Financement des islamistes : quatre nouvelles interpellations
Jean Chichizola
[24 novembre 2004]
La DST poursuit son enquête sur le vol de 1 million d'euros par un ex-employé de la Brink's, Hassan Baouchi, proche d'une cellule française du groupe islamique combattant marocain et mis en examen samedi pour «financement du terrorisme» (nos éditions du 22 novembre). Les policiers s'interrogent toujours sur l'utilisation des fonds dérobés. Seule certitude en l'état : les malfaiteurs, qui ont reconnu avoir financé leur cause, ont également utilisé une faible partie du butin pour financer la construction d'une maison leur appartenant.
Lundi matin, la DST, agissant sur commission rogatoire des juges d'instruction Jean-Louis Bruguière et Jean-François Ricard, a interpellé dans le Vaucluse un certain Djemal K., 34 ans, et son épouse. L'homme était connu des services de police pour des délits de droit commun. Il a notamment été placé sous contrôle judiciaire dans une affaire de trafic de véhicules volés. Djemal K. est soupçonné d'être l'un des coauteurs du vol d'euros. Il aurait aidé Hassan Baouchi en partageant notamment l'expérience acquise en matière de braquages. Dans le passé, ce même Djemal était apparu épisodiquement dans certains dossiers terroristes, dont celui des filières afghanes (envoyant des volontaires en Afghanistan et préparant des actions terroristes en Europe), soupçonné d'apporter un soutien logistique à certains djihadistes. Avec Djemal K., le dossier penche fortement vers ce qu'un policier appelait hier l'«islamo-délinquance».
La seconde interpellation opérée par la DST ramène les enquêteurs vers des filières terroristes plus classiques. Les enquêteurs ont arrêté hier matin en Seine-Saint-Denis Djamel Khalid, 44 ans, et son épouse. L'homme est soupçonné d'avoir caché une partie du butin de 1 million d'euros. On précisait hier de source policière que Djamel Khalid n'avait pas un profil de terroriste mais qu'il aurait flirté dans le passé avec le monde de la petite délinquance. Deux de ses frères sont en revanche de vieilles connaissances des services de renseignements. Ridouane Khalid, 36 ans, est toujours incarcéré à Guantanamo après avoir été arrêté par les troupes américaines fin 2001 en Afghanistan. Dans une lettre adressée au chef de l'Etat, son avocate Isabelle Coutant-Peyre indiquait hier que «sa famille n'a plus la moindre nouvelle depuis un an» et réclamait sa libération immédiate.
Ridouane Khalid avait déjà été interpellé en mai 1998 avec son ami Brahim Yadel – lui-même ancien détenu de Guantanamo – et son frère Zinedine Khalid. Réuni autour d'Omar Saiki, responsable en Europe du groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien, ce groupe était soupçonné de préparer un attentat pendant la Coupe du monde. Des vêtements militaires, des composants électroniques et de la documentation islamiste avaient été retrouvés au cours des perquisitions. Les suspects avaient été relâchés peu après. Incarcéré à Guantanamo, Ridouane Khalid n'a joué aucun rôle dans le faux braquage d'Hassan Baouchi.
Ce ne serait en revanche pas le cas de Zinedine Khalid, 43 ans. Cet islamiste, ancien djihadiste en Géorgie et en Tchétchénie, a été interpellé en juin 2004 dans le dossier des filières tchétchènes portant sur un projet d'attentat à Paris et sur l'envoi de volontaires au Caucase. Zinedine Khalid est soupçonné d'être, aux côtés d'Hassan Baouchi et de Djemal K., l'un des organisateurs du faux braquage du 1er mars 2004. Placés en garde à vue par la DST, Zinedine Khalid et Djemal K., qui se sont connus dans le berceau familial des Khalid à Aulnay-sous-Bois, sont naturellement interrogés sur la destination du million d'euros en liquide. Selon un policier, «rien n'indique qu'il a pu financer une opération terroriste en préparation». Et d'évoquer plutôt «un soutien financier aux frères emprisonnés ou aux veuves de martyrs».