LES ALMOHADES
LES ALMOHADES (en arabe al-Muwahhid, les " unitariens ", ceux qui proclament l'unité divine )
Dynastie berbère musulmane, issue d'un mouvement de réforme religieuse, qui règne sur le Maghreb et l'Espagne musulmane de 1147 à 1269.
Les origines :
Le mouvement almohade est fondé au début du 12e siècle par Muhammad ibn Tumart (1080-1116-1130), un réformateur berbère de l'Anti-Atlas. S'opposant au rite malékite imposé par la dynastie régnante, les Almoravides, Ibn Tumart prêche le retour aux sources religieuses de l'Islam. Formé en Orient et influencé par le chiisme, il leur reproche d'avoir délaissé l'étude du Coran pour un juridisme excessif ; il dénonce également leur conception anthropomorphe de Dieu qu'il assimile à du polythéïsme. Il y oppose le retour au principe fondamental de l'unité divine (tawhîd en arabe), d'où leur appellation d' " unitariens ". Rabroué par la foule et pourchassé par le souverain almoravide, il se réfugie dans le Haut Atlas, à Tinmal; à l'exemple du Prophète, il y organise une communauté militaire et religieuse (les Dix et les Cinquante) autour d'un islam rigide et austère et, en 1121, se proclame mahdi (le Messie, l'imam caché dont la venue est attendue par les chiites).
Fondation de la dynastie muminide et apogée des Almohades
L'Etat almohade étant établi dans son originalité politico-religieuse, le Mahdi lance la guerre sainte, ou jihad, contre le Maghreb almoravide. Il commence par le siège de Marrakech en 1130 qui se solde par un échec et entraîne sa mort. Un de ses disciples, Abd al-Mumin (1100-1133-1163), hérite de son autorité en se faisant reconnaître par les Dix, puis les Cinquante vers 1133. Sous sa direction, Tlemcen, Fès puis Marrakech sont prises et la dynastie almoravide tombe en 1147. Abd al-Mumin établit peu à peu son autorité sur un empire englobant l'ensemble du Maghreb et l'Andalousie occidentale (prise de Cordoue en 1148 et de Grenade en 1154). Il se proclame calife et Prince des croyants, rejetant ainsi la souveraineté des Abbassides, et impose le principe d'hérédité dynastique ; son fils, Abu Yaqub Yusuf ( ? -1163-1184), peut lui succéder à sa mort en 1163. Ce dernier et son fils, Abu Yusuf Yaqub al-Mansur , " le Victorieux " ( ? -1184-1199), troisième calife, poursuivent son œuvre et étendent leur autorité à toute l'Andalousie (voir carte ci-dessous).
La Reconquista a provoqué en retour l'arrivée des Almohades qui ne reconnaissent plus aux Mozarabes (chrétiens de l'Espagne musulmane) et aux Juifs le statut de protégés (Al Mansur leur impose le port d'insignes distinctifs en 1184). Ces derniers émigrent (flèches)vers Tolède qui abrite aussi une importante communauté musulmane, les Mudéjar.
L'ordre régnant sur la vaste zone hispano-maghrébine permet un grand développement de l'industrie et du commerce. Les relations commerciales sont très actives avec les places chrétiennes notamment Gênes, Marseille et Pise. Si l'intransigeance religieuse des premiers Almohades est à l'origine d'une phase de persécutions contre les Juifs (voir carte), les Chrétiens et la philosophie (la disgrâce d'Averroès en est un exemple), elle n'a pas de suite chez leurs successeurs. Ces derniers sont vite gagnés par le goût du confort, du luxe et des arts. L'activité culturelle est intense et, notamment, les philosophes Ibn Tufayl et Averroès sont accueillis à la cour du calife Al Mansur. Sous son règne, l'architecture produit d'ailleurs de nombreux chefs d'œuvre : la Giralda, minaret de la mosquée de Séville, la casbah de Marrakech et la mosquée Hasan à Rabat. Dans les milieux urbains se manifeste au contraire un soufisme populaire, s'ajoutant au traditionnel légalisme malékite.
Divisions et déclin des Almohades :
Les tendances à la dislocation sont pourtant puissantes à partir de 1184. Le principe d'hérédité dynastique ayant rompu avec les règles collégiales instituées par le mahdi, les tensions vont en s'aggravant entre les cheikhs , descendants des premiers conseils (Dix et Cinquante), et la famille du souverain. Les tentatives de restauration des Almoravides au Maghreb entretiennent également un climat de sédition : Bougie et Alger sont reprises en 1185 et les Almohades connaissent une cuisante défaite près de Tunis en 1187, nécessitant l'alliance avec Saladin. Les royaumes chrétiens d'Espagne surtout mènent la Reconquista avec une énergie croissante, même si Al Mansur arrive à l'endiguer momentanément par sa victoire sur le roi Alphonse VIII de Castille à Alarcos le 18 juillet 1199.
