«La Kahina» est le titre d’un ouvrage qui vient de paraître. L’auteur, Gisèle Halimi, retrace l’histoire à la fois héroïque et tragique de la Kahina, d’une manière romancée et romanesque. «Dans son contexte historique, je l’ai fait vivre, aimer, guerroyer, mourir. L’ai-je aimée en la faisant revivre? Oui, passionnément», souligne Gisèle Halimi dans son introduction.
La Kahina était berbère. Elle était peut-être juive, mais personne ne le sait vraiment. Née en l’an 656, dans l’Aurès, elle a battu en l’an 695 le général arabe Hassan Ibn Noman El Ghassani à l’oued Nini, lors de la cinquième expédition des Arabes en Ifrikiya, et l’a repoussé jusqu’en Cyrénaïque. Pendant cinq ans, cette femme extraordinaire, reine de l’Aurès, résista aux troupes du général arabe. Mais à l’occasion de la sixième expédition des Arabes en Ifrikiya, Hassan reprend sa revanche et remporte la victoire contre la guerrière qui meurt en l’an 700. Hassan s’empare alors définitivement de Carthage et 10 ans après, toute l’Afrique du Nord, de la mer Rouge à l’Atlantique, est annexée à l’empire des Khalifes, qui conquièrent aussi l’Espagne à cette époque.
Dans son ouvrage, Gisèle Halimi privilégie l’emploi des noms antiques, romains pour la plupart, en usage au VIIe siècle. «Cependant, les invasions arabes successives en Afrique du Nord ont entraîné la pénétration de quelques mots arabes dans les vocabulaires byzantin et berbère», indique l’écrivain en avertissement dans son ouvrage.
L’ouvrage redonne vie à cette femme exceptionnelle, qui, jusqu’à sa mort, a commandé les hommes, des montagnes de l’Aurès aux plaines de l’oued Nini. Ce qui est extraordinaire, car, comme l’indique Gisèle Halimi, «pour grande et belle qu’est leur Kahina, elle n’est qu’une femme, et jamais les berbères n’ont obéi à une femme».
La Kahina était, paraît-il, d’une grande beauté, nous raconte Gisèle Halimi. Avec des cheveux qui lui arrivaient jusqu’aux reins et vêtue d’une tunique rouge, elle chevauchait à la tête de ses armées. Très jeune encore, elle devient veuve et apprend à ses fils comment prendre le pouvoir sans jamais le céder. «Cette femme au pouvoir surnaturel me fascinait. Je rêvais, écolière, devant les ruines d’El-Djem où, dit-on, elle fit creuser un souterrain sous l’immense Colisée, afin de soutenir un siège», affirme l’auteur dans «Le lait de l’oranger», un livre écrit en 1988, et qui continuait son récit autobiographiqe initié avec «La cause des femmes», paru en 1974. La Kahina clôture ce cycle, par la recherche des origines.
En grande stratège, la Kahina avait inventé, au VIIe siècle, la tactique de la terre brûlée, une tactique utilisée par les Russes quelques siècles plus tard pour mettre Napoléon en déroute. En maître incontesté et en véritable chef militaire, elle a régné sur une grande partie de l’Afrique du Nord, de l’Aurès à Bizerte, de Constantine à Tacapas. Connue pour sa grande générosité, elle a libéré tous ses prisonniers arabes, sauf un, Yésid ou Khaled, beau jeune homme, neveu de son ennemi. Elle adopta ce dernier en faisant le signe de l’allaitement, selon le rite berbère. Il devient certainement son esclave, mais aussi son amant, et ils tombent amoureux l’un de l’autre. C’est finalement lui qui la livre aux Arabes. S’il l’a trahie, c’est parce qu’il ressentait pour elle de la fascination et de l’amour, mais aussi de la haine. En tout cas, la Kahina pressentit sa fin. Elle sauva d’abord ses fils, en leur conseillant la soumission et la conversion à l’islam. «Je n’ai pas retrouvé ce puits, Bir el-kahena, sur la margelle duquel elle fut, dit-on, décapitée. A moins qu’elle ne mourut dans l’une de ces criques, limpides comme au premier jour, près de Tabarka», s’interroge Gisèle Halimi.
Cette tragédie romanesque, écrite avec passion et talent, est très agréable à lire. C’est le genre d’ouvrages que l’on a du mal à lâcher, quand on l’a commencé. Non seulement la lecture de «La Kahina » est divertissante, mais en plus le lecteur se replonge avec plaisir dans l’histoire passionnante du VIIe siècle, en Afrique du Nord. L’ouvrage contient d’ailleurs au début quelques repères chronologiques qui aident à bien situer l’histoire de la Kahina dans le temps. Il comporte aussi une carte de l’ancienne Afrique du Nord, très utile pour se mettre dans le contexte de l’époque.
En fin d’ouvrage, les sources bibliographiques qui ont été utilisées, très nombreuses, sont listées. Les sources sont grecques, latines, arabes, persanes, maghrébines et berbères. Cette longue liste témoigne des intenses recherches effectuées par Gisèle Halimi. Les atlas historiques consultés sont également cités dans l’ouvrage.
