Instance équité et réconciliation : les sources de l'Histoire, au centre d'une rencontre à Rabat
Les sources de l'Histoire orale produites par L'Instance équité et réconciliation (IER) dans le sillage de son action consistant à étudier et à jeter la lumière sur les violations passées des droits de l'Homme au Maroc (1956-1999), a été le thème central d'une rencontre-débat organisée par l'IER, lundi soir à Rabat.
Plusieurs chercheurs et intellectuels ont pris part à cette rencontre initiée en collaboration avec l'Institut Royale de la culture amazigh (IRCAM). Ils ont souligné l'importance des auditions publiques pour comprendre les motifs de ces violations et faire une approche comparative entre le discours oral et l'histoire écrite.
Depuis sa création, l'IER a accumulé de nombreux témoignages oraux sous forme de fichiers informatiques, d'enregistrements audiovisuels, de documents retranscrits (en langue originale ou traduits en arabe) ou de compte rendus portant sur les séances tenues à huis clos, a affirmé Abdelhaye Moudden, membre de l'Instance.
M. Moudden a, par la suite, énuméré les "sept sources" dans lesquelles l'IER puise son histoire orale. Il s'agit en premier lieu des audiences individuelles dont certaines sont notifiées dans des rapports élaborés par des cadres de l'Instance, alors que d'autres sont archivées dans des cassettes vidéo.
Une autre source proviendrait de l'organisation de rencontres destinées à compléter les informations dont disposent l'IER, à travers un recoupement des informations. "Ce fut le cas lors des auditions qui se sont déroulées du 13 au 29 décembre dernier dans les villes de Béni Mellal et Azilal. D'autres auditions sont prévues dans plusieurs autres régions", a rappelé M. Moudden.
La 3e source est liée aux enquêtes menées par le groupe chargé des investigations sur des sujets bien déterminés. La 4e source, quant à elle, est relative aux séances des centres de détention et qui ont concerné jusqu'à présent les bagnes de "Kourbiss" et "Derb Moulay Chérif".
La cinquième source, a ajouté M. Moudden, se rapporte au contexte historique évoqué à la faveur d'une série de rencontres avec des personnalités-témoins des grands événements, alors que la sixième concerne les auditions publiques qui ont débuté le 21 décembre dernier à Rabat et qui se poursuivront après la fête de Aïd Al-Adha. La septième source porte sur les séances organisées par l'IER et d'autres associations.
M. Moudden a ajouté que l'histoire orale de l'IER a été le produit des actions entrant dans le cadre des attributions de l'Instance, notamment l'opération de recoupement qui vise la réparation du préjudice et les investigations portant sur des questions bien définies et qui sont relatives aux dossiers des violations passées des droits de l'Homme. De son côté, le professeur Hassan Rachik a estimé que parmi les contraintes qui entravent le travail du chercheur figure la difficulté du traitement de l'archive orale produite par l'IER eu égard à sa diversité.
L'IER, a-t-il ajouté, produit une archive riche à partir notamment des enquêtes, des investigations et des auditions organisées sur la base d'une méthodologie scientifique bien définie.
Pour sa part, le professeur Abdelahad Sabti, a indiqué que la production de l'archive constitue une action importante dans ce processus, ajoutant que l'étude et l'analyse de cette archive relèvent de la mission de la recherche scientifique et de l'université. Il a également mis en garde contre tout usage à des fins idéologiques de la période sur laquelle travaille l'Instance (1956-1999).
Pour le professeur-chercheur Rahma Bourkiya, la production par l'IER d'un savoir historique est régie par des normes et exige du temps, mettant l'accent sur les attentes de la société et les interrogations auxquelles l'instance doit trouver des réponses de nature à rassurer les différentes parties concernées.
Elle a en outre souligné la nécessité d'écrire l'histoire de cette époque "avec toutes ses complexités".
Quant au professeur Boudris Belaid, il a évoqué l'importance de la diversité des sources de l'archive orale, estimant qu'elle minimise les risques de présentation d'un seul point de vue. Il a expliqué que l'action de l'IER est l'une des sources sur lesquelles travaille l'historien.
Le professeur Jamaâ Baida, a de son côté, indiqué que ces témoignages sont très positifs surtout que l'histoire de la période post-1956 n'a pas été écrite en détail.
S'interrogeant sur la possibilité d'adopter une approche concernant les causes de ces évènements sur la base de ces sources orales, il a affirmé que les contextes de l'espace et du temps demeurent les clés de la compréhension de ces événements, expliquant qu'il n'existe pas d'approche objective dans les sciences humaines sans le recours au contexte.
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