Comité des Nations Unies pour les droits de l’Homme
82e session, Genève, 18 octobre – 5 novembre 2004
Rapport alternatif du Congrès mondial amazigh
Les Amazighs du Maroc : un peuple minorisé
Paris, 10 octobre 2004
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Préambule
Le Congrès mondial amazigh (CMA) est une ONG internationale de défense des droits du peuple amazigh créée en 1995. Afin de préparer ce rapport parallèle au rapport périodique présenté par l’État du Maroc, le CMA s’est appuyé essentiellement sur les compte-rendus de ses membres ainsi que sur les plaintes et les informations qui lui sont directement transmises par les individus et les organisations de la société civile amazighe. Ces informations et plaintes individuelles sont vérifiées par les membres du CMA dans chaque pays.
Introduction
Les Amazighs (Berbères) sont le peuple autochtone de l’Afrique du nord, disposant d’une langue, d’une culture, et d’une histoires propres. Amazigh est le nom que se donnent les berbères et qui signifie homme libre. Le mot berbère vient du latin barbarus, utilisé par les Romains pour désigner les populations qui ne parlaient leur langue. Les Arabes l’ont repris et transformé en barbar avant que les Français ne le traduisent en berbère. Les Amazighs constituent un des peuples les plus anciens de l’humanité. Leur présence en Tamazgha (Afrique du Nord) remonte à plus de 12 000 ans. C’est le premier peuple à s’être établi dans cette vaste et riche région. Au cours des siècles, il a affronté d’innombrables invasions : Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes, Espagnols, Italiens, Ottomans, Français qui se sont succédé sur le sol nord-africain depuis le 10e siècle avant J.-C. Les périodes d’occupation furent plus ou moins longues : de 5 siècles pour les Romains à 130 ans pour les Français. Arrivés dans le sillage des phéniciens 10 siècles avant l’ère chrétienne, les juifs sont le seul peuple à s’être introduit et installé dans cette région sans violence.
Sur le plan des croyances religieuses, les Amazighs ont successivement connu l’animisme, le paganisme, le judaïsme, le christianisme et l’islam. Mais quelle que soit la religion adoptée, celle-ci n’est jamais pratiquée de manière dogmatique mais toujours adaptée aux valeurs de liberté, de tolérance et de non-violence qui caractérisent ce peuple.
Tamazight, la langue amazighe (langue berbère), existe depuis la plus haute antiquité. Elle dispose d’un système d’écriture original, tifinagh, utilisé et préservé à ce jour. Depuis quelques décennies, tous les groupes amazighs se sont réapproprié cette écriture ancestrale. Actuellement la langue amazighe est parlée par environ 30 millions de locuteurs en Afrique du Nord (de l’oasis de Siwa en Égypte, au Maroc en passant par la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Niger, le Mali, la Mauritanie) et dans la diaspora.
À l’origine, les Amazighs occupaient un immense territoire allant de l’Égypte aux Îles Canaries et des rives de la Méditerranée jusqu’à celles du fleuve Niger. Depuis, l’espace amazighophone s’est inexorablement rétréci au fur et à mesure qu’ont été imposées les langues des envahisseurs. L’arabisation de l’Afrique du Nord entamée au 7e siècle, se poursuit aujourd’hui avec toujours autant de force et d’agressivité. Cependant, même lorsqu’ils ont perdu l’usage de la langue comme aux Canaries, les Amazighs restent fermement attachés à leur identité ancestrale.
Le peuple Amazigh est aujourd’hui réparti principalement entre le Maroc (environ la moitié de la population totale amazighe) et l’Algérie (le tiers). Les 20% restants se répartissent entre la Tunisie, la Libye, Siwa (Égypte), les Canaries et les populations touaregs (Niger, Mali, Mauritanie). En rapport à la population des États, les amazighophones représentent au moins 60% au Maroc et 30% en Algérie. La diaspora amazighe est également forte d’environ 3 millions de personnes vivant principalement en Europe et dont les premières générations sont arrivées il y a plus d’un siècle.
Au Maroc il y a 3 principales régions amazighophones : Le Rif au nord, la chaîne montagneuse de l’Atlas et le Souss au sud. Les amazighophones représentent également une forte proportion des populations des grandes villes telles que Casablanca, Rabat, Meknès, etc.
Négation des Amazighs au Maroc
Les populations amazighes du Maroc sont conscientes de leur appartenance au peuple Amazigh qui habite toute Tamazgha (Afrique du Nord) depuis la nuit des temps. Elles font également le constat des politiques menées à l’encontre de leur langue, culture et civilisation millénaires par tous les États nord africains. Sous les pouvoirs coloniaux ou post-coloniaux, Tamazight (identité, langue et culture) a toujours été l’objet de déni, de dénigrement et de rejet. Les Etats-nations obéissant à l’idéologie arabo-baathiste, ont été bâtis sur le principe du jacobinisme le plus strict légué par l’ancien colonisateur français, ce qui s’est traduit par une définition officielle de l’identité nationale exclusivement arabe et islamique, excluant Tamazight, principal fondement sociolinguistique et culturel de l’identité des pays de cette région. Sans reconnaissance politique ni statut juridique, exclue des institutions, l’identité amazighe affaiblie subit en toute « légalité », des violences incessantes qui visent son anéantissement total et définitif.