La Kahina, sorti aux éditions Plon, est disponible dans les principales librairies des grandes villes, au prix de 248 DH.
Nadia BELKHAYAT
L'Economiste
La Kahina était berbère. Elle était peut-être juive, mais personne ne le sait vraiment. Née en l’an 656, dans l’Aurès, elle a battu en l’an 695 le général arabe Hassan Ibn Noman El Ghassani à l’oued Nini, lors de la cinquième expédition des Arabes en Ifrikiya, et l’a repoussé jusqu’en Cyrénaïque. Pendant cinq ans, cette femme extraordinaire, reine de l’Aurès, résista aux troupes du général arabe. Mais à l’occasion de la sixième expédition des Arabes en Ifrikiya, Hassan reprend sa revanche et remporte la victoire contre la guerrière qui meurt en l’an 700. Hassan s’empare alors définitivement de Carthage et 10 ans après, toute l’Afrique du Nord, de la mer Rouge à l’Atlantique, est annexée à l’empire des Khalifes, qui conquièrent aussi l’Espagne à cette époque.
Dans son ouvrage, Gisèle Halimi privilégie l’emploi des noms antiques, romains pour la plupart, en usage au VIIe siècle. «Cependant, les invasions arabes successives en Afrique du Nord ont entraîné la pénétration de quelques mots arabes dans les vocabulaires byzantin et berbère», indique l’écrivain en avertissement dans son ouvrage.
L’ouvrage redonne vie à cette femme exceptionnelle, qui, jusqu’à sa mort, a commandé les hommes, des montagnes de l’Aurès aux plaines de l’oued Nini. Ce qui est extraordinaire, car, comme l’indique Gisèle Halimi, «pour grande et belle qu’est leur Kahina, elle n’est qu’une femme, et jamais les berbères n’ont obéi à une femme».
La Kahina était, paraît-il, d’une grande beauté, nous raconte Gisèle Halimi. Avec des cheveux qui lui arrivaient jusqu’aux reins et vêtue d’une tunique rouge, elle chevauchait à la tête de ses armées. Très jeune encore, elle devient veuve et apprend à ses fils comment prendre le pouvoir sans jamais le céder. «Cette femme au pouvoir surnaturel me fascinait. Je rêvais, écolière, devant les ruines d’El-Djem où, dit-on, elle fit creuser un souterrain sous l’immense Colisée, afin de soutenir un siège», affirme l’auteur dans «Le lait de l’oranger», un livre écrit en 1988, et qui continuait son récit autobiographiqe initié avec «La cause des femmes», paru en 1974. La Kahina clôture ce cycle, par la recherche des origines.
En grande stratège, la Kahina avait inventé, au VIIe siècle, la tactique de la terre brûlée, une tactique utilisée par les Russes quelques siècles plus tard pour mettre Napoléon en déroute. En maître incontesté et en véritable chef militaire, elle a régné sur une grande partie de l’Afrique du Nord, de l’Aurès à Bizerte, de Constantine à Tacapas. Connue pour sa grande générosité, elle a libéré tous ses prisonniers arabes, sauf un, Yésid ou Khaled, beau jeune homme, neveu de son ennemi. Elle adopta ce dernier en faisant le signe de l’allaitement, selon le rite berbère. Il devient certainement son esclave, mais aussi son amant, et ils tombent amoureux l’un de l’autre. C’est finalement lui qui la livre aux Arabes. S’il l’a trahie, c’est parce qu’il ressentait pour elle de la fascination et de l’amour, mais aussi de la haine. En tout cas, la Kahina pressentit sa fin. Elle sauva d’abord ses fils, en leur conseillant la soumission et la conversion à l’islam. «Je n’ai pas retrouvé ce puits, Bir el-kahena, sur la margelle duquel elle fut, dit-on, décapitée. A moins qu’elle ne mourut dans l’une de ces criques, limpides comme au premier jour, près de Tabarka», s’interroge Gisèle Halimi.
Cette tragédie romanesque, écrite avec passion et talent, est très agréable à lire. C’est le genre d’ouvrages que l’on a du mal à lâcher, quand on l’a commencé. Non seulement la lecture de «La Kahina » est divertissante, mais en plus le lecteur se replonge avec plaisir dans l’histoire passionnante du VIIe siècle, en Afrique du Nord. L’ouvrage contient d’ailleurs au début quelques repères chronologiques qui aident à bien situer l’histoire de la Kahina dans le temps. Il comporte aussi une carte de l’ancienne Afrique du Nord, très utile pour se mettre dans le contexte de l’époque.
En fin d’ouvrage, les sources bibliographiques qui ont été utilisées, très nombreuses, sont listées. Les sources sont grecques, latines, arabes, persanes, maghrébines et berbères. Cette longue liste témoigne des intenses recherches effectuées par Gisèle Halimi. Les atlas historiques consultés sont également cités dans l’ouvrage.
La Kahina, sorti aux éditions Plon, est disponible dans les principales librairies des grandes villes, au prix de 248 DH.
Nadia BELKHAYAT
L'Economiste