La puissance almohade commence à décliner sous le règne du 4e calife, Muhamad al-Nasir (1179-1199-1214), fils d'Al-Mansur. Il ne réussit à garder quelque autorité sur la Tunisie qu'en y déléguant un cheikh doté d'une grande indépendance financière et militaire . En 1212, à la suite de l'appel à la croisade lancé par l'évêque de Tolède, les royaumes chrétiens de Castille, de Léon, d'Aragon et de Navarre unissent leur force et infligent à Al-Nasir le désastre de Las Navas de Tolosa (17 juillet 1212), étape essentielle dans la Reconquista. Al-Nasir se replie au Maghreb où il installe sa nouvelle capitale, Marrakech (voir carte). Mais sa défaite a attisé les rivalités et il est assassiné à la suite d'une conspiration. La continuité dynastique s'interrompt alors ; un nouveau membre du clan des Almohades devient calife. Dans ce climat de luttes entre Muminides et cheikhs, les sécessions se multiplient. A partir de 1215-1217, les Mérinides entretiennent un climat de dissidence dans le Maghreb oriental et s'emparent de plusieurs cités. Ces revers permettent le retour d'un descendant d'Al-Mumin, Abu Muhamad Abdallah " al-Adil ", 7e calife ( ? -1124-1127), fils d'Al-Mansur . Sous son règne éphémère , la sécession gagne l'Andalousie avec les Hudides de Murcie. Sous ses successeurs, les dissensions au sein du cercle dirigeant s'aggravent et favorisent l'éclatement de l'empire. Différentes provinces se proclament indépendantes. Ainsi au Maghreb, des dynasties locales s'imposent, comme les Hafsides en Tunisie en 1229, les Abdelwadides dans le Maghreb central en 1239 ou encore les Mérinides qui s'emparent en 1244 de Meknès dans le Maghreb occidental. En Andalousie, les Nasrides de Grenade crée un royaume indépendant qui survit jusqu'en 1492. Dans le même temps, la Reconquista progresse à grands pas ; Cordoue, la ville symbole l'islam espagnol, tombe en 1236, Valence en 1238, Séville en 1248. Ces reculs successifs et cet émiettement de l'empire sonnent le glas de la dynastie almohade qui prend fin après la prise de Marrakech par les Mérinides en 1269.
[ Edité par chico le 15/6/2004 10:43 ]
[ Edité par chico le 15/6/2004 10:45 ]
LES ALMOHADES (en arabe al-Muwahhid, les " unitariens ", ceux qui proclament l'unité divine )
Dynastie berbère musulmane, issue d'un mouvement de réforme religieuse, qui règne sur le Maghreb et l'Espagne musulmane de 1147 à 1269.
Les origines :
Le mouvement almohade est fondé au début du 12e siècle par Muhammad ibn Tumart (1080-1116-1130), un réformateur berbère de l'Anti-Atlas. S'opposant au rite malékite imposé par la dynastie régnante, les Almoravides, Ibn Tumart prêche le retour aux sources religieuses de l'Islam. Formé en Orient et influencé par le chiisme, il leur reproche d'avoir délaissé l'étude du Coran pour un juridisme excessif ; il dénonce également leur conception anthropomorphe de Dieu qu'il assimile à du polythéïsme. Il y oppose le retour au principe fondamental de l'unité divine (tawhîd en arabe), d'où leur appellation d' " unitariens ". Rabroué par la foule et pourchassé par le souverain almoravide, il se réfugie dans le Haut Atlas, à Tinmal; à l'exemple du Prophète, il y organise une communauté militaire et religieuse (les Dix et les Cinquante) autour d'un islam rigide et austère et, en 1121, se proclame mahdi (le Messie, l'imam caché dont la venue est attendue par les chiites).
Fondation de la dynastie muminide et apogée des Almohades
L'Etat almohade étant établi dans son originalité politico-religieuse, le Mahdi lance la guerre sainte, ou jihad, contre le Maghreb almoravide. Il commence par le siège de Marrakech en 1130 qui se solde par un échec et entraîne sa mort. Un de ses disciples, Abd al-Mumin (1100-1133-1163), hérite de son autorité en se faisant reconnaître par les Dix, puis les Cinquante vers 1133. Sous sa direction, Tlemcen, Fès puis Marrakech sont prises et la dynastie almoravide tombe en 1147. Abd al-Mumin établit peu à peu son autorité sur un empire englobant l'ensemble du Maghreb et l'Andalousie occidentale (prise de Cordoue en 1148 et de Grenade en 1154). Il se proclame calife et Prince des croyants, rejetant ainsi la souveraineté des Abbassides, et impose le principe d'hérédité dynastique ; son fils, Abu Yaqub Yusuf ( ? -1163-1184), peut lui succéder à sa mort en 1163. Ce dernier et son fils, Abu Yusuf Yaqub al-Mansur , " le Victorieux " ( ? -1184-1199), troisième calife, poursuivent son œuvre et étendent leur autorité à toute l'Andalousie (voir carte ci-dessous).