Il est par conséquent clair et établi que ces États n’ont fait preuve à ce jour, d’aucune volonté réelle et sincère d’adopter une démarche démocratique, plurielle et respectant les droits humains tels qu’ils sont universellement reconnus.
Au Maroc, bien qu’ils soient numériquement majoritaires et que leur identité constitue le substrat social et culturel fondamental du pays, les Amazighs ont été jusqu’à présent victimes de politiques de discrimination menées par un Etat-Nation fondé sur le dogme de l’arabo-islamisme. La première phrase du préambule de la Constitution stipule que « le royaume du Maroc, État musulman souverain, dont la langue officielle est l’arabe, constitue une partie du Grand Maghreb Arabe », officialisant de fait, la négation du peuple amazigh, son histoire, sa langue et ses valeurs civilisationnelles plurimillénaires. Cela est contraire à toutes les chartes, conventions et pactes internationaux auxquels l’État marocain a souscrit.
La revendication de la pluralité culturelle et linguistique du Maroc portée par les organisations de la société civile amazighe, s’est toujours confrontée à une approche institutionnelle demeurée raciste rejetant cette réalité inscrite dans le paysage marocain du nord au sud et de l’est à l’ouest. En conséquence, chaque jour les Amazighs sont victimes de divers aspects de l’exclusion, de la ségrégation et de la violence institutionnalisées.
La mobilisation permanente du mouvement citoyen amazigh du Maroc a cependant fini par décider le roi Mohamed VI à déclarer en juillet 2001, que l’identité amazighe était une « richesse nationale » et qu’un Institut royal de la culture amazighe (Ircam) serait créé afin d’assurer « la promotion de la culture amazighe (…), la conception, la préparation et le suivi du processus d’intégration de l’Amazigh dans le système de l’enseignement (…), et de proposer les politiques appropriées qui sont de nature à renforcer la place de l’Amazigh dans l’espace socio-culturel et médiatique national, ainsi que dans les affaires locales et régionales ». Si ce discours pouvait légitimement susciter à l’époque un espoir de réconciliation du Maroc avec son histoire et son identité amazighes, quatre ans après on constate que le référentiel idéologique de l’État demeure inchangé et les discriminations anti-amazighes demeurent la règle à tous les niveaux institutionnels. Le pays demeure soumis exclusivement à une langue unique, une religion unique, une culture unique et finalement une identité arabo-islamique unique. Ce qui laisse en situation de conflit et de déséquilibre permanents la composante amazighe du Maroc.
De ce fait, les implications de ce déséquilibre apparaissent directement sur le plan de la définition juridique et politique de la vie publique.
La Constitution, ainsi que les autres textes du droit national, ignorent totalement la valeur historique et sociologique de la langue et culture amazighes. Ce qui explique et « légalise » l’absence de la dimension amazighe dans toutes les institutions politiques, sociales, culturelles et économiques publiques et privées telles que l’école, l’université, les tribunaux, les chaînes de télévision publiques, l’administration territoriale, etc.
Le phénomène de détérioration des acquis civilisationnels amazighs est incroyablement accéléré à cause de l’arabisation : cela va des interdits frappant l’expression culturelle amazighe, la falsification des faits historiques, l’arabisation de la toponymie, de l’administration, de la justice, de l’enseignement et des grands médias audio-visuels, etc. La domination de l’espace public par l’arabe, langue officielle, renforcée par le dahir sur l’arabisation du 26/01/1965, a créé des situations gravement préjudiciables pour les Amazighs dans leur vie sociale et a contribué à l’amplification de ce sentiment d’infériorité vis-à-vis de la langue arabe, langue de la religion et des institutions.
De fait, Tamazight est mise hors du Droit, confinée dans l’espace privé et présentée de manière à la fois fausse, folklorique et raciste, comme un obstacle au développement du pays.
Le gouvernement marocain face à ses obligations internationales en matière de respect des droits humains
Notons tout d’abord les récentes observations et recommandations du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), réuni à l’occasion de sa 62e session, du 3 au 21 mars 2003 à Genève :
Le Comité invite l’État partie à lui fournir dans son prochain rapport des renseignements sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions du Code des Libertés Publiques relatives au droit d’association prévoyant le caractère illégal de toute association incitant à la discrimination raciale, et du Code de la Presse sanctionnant l’incitation à la discrimination raciale, conformément aux dispositions de l’article 4.
Le Comité demande à l’État-partie d’inclure dans son prochain rapport des informations statistiques sur les poursuites judiciaires intentées, et sur les peines infligées dans les cas d’infractions relatives à la discrimination raciale pour lesquels les dispositions pertinentes de la législation nationale ont été appliquées. Le Comité rappelle à l’État-partie que l’absence de plaintes ou d’actions judiciaires intentées par des victimes de discrimination raciale peut être principalement l’indication d’une absence de législation spécifique ou d’une connaissance insuffisante des voies de recours existantes ou d’une insuffisante volonté des autorités de poursuivre de telles infractions. Le Comité demande à l’État partie d’assurer l’existence de dispositions appropriées dans la législation nationale et d’informer le public de toutes les voies de recours existantes dans le domaine de la discrimination raciale.
