir. Furieux, il crie:
-"Qui chante donc ici, qu'il disparaisse par mes soins, lui ainsi que le sol qui le porte!"
Le vieil aigle a beau chercher, il ne trouve pas Ounamir.Une fois calmé, il renonce à ses menaces:
-"Ne crains plus, toi qui sait si bien te cacher,je te considérerai comme mon propre fils."
Rassuré, Ounamir sort de sa cachette et explique sa conduite et les raisons de sa visite.
-"Puisque tu as fait des cadeaux à mes enfants, je ne te dévorerai pas.Mais je ne puis faire grand'chose pour toi.Je suis bien vieuxpour te conduire aussi loin que tu me le demandes.Il faudrait que je m'entraîne d'abord. Alors tue ton cheval, retires-en 7 beaux morceaux de viande, partage le reste en 3 et remplis 7 poires à poudre de son sang. A ce moment-là, je pourrai t'aider."
Tuer son cheval! C'en est trop pour Ounamir, dont la complainte s'élève, monotone:
-"Comment pourrais-je tuer mon cheval, moi qui lui ai toujours donné bride et selle garnies d'or?..."
Du ciel, une voix se fait entendre " Ounamir a yamjnoun, Rriss i wayisnik fkit i lbaz, Ö Ounamir, le possédé des esprits, égorge ton cheval et offre le à l'aigle..."
Le cheval lui même reprend le refrain et pousse son maître à le sacrifier pour aller retrouver sa Princess bien aimée.
Ounamir sacrifie son compagnon, prépare les 7 parts, les 7 poires à poudres remplies de sang tandis que le reste de la bête, il le découpe en 3 gros morceaux.
L'aigle mange le 1er quartier; s'élevant un peu dans les airs, il secoue ses ailes pour les débarrasser de leurs vieilles plumes;elles tombent, abondantes, le laissant tout rajeuni par un nouveau plumage.
Il mange alors la seconde portion, et d'un trait monte dans le ciel; pas encore assez fort, il n'atteint que le 5ème ciel.Il redescend et achève le 3ième morceau, et cette fois-ci , d'une seule tirée d'ailes, il parvient au 7ième ciel, le plus haut; celui du Royaume des Jnouns. Et c'est là que veut aller Ounamir.
Son entraînement terminé, l'aigle prend Ounamir sur son dos. "Chaque fois que je te le demanderai, tu me donneras une part de viande et un flacon de sang"
Ounamir s'agrippe sur le dos de l'aigle;et chaque fois que sa monture franchi un ciel, il tend viande et sang à l'aigle affamé et assoiffé.Tout se déroule bien...Soudain, ô malheur, en donnant le 6ième morceau de viande,Le dernier morceau échappe à Ounamir involontairement et tombe dans le vide. ...Honteux, Ounamir n'ose avouer sa maladresse.Pluôt que de voire echouer son projet,d'un coup de couteau il entaille la partie intérieure de son propre avant bras. Depuis Ounamir, tout homme gardera la trace de ce geste, puisque, c'est bien connu, il a un creux marqué à cet endroit précis...
L'aigle surpris:"Quelle est donc cette viande si salée" et après l'explication d'Ounamir, "mais pourquoi tu me l'as pas dit?j'aurrai pu facilement rattraper le morceau"
Ounamir est enfin arrivé au Royaume du Roi des Jnouns.Merveilles, beauté, jardins féeriques, sources claires...Un vrai paradis. Ounamir se promène ravi. Il se cache près du puits pour observer les jeunes filles qui viennent remplir leur cruche (Tagdourte). Caché ds un arbre dominant la source, son visage se reflète sur l'eau avec une grande précision, si bien que chacunes des servantes croit y découvrir son propre reflet."Comment, moi si belle et c'est à moi d'aller chercher l'eau alors que ma maîtresse se prélasse..." Furieuses, elles fracassent leur cruche, décidées à ne plus se laisser asservir...
Ounamir reconnait parmi elles la servante de sa Princesse.Il descend de son perchoir et se fait reconnaître:
"Va vite porter ta cruche à ta maîtresse, et recommande lui de la vider elle même." Ounamir y glisse sa bague en cachette.
En découvrant la bague, quelle surprise pour la Princesse, fille des Rois des Jnouns!
"Ounamir, mais comment a-t-il fait pour venir jusqu'ici?"
Elle se précipite à la source pour retrouver Ounamir.Et grace à un stratagème, ils se retrouvent aux palais: caché au fond d'un pannier de luzerne. Il rejoint ainsi sa bien-aimée et se prépare à couler des jours heureux. Mais leur mariage secret ne peut plus durer. un fils leur naît, et chacun s'étonne de ne pas connaître le père.