La Reconquista a provoqué en retour l'arrivée des Almohades qui ne reconnaissent plus aux Mozarabes (chrétiens de l'Espagne musulmane) et aux Juifs le statut de protégés (Al Mansur leur impose le port d'insignes distinctifs en 1184). Ces derniers émigrent (flèches)vers Tolède qui abrite aussi une importante communauté musulmane, les Mudéjar.
L'ordre régnant sur la vaste zone hispano-maghrébine permet un grand développement de l'industrie et du commerce. Les relations commerciales sont très actives avec les places chrétiennes notamment Gênes, Marseille et Pise. Si l'intransigeance religieuse des premiers Almohades est à l'origine d'une phase de persécutions contre les Juifs (voir carte), les Chrétiens et la philosophie (la disgrâce d'Averroès en est un exemple), elle n'a pas de suite chez leurs successeurs. Ces derniers sont vite gagnés par le goût du confort, du luxe et des arts. L'activité culturelle est intense et, notamment, les philosophes Ibn Tufayl et Averroès sont accueillis à la cour du calife Al Mansur. Sous son règne, l'architecture produit d'ailleurs de nombreux chefs d'œuvre : la Giralda, minaret de la mosquée de Séville, la casbah de Marrakech et la mosquée Hasan à Rabat. Dans les milieux urbains se manifeste au contraire un soufisme populaire, s'ajoutant au traditionnel légalisme malékite.
Divisions et déclin des Almohades :
Les tendances à la dislocation sont pourtant puissantes à partir de 1184. Le principe d'hérédité dynastique ayant rompu avec les règles collégiales instituées par le mahdi, les tensions vont en s'aggravant entre les cheikhs , descendants des premiers conseils (Dix et Cinquante), et la famille du souverain. Les tentatives de restauration des Almoravides au Maghreb entretiennent également un climat de sédition : Bougie et Alger sont reprises en 1185 et les Almohades connaissent une cuisante défaite près de Tunis en 1187, nécessitant l'alliance avec Saladin. Les royaumes chrétiens d'Espagne surtout mènent la Reconquista avec une énergie croissante, même si Al Mansur arrive à l'endiguer momentanément par sa victoire sur le roi Alphonse VIII de Castille à Alarcos le 18 juillet 1199.
La puissance almohade commence à décliner sous le règne du 4e calife, Muhamad al-Nasir (1179-1199-1214), fils d'Al-Mansur. Il ne réussit à garder quelque autorité sur la Tunisie qu'en y déléguant un cheikh doté d'une grande indépendance financière et militaire . En 1212, à la suite de l'appel à la croisade lancé par l'évêque de Tolède, les royaumes chrétiens de Castille, de Léon, d'Aragon et de Navarre unissent leur force et infligent à Al-Nasir le désastre de Las Navas de Tolosa (17 juillet 1212), étape essentielle dans la Reconquista. Al-Nasir se replie au Maghreb où il installe sa nouvelle capitale, Marrakech (voir carte). Mais sa défaite a attisé les rivalités et il est assassiné à la suite d'une conspiration. La continuité dynastique s'interrompt alors ; un nouveau membre du clan des Almohades devient calife. Dans ce climat de luttes entre Muminides et cheikhs, les sécessions se multiplient. A partir de 1215-1217, les Mérinides entretiennent un climat de dissidence dans le Maghreb oriental et s'emparent de plusieurs cités. Ces revers permettent le retour d'un descendant d'Al-Mumin, Abu Muhamad Abdallah " al-Adil ", 7e calife ( ? -1124-1127), fils d'Al-Mansur . Sous son règne éphémère , la sécession gagne l'Andalousie avec les Hudides de Murcie. Sous ses successeurs, les dissensions au sein du cercle dirigeant s'aggravent et favorisent l'éclatement de l'empire. Différentes provinces se proclament indépendantes. Ainsi au Maghreb, des dynasties locales s'imposent, comme les Hafsides en Tunisie en 1229, les Abdelwadides dans le Maghreb central en 1239 ou encore les Mérinides qui s'emparent en 1244 de Meknès dans le Maghreb occidental. En Andalousie, les Nasrides de Grenade crée un royaume indépendant qui survit jusqu'en 1492. Dans le même temps, la Reconquista progresse à grands pas ; Cordoue, la ville symbole l'islam espagnol, tombe en 1236, Valence en 1238, Séville en 1248. Ces reculs successifs et cet émiettement de l'empire sonnent le glas de la dynastie almohade qui prend fin après la prise de Marrakech par les Mérinides en 1269.
[ Edité par chico le 15/6/2004 10:43 ]
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