Le Maroc possède une tradition littéraire orale des plus vivantes et des plus intactes. Transmise depuis les temps reculés, cette tradition s'est enrichie d'une génération à une autre et aux contacts de nombreuses civilisations. Elle a fait, jusqu'à présent l'objet d'un nombre très restreint de recueils et d'études destinés pour la plupart à des buts linguistiques. Toutefois, les récits qui nous sont rapportés dans ces recueils, le plus souvent dans des traductions qui laissent à désirer, sont incapables de rendre les nuances et la richesse des expressions et des images employées par le conteur, la délicatesse d'allusion et les tons spécifiquement marocains des contes et légendes populaires.
Plus encore que dans les contes et les légendes, la traduction des chants populaires, (les quelques fragments qu'on peut lire dans certains ouvrages) ne donne qu'une idée assez vague quand elle n'est pas fausse de ce qu'est en fait la poésie populaire en dialectes maghrébins.
Ces documents sont d'un intérêt capital pour les chercheurs sociologues, folkloristes, ethnographes ou linguistes, soucieux de trouver les origines de tel rite ou de tel mot. Mais ils ne peuvent pas servir pour des études d'analyse de la littérature orale traditionnelle. Pour juger correctement de la valeur d'un poème ou d'un conte, la reconsidération du texte original s'impose. Mais la tâche n'est pas aisée. Il faudrait entreprendre un long travail de recherche pour recenser, grouper le plus grand nombre de contes et de légendes (dits par des conteurs professionnels, car ceux-ci seuls détiennent les secrets de la narration traditionnelle riche en images et en expressions), de chants populaires, de dictons et de proverbes qu'il est encore possible de recueillir dans différentes régions du pays. Une fois ce travail encyclopédique réalisé, on peut se livrer à l'analyse des documents dans leur dialecte d'origine pour dégager les caractéristiques du génie populaire qui les a engendrés.
Certains auteurs ont recueilli des textes mal racontés, incomplets ou abâtardis, et ont conclu trop hâtivement que les berbères manquent d'imagination et que leurs contes sont pauvres et totalement dépourvus de lyrisme (cf. Henri Basset, Essai sur la littérature des Berbères. 1920). Il est inutile de démontrer que leurs propos sont erronés. Un conte n'est que dans la façon dont on le dit. Puisqu'il est oral, il n'est prisonnier d'aucun langage; seuls les thèmes qui y sont développés demeurent immuables. Chaque conteur possède un style propre, une manière de faire vivre son conte dans la halka. Il use d'artifices pour intéresser, captiver l'auditoire. L'improvisation est capitale pour parvenir à ses fins. Le conteur change parfois le nom d'un ou de plusieurs personnages, supprime à l'occasion certaines actions, en rajoute de son cru, suivant les circonstances. Car raconter n'est pas seulement rapporter le conte tel qu'il a été conçu par les anciens, c'est surtout l'enrichir d'éléments nouveaux. C'est pourquoi le conteur est aussi poète. Une étude de la littérature orale traditionnelle ne doit en aucune façon négliger le rôle créateur du conteur.
Un fait est certain: la tradition se perd quand elle n'est pas maintenue. Et la tradition orale littéraire, plus que toute autre tradition, est en voie de désagrégation pour ne pas dire de disparition. Rares sont aujourd'hui les conteurs professionnels qui savent encore les secrets de la narration traditionnelle, les chanteurs qui connaissent les poèmes du légendaire Sidi Hammou auquel la plupart des chants célèbres du Souss sont attribués. Les noms mêmes de nos poètes populaires, et à plus forte raison leurs oeuvres, ne sont connus presque plus de personne. N'eût été l'ouvrage de René Euloge par exemple qui groupe un nombre assez important de chants de la Tassaout, qui aurait jamais entendu parler de la poètesse Mririda N'Aït Attik ? Les historiens et les biographes classiques jettent un discrédit sur tout ce qui n'est pas composé en arabe classique littéraire et relèguent dans l'oubli ces poètes vulgaires et illettrés qui, pourtant, ont exprimé les sentiments les plus profonds de la vie de notre peuple.
Mass giss tennam....!
Plus encore que dans les contes et les légendes, la traduction des chants populaires, (les quelques fragments qu'on peut lire dans certains ouvrages) ne donne qu'une idée assez vague quand elle n'est pas fausse de ce qu'est en fait la poésie populaire en dialectes maghrébins.
Ces documents sont d'un intérêt capital pour les chercheurs sociologues, folkloristes, ethnographes ou linguistes, soucieux de trouver les origines de tel rite ou de tel mot. Mais ils ne peuvent pas servir pour des études d'analyse de la littérature orale traditionnelle. Pour juger correctement de la valeur d'un poème ou d'un conte, la reconsidération du texte original s'impose. Mais la tâche n'est pas aisée. Il faudrait entreprendre un long travail de recherche pour recenser, grouper le plus grand nombre de contes et de légendes (dits par des conteurs professionnels, car ceux-ci seuls détiennent les secrets de la narration traditionnelle riche en images et en expressions), de chants populaires, de dictons et de proverbes qu'il est encore possible de recueillir dans différentes régions du pays. Une fois ce travail encyclopédique réalisé, on peut se livrer à l'analyse des documents dans leur dialecte d'origine pour dégager les caractéristiques du génie populaire qui les a engendrés.
Certains auteurs ont recueilli des textes mal racontés, incomplets ou abâtardis, et ont conclu trop hâtivement que les berbères manquent d'imagination et que leurs contes sont pauvres et totalement dépourvus de lyrisme (cf. Henri Basset, Essai sur la littérature des Berbères. 1920). Il est inutile de démontrer que leurs propos sont erronés. Un conte n'est que dans la façon dont on le dit. Puisqu'il est oral, il n'est prisonnier d'aucun langage; seuls les thèmes qui y sont développés demeurent immuables. Chaque conteur possède un style propre, une manière de faire vivre son conte dans la halka. Il use d'artifices pour intéresser, captiver l'auditoire. L'improvisation est capitale pour parvenir à ses fins. Le conteur change parfois le nom d'un ou de plusieurs personnages, supprime à l'occasion certaines actions, en rajoute de son cru, suivant les circonstances. Car raconter n'est pas seulement rapporter le conte tel qu'il a été conçu par les anciens, c'est surtout l'enrichir d'éléments nouveaux. C'est pourquoi le conteur est aussi poète. Une étude de la littérature orale traditionnelle ne doit en aucune façon négliger le rôle créateur du conteur.
Un fait est certain: la tradition se perd quand elle n'est pas maintenue. Et la tradition orale littéraire, plus que toute autre tradition, est en voie de désagrégation pour ne pas dire de disparition. Rares sont aujourd'hui les conteurs professionnels qui savent encore les secrets de la narration traditionnelle, les chanteurs qui connaissent les poèmes du légendaire Sidi Hammou auquel la plupart des chants célèbres du Souss sont attribués. Les noms mêmes de nos poètes populaires, et à plus forte raison leurs oeuvres, ne sont connus presque plus de personne. N'eût été l'ouvrage de René Euloge par exemple qui groupe un nombre assez important de chants de la Tassaout, qui aurait jamais entendu parler de la poètesse Mririda N'Aït Attik ? Les historiens et les biographes classiques jettent un discrédit sur tout ce qui n'est pas composé en arabe classique littéraire et relèguent dans l'oubli ces poètes vulgaires et illettrés qui, pourtant, ont exprimé les sentiments les plus profonds de la vie de notre peuple.
Mass giss tennam....!