Le Comité invite l’État-partie à reconsidérer la situation de la composante amazighe de la population en accord avec les instruments internationaux en matière de droits de l’homme, en vue de garantir aux membres de cette communauté l’exercice de leurs droits à leur propre culture, à l’usage de leur langue maternelle et de préserver et développer leur identité.
Tout en tenant compte des réponses fournies par la délégation, le Comité souhaite que l’État-partie prenne les mesures appropriées afin que la pratique administrative interdisant l’inscription au registre de l’état civil des prénoms amazighs soit abandonnée.
Le Comité exprime son inquiétude au regard d’informations selon lesquelles certains membres d’associations amazighes seraient victimes d’atteintes à l’exercice de leur liberté de réunion et d’association.
Le Comité recommande également que des émissions plus nombreuses en langue amazighe figurent dans les programmes des médias publics.
Le Comité prend note de la volonté exprimée par l’État-partie de fournir des renseignements sur les indicateurs socio-économiques relatifs à la situation des Amazighs, des Noirs, des Sahraouis, et souhaite voir figurer de tels renseignements dans le prochain rapport de l’État partie.
Le non respect du Pacte International relatif aux Droits civils et politiques
Droit à l’autodétermination (article 1)
Les Amazighs du Maroc n’ont pas de revendication territoriale spécifique dans la mesure où le Maroc est un pays entièrement amazigh, très largement peuplé d’Amazighs. D’ailleurs à chaque fois que le pays a subi une agression étrangère, les Amazighs ont toujours été les premiers et les plus nombreux à défendre son intégrité territoriale et ont payé pour cela les sacrifices les plus lourds, particulièrement contre les colonialismes français et espagnol au siècle dernier.
Mais aujourd’hui, les Amazighs chez eux, au Maroc, qui croyaient être indépendants, réalisent qu’ils sont privés de liberté et de leurs droits même les plus essentiels. Ils continuent donc d’être colonisés, cette fois-ci de l’intérieur, par leurs propres concitoyens, leurs « frères » panarabistes, ceux qui ne vilainçoivent le Maroc qu’exclusivement arabe et islamique. Profitant du sens de l’hospitalité légendaire des Amazighs et de leur relative naïveté, et manipulant la religion musulmane à des fins d’hégémonie politique, la petite minorité arabiste a fini par bâtir sa domination sur le pays et s’est donnée les instruments politiques, économiques, juridiques, institutionnels et idéologiques lui garantissant la pérennité de son pouvoir absolu.
Ainsi et à titre d’exemple, l’histoire officielle du Maroc telle qu’elle est enseignée, commence à l’arrivée des arabes au 7e siècle. Tous les manuels scolaires, qu’ils soient d’histoire, de littérature ou même de technologie, font l’apologie de la civilisation arabo-islamique au détriment de la culture autochtone amazighe.
Aujourd’hui et plus que jamais, les Amazighs aspirent à vivre dans la liberté et la dignité. Tout en restant ouverts sur l’universel, ils souhaitent pouvoir jouir de leurs propres attributs identitaires. Leur droit à l’autodétermination, c’est pour eux le droit à l’émancipation dans le cadre d’un État marocain fédéral démocratique qui leur permettrait d’assurer librement leur développement économique, social et culturel.
Application discriminatoire du Pacte (article 2)
L’engagement des autorités marocaines de respecter et de garantir à tous les citoyens les droits reconnus dans le Pacte n’est que formelle. En effet, bien qu’il est dit dans le préambule du texte constitutionnel que « le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations découlant des Chartes (…) et réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus », il est matériellement avéré que les citoyens et les membres des organisations de la société civile amazighe, ne jouissent pas des garanties prévues par la Constitution, notamment celles prévues par l’article 9, comme « la liberté d’expression sous toutes ses formes, la liberté de réunion et la liberté d’association ». L’article 12 prévoit que « tous les citoyens peuvent accéder, dans les mêmes conditions, aux fonctions et emplois publics », ce qui est vrai mais à condition pour le citoyen amazigh de taire totalement son identité amazighe. Il en est de même pour l’application de l’article 13 qui stipule que « tous les citoyens ont également droit à l’éducation » mais une éducation exclusivement arabisante qui dévalorise la culture et les valeurs autochtones amazighes. L’article 15 affirme qu’ « il ne peut être procédé à l’expropriation que dans les cas et les formes prévus par la loi ». En même temps, et depuis des années, plusieurs centaines de paysans amazighs sont spoliés de leurs terres par la force militaire sur la base de lois coloniales.
Par ailleurs, la non indépendance du Conseil consultatif des droits de l’Homme vis-à-vis du pouvoir exécutif, réduit considérablement son rôle dans la protection des droits et des libertés démocratiques. Quant à l’Instance Équité et Réconciliation, créée en 2003, afin de réparer les préjudices subis par les victimes des violations des droits de l’homme pendant le règne de feu Hassan II, son rôle ne peut se limiter à un