le dance au maroc

agoram

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L'art difficile de la danse
Toute histoire a un commencement. Celle de la danse au Maroc remonte à bien des siècles et répond au nom d'Ahwash.


Etre danseur au Maroc relève du tour de force. Pourtant, après un parcours du combattant, Lahcen Zinoun, l'Ulysse de la danse contemporaine marocaine, y est arrivé. Il a même fait mieux en parvenant à monter une école de danse, à organiser à Casablanca le premier festival international de danse contemporaine et, ultime récompense, à transmettre la flamme à la relève. D'autres danseurs et chorégraphes, passionnés de cet art incompris et rejeté par une société retranchée derrière sa citadelle de tabous. D'autres, différents, aux ascendances diverses, mais toujours motivés par la même foi, celle de faire de l'expression corporelle, le langage qui unit, pour remplacer la parole qui souvent divise. Ils ne sont pas légion au maroc, pourtant, ils continuent à recréer le corps. Parmi eux, la troupe Anania. La relève...
Toute histoire a un commencement. Celle de la danse au Maroc remonte à bien des siècles et répond aux noms d'Ahwash, l'expression minimaliste et le travail de l'espace, ou à celle des gnaouas, la danse jusqu'à la transe. Dans l'ombre et souvent l'incompréhension, la discipline, quelle que soit sa forme, ne répond pas aux dogmes sociaux. Puis viendra l'ultime blasphème. La danse contemporaine, un genre qui se cherche, « qui vient d'Occident et qui ne fait pas partie de notre culture », rappellent Bouchra Ouizguen et Taoufiq Izeddiou, fondateurs de la troupe Anania. Et un père fondateur, Lahcen Zinoun. Il s'est fait un nom à travers sa compagnie « Contretemps » et un style : la danse contemporaine à laquelle il intègre ses racines profondes. Avant, il y a eu les quolibets, l'exil puis Maurice Béjart. De là naîtra un spectacle unique de danse contemporaine sur musique berbère, qui lui vaut un triomphe international et la reconnaissance nationale. Pourtant, le chemin est encore long. Lorsqu'il décide de créer son festival, les subventions tardent, la danse n'a pas encore conquis l'espace : le public ne se fait décidément pas à l'idée d'un homme en collants exprimant par la danse sa créativité.
80 danseurs mais moins d'un millier de spectateurs au dernier Festival de Danse Contemporaine à Casablanca, trois créations pour les B. Ouizguen, T. Izeddiou et Saïd Aït El Moumen de la toute jeune Anania et un public qui tarde à répondre. « Il existe un public de hip hop, un public dans le réseau des Instituts Français et un public pour tout ce qui vient de l'étranger. En créant de nouvelles chorégraphies, qui sont des propositions difficiles et neuves, on avance à tout petits pas », expliquent B. Ouizguen et T. Izeddiou. Là n'est pas la seule raison qui contraint beaucoup d'autres chorégraphes et danseurs marocains à l'expatriation. Khalid Benghrib, Amal Hadrami, Yasmina Benjelloun, Adil Bouh, Brahim Sourni, Hind Benali... font partie de ceux d'ici qui expriment leurs talents ailleurs. Le paradoxe étant qu'à ces maîtres de la maîtrise du corps, la première des limites est celle-là même qui sert leur art. Le corps n'a pas sa place dans l'expression artistique arabo-musulmane pour ne pas généraliser à toute la culture. « Un danseur, où qu'il soit, est toujours face à des tabous, et les tabous ne sont pas toujours là où on les attend », assure Bouchra Ouizguen. « Le public marocain est moins averti et on a un travail de sensibilisation à mettre en place à travers la formation, l'improvisation, le dialogue, mais jamais par la censure », insiste Taoufiq Izzediou, directeur artistique de « Al Mokhtabar », première formation gratuite à la danse contemporaine. L'activité pédagogique est l'une des trois activités de la compagnie qui y ajoute la création avec « Fina Ken'ti » qui a fait la tournée des Instituts Français du Maroc, l'ouverture du Festival de Ouagadougou et la clôture des Rencontres Chorégraphiques de Carthage. " Cœur sans corps " et " Mort et moi " suivront. Sans oublier l'Atelier du Monde, rendez-vous de réflexion sur l'exercice des métiers de la danse dans les pays arabes, initié par Anania, en attendant la fondation de chorégraphie promise.
La danse, un art desservi par sa définition première. Par le manque de rencontres entre artistes contemporains, d'espaces pour danser, de formations. Surtout par le manque de moyens qu'on lui donne, les seuls mécènes se résumant exclusivement aux acteurs culturels étrangers. Un art libre qu'on s'évertue à censurer lorsque la télévision marocaine enregistre " Islit Tislit " ou " Adonis " de Lahcen Zinoun pour ne jamais daigner les retransmettre. Et des danseurs qui s'acharnent à imposer le seul art qui n'est pas à vendre dans l'imaginaire artistique national.

Oumama Draoui

lejournal-hebdo.com
 
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