Ounamir, peu à peu s'identifie aux Jnouns, prend leurs us et coutumes et presque l'apparence. Un jour, passant à la Djemaa, il voit son fils bavardant avec des vieillards:
-"Va donc vers ton père te faire raser le crâne" dit l'un des vieillards à l'enfant. Sans hésiter, l'enfant se dirige vers Ounamir, démontrant ainsi les liens qui les unissent. Désormais, Ounamir se voit accepté par tous, libre de faire ce que bon lui semble, de jouire sans entrave de son bonheur aux côtés se son épouse et de son fils.
-"Mais ne soulève jamais cette pierre" lui recommande son épouse, en lui montrant une dalle sur le sol d'une des pièces du palais.
Les mois passent. Arrive l'aîd el kébir. Pour la 1ière fois, depuis qu'il a quitté son village, Ounamir est envahi par une grande nostalgie et pense à sa vieille mère, veuve et qui n'avait que lui.
Sa femme est en visite chez des amis; Ounamir erre dans l'immence palais envahi par le souvenirs des fêtes de l'Aîd de son enfance:les préparatifs, la tension précédant la fête, le mouton bien soigné avant le sacrifice, les habits neufs, la visite de la famille..., il se souvient de tout cela et de l'ambiance de cette journée si particulière.
Et aujourd'hui, qui égorgera le mouton de sa mère? en aura -t- elle un, ou bien se contentera-t-elle d'une brebis ou d'une chèvre ou même d'un morceau charitable?.. Ounamir tourne en rond en proie à tant de questions, dans le palais désert et se retrouve subitement devant la fameuse dalle défendue, qu'il n'hésite pas à soulever. ô merveille, il découvre une petite fenêtre donnant exactement sur son village natal dont il distingue avec précision chaque détail.Voilà qu'il reconnait sa maison, et que voit il au milieu de sa cour? sa vieille mère,devenue aveugle à force de pleurer son unique fils,tenant le mouton et implorant: "mais qui donc viendra égorger mon mouton? je n'ai même pas de couteau." Les gens passent. Voilà même que quelqu'un lui échange son gros mouton contre un maigre mouton..., puis une chèvre, puis un chien....
-"Tiens, maman", et sans réfléchir, Ounamir lui lance Talkoumiyte (son poignard); mais comme il ne la voit pas arriver sur terre, sans hésiter, d'un bond il passe par la lucarne et saute au secours de sa pauvre vieille mère.
Au même instant, sa femme, alertée par un pressentiment, est revenue au palais et se précipite ds la pîèce:trop tard, la dalle est soulevée; par l'orifice, elle voit Ounamir qui descend dans le vide. Affolée, elle lui crie:
-"Tu as commis une faute, mais si tu veux encore être sauvé, ne pronnonce aucune plainte."
Le vent soufle. Il est froidn glacial.Il transperce Ounamir dans sa chute vertigineuse. La pluie se met à tomber: les gouttelettes gelées fouettent son corps.Longue chute, ciel après ciel. Transi, effrayé,Ounamir ne peut retenir ses plaintes:
-"J'ai faim, j'ai froid, qui saura raconter mes tourments à ma mère?"
Les vents, vexés d'entendre cette complainte, abandonnent Ounamir.Au lieu de ralentir sa chute, ils le précipitent au sol.
Projeté à grande vitesse sur la Tagoujgalt(*), cette vasque d'eau devant son ville Agoujgal, surplombant Oued TATA, Ounamir essaie de se retenir aux rochers.Sa main marque la pierre d'une trace profonde encore visible aujourdh'hui...C'est tout ce qui reste de lui.
Les femmes de TATA continuent à raconter cette épopée à leurs enfants. Les traces d'Ounamir sont encore visibles sur les rochers de l'Oued TATA, devant le village d'Agoujgal.
On raconte encore que chaque année, à l'époque où les gens battent le blé ou l'orge sur leur aire de battage, le vent se lève toujours quand les descendants de la famille Ounamir battent leur moisson.
Cette épopée philosophique, tout comme d'autres (dans dautres civilisations) sont à méditer. La légende d'Ounamir fait partie de notre patrimoine Amazigh. Elle est racontée avec des variantes selon les régions. Elle se situe ici à TATA mais certainement dans d'autres lieu de notre chère berberie.
A tous d'enrichir avec ses variantes cette légende d'Ounamir.
[ Edité par asmoune le 10/2/2004 23:47 ]