Léon l’Africain et le melhoun au Maghreb dans le 16ème siècl

bel_haj

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Léon l’Africain ou El Hassan Ben Mohammed El Wazzân Ez-Zayyâti auteur de la fameuse « Description de l’Afrique » dans laquelle il a décrit, principalement, le Maghreb de son époque (16ème siècle), époque aussi, rappelons-le, de Sidi Lakhdar Benkhlouf, de Sidi Abderahman El Mejdoub, et de Abdelaziz El Maghraoui, nous a laissé des témoignages intéressant sur la place de la poésie populaire dans la vie des citadins et des bédouins qu’il a côtoyé.

Voici ce qu’il en dit dans le chapitre intitulé « Façon de vivre et coutumes des Arabes qui habitent l’Afrique » :

Il ne faut pas omettre de mentionner que la majeure partie des Arabes de Numidie possède de nombreux poètes qui composent de longs poèmes où ils parlent de leurs guerres, de leurs chasses et aussi de choses d’amour avec une grande élégance et une grande douceur. Leurs vers sont rimés, comme les vers populaires en Italie » [2]

Plus loin, et toujours à propos des Arabes bédouins :

« Ils aiment la poésie et récitent, dans leur arabe dialectal, des vers très élégants, encore que cette langue soit aujourd’hui corrompue. Un poète de quelque renom est fort prisé des seigneurs qui lui donnent d’importantes gratifications. Je ne saurais vous exprimer quelle pureté et quelle grâce ils mettent dans leurs vers » [3]

Notons ici l’admiration de Léon l’Africain pour le talent des poètes de melhoun et des poètes bédouins en particulier, ainsi que la place importance qu’il assigne à la poésie et aux poètes dans la société. Parlant ailleurs de la ville de Fès, il écrit dans un chapitre intitulé « poètes de langue populaire » ce qui suit :

« Il y a à Fès beaucoup de poètes qui composent en langue dialectale sur divers sujets, en particulier sur l’amour. Certains décrivent l’amour qu’ils éprouvent pour des femmes, d’autres celui qu’ils ont pour des garçons et mentionnent sans le moindre respect et sans la moindre vergogne le nom de l’enfant qu’ils aiment. Ces poètes composent chaque année à l’occasion de la fête de la naissance de Mahomet un poème à la louange de celui-ci. On réunit les poètes le matin de cette fête, de bonne heure, sur la place du chef des consuls. Ils montent sur la banquette qui sert de siège à ce dernier et chacun récite son poème en présence d’une nombreuse assistance. Le poète qui est jugé avoir le mieux et le plus agréablement déclamé ses vers est proclamé cette année-là prince des poètes et considéré comme tel. Au temps des plus brillants souverains mérinides, le roi qui régnait alors avait coutume d’inviter à son palais savants et lettrés de la ville et, donnant une fête en l’honneur des poètes qui en étaient dignes, voulait que chacun récitât son poème à la gloire de Mahomet en sa présence et devant tous. Le récitant se tenait sur une estrade élevé. Puis, d’après le jugement des gens compétents, le roi donnait au poète le plus apprécié cent ducats, un cheval, une femme esclave et le vêtement qu’il portait sur lui. A tous les autres, il faisait donner cinquante ducats, si bien que tous prenaient congé de lui avec une récompense. Mais cette coutume a disparu depuis cent trente ans en raison du déclin de la dynastie » [4]

Ce témoignage de Léon l’Africain nous apporte quelques renseignements d’importance sur la poésie melhoun et les poètes de cette époque qui est pour nous l’époque fondatrice :

1-Coexistence, d’ores et déjà, des deux écoles, citadine et bédouine, qui vont perdurer à travers les siècles, avec, toutefois, ce qui a manifestement impressionné Léon l’Africain, une nette supériorité de la poésie bédouine au niveau artistique. Ce déséquilibre va probablement s’accentuer avec l’avènement, au Maroc, d’une dynastie arabe bédouinisante les Saadiens, et la domination, dans les plaines de l’Oranie, des grandes tribus hilaliennes, comme les Souids, et finira par marquer le melhoun d’une empreinte bédouine incontestable, même au cœur des grandes cités policées comme Fès ou Tlemcen et son haouz.

2-La thématique est pratiquement déjà constituée dans ses grandes lignes : poésie amoureuse(d’une grande liberté de ton), cynégétique, guerrière ou épique, et religieuse avec notamment, ce qui va être la spécialité de Sidi Lakhdar, le panégyrique prophétique(les maouloudiâtes).

3-Grande popularité de la poésie melhoun et soutien effectif des classes dirigeantes à ce genre très prisé sous la forme de manifestations officielles et d’importantes gratifications matérielles aux poètes. Le melhoun, s’il n’est pas à lui seul la poésie officielle, en fait manifestement partie, à côté, probablement, de la poésie classique.

4-Organisation des poètes en corporation avec à leur tête un « prince des poètes » (cheikh echchioukh) élu annuellement à l’occasion du Mouloud.

5-L’usage de la déclamation et de la récitation : Léon l’Africain ne parle pas, curieusement, ni de la musique ni de la poésie chantée ce qui prouve bien que le melhoun n’était pas écrit pour être nécessairement mis en musique et chanté, mais simplement déclamé devant un auditoire et transmis soit par l’écrit, soit de mémoire.
 
Quel rapport avec Tamazight à part que les fassis, oranais et Tlemceniens sont des imazighen arabêtisés? La bourgeaoisie citadine de ces villes descend en partie du Quart Monde et des éléments inintégrables chassés de l'Espagne d'Isabel la Catholique (prostituées, délinquants, etc.) l'autre partie provient simplement des montagnes aux alentour de ces villes... et sont donc à 100% des Imazighen. LA sous-culture dont vous parlez se comprend toujours au premier degré contrairement à la poésie amazighe, kurde, syriaue, arménienne etc. qui ne peuvent qu'avoir une lecture au minimum ausecond degré. Normal, si on sait que les cultures majoritaires (ici l'arabe dialectal) doivent, pour détrôner les minorisées (ici l'Amarg amazigh), être plus "accessibles"... Uj autre exemple nous est offert par le Raï ou le Chaabi qui brillentpar leur trivialité et leur vulgarité...
Gosgine
 
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