Hemmu Unamir, le bienheureux.
( Version originale et illustrée de Ayt Oulahyane Atanane,
Janvier 2006 )
( Version originale et illustrée de Ayt Oulahyane Atanane,
Janvier 2006 )
C’est une légende belle et pourtant si triste, merveilleuse mais ô combien tragique comme toutes les histoires extraordinaires, la fabuleuse destinée de Hemmu Unamir, ce qu’un livre ancien, hélas ! Disparu en a gardé comme souvenir et que des troubadours racontent encore en chantant sa vie et en versant des larmes de compassion et de regrets.
Comme dans tous les récits extraordinaires et éternels c’est le témoignage d’un amour sublime qui avait uni les âmes généreuses de deux êtres tellement différents, un cœur terrestre innocent et un esprit céleste pur mais qu’une seule pensée d’amour incomparable unissait.
Pour accomplir sa destinée et vivre son bonheur auprès de celle qu’il s’était choisie Hemmu avait enduré bien des souffrances, des épreuves qu’aucun humain ne pourrait surmonter, sans renoncer à son choix il s’était exilé, laissant derrière lui sa vie tranquille, abandonnant sa patrie, sa tendre mère et ses amis.
Il avait passé les plus beaux jours de sa jeunesse à suivre sa chimère, à rechercher entre ciel et terre celle qu'il aimait plus que sa propre vie et qu’il avait perdue un jour…
I
Mais voici comment cette longue histoire débuta, sans signe précurseur, ni rien qui présagea de ce qui allait advenir : Hemmu était alors un jeune homme semblable à ses compagnons, sans rien qui le distinguât des autres, hormis sa robustesse et sa beauté, son inclination immodérée pour la contemplation et la poésie chantée, au grand désespoir de sa mère qui y voyait bien des dangers, surtout que Hemmu était un grand rêveur dont l'esprit est toujours ailleurs, contemplant les signes invisibles du ciel, disait- il, à tel point que parfois on le disait fou.
Le jeune homme n’était pas orphelin, son père était parti un jour alors qu’il n’avait que trois ans, et il avait grandi auprès de sa mère qui l’avait entouré de tant d’égards et d’affection, ne le privant jamais de rien bien qu’elle manquât de tout, étant son enfant unique elle l’avait choyé de tout son amour et espéré pour lui un heureux avenir, une brillante et honorable carrière de fin connaisseur de la théologie, la connaissance suprême, ou du moins celle d’ un serviteur du droit et de la justice, ou la charge respectable d’un enseignant.
Ainsi, pour concrétiser ce rêve elle l’avait inscrit dans la zawiya, l’une de ces nouvelles écoles coraniques qui commençaient à apparaître dans le pays, où il aurait la chance, lui avait- on assuré, de connaître et de servir Allah, d’être en somme comme les rares garçons privilégiés de sa région, étudiant des sciences saintes et clerc dans la mosquée de son village.
Il va sans dire que Hemmu avait appris rapidement dès son plus jeune âge les rudiments de la lecture et de l’écriture, et qu’avant ses douze ans il avait appris par cœur les soixante chapitres du Coran, qu’il pouvait réciter d’une traite sans hésitation, tellement il était doué de zèle et d’une mémoire hors du commun.
Mais contrairement à ses camarades qui l’admiraient pour de telles prouesses et des compliments de son maître qui reconnaissait qu’il n’avait plus grand-chose à lui apprendre, Hemmu restait insatisfait, il devinait que son apprentissage était incomplet, il pouvait prétendre fièrement devant tout le monde savoir la totalité du saint livre par cœur, mais il n’en comprenait pas un traître mot, il ne savait pas à quoi pouvait bien servir de retenir de mémoire une si longue récitation si elle ne signifiait rien, puisque sa langue fut incompréhensible, bien qu’ elle était, selon le maître, celle de Dieu et celle des anges, elle n’augmentait en rien son savoir ni sa connaissance des mystères de la religion. Et souvent il posait des questions sur le sens de tel mot, sur la signification de tel chapitre, mais le maître était bien incapable de lui répondre, et il cachait son insuffisance en lui répondant de diverses manières :
_ Hemmu, ne sois pas orgueilleux, personne ne peut comprendre la volonté du Tout puissant, contente- toi de savoir sa parole par cœur ! »
Ou bien : « Sois patient, quand tu auras plus de sagesse et de maturité tu comprendras le sens caché de la parole… »
Et parfois excédé ou acculé dans son ignorance il s’emportait : « la curiosité est un défaut qui mène à l’égarement ! Ne cherche pas à comprendre ce qui nous dépasse ! »
Hemmu était étonné que personne ne s’interrogeât sur la signification de ces sourates coraniques pourtant considérées comme la parole divine destinée aux Hommes, il était perplexe devant l’incapacité des maîtres de répondre à ses interrogations.
Ayant tout appris de ce qu’il devait apprendre du maître, Hemmu s’ennuyait à l’école, il servait comme auxiliaire au maître, répétant toujours la même tâche de faire retenir par cœur les uns après les autres les soixante chapitres du Livre saint, préparant les planches sur lesquels les élèves devaient écrire les sourates du jour à retenir, taillant les roseaux ou préparant l’encre qui servait à l’écriture, les humbles tâches ménagères dans la mosquée… « L’obéissance et l’humilité sont les voies de la félicité ! » lui répétait- on souvent, quand il exprimait son impatience et son ennui.
Son avenir était tout tracé, sans surprises ni évolution, il était destiné à devenir un « talb » comme son maître, apprendre à des enfants idiots à réciter par cœur sans réfléchir les mêmes mots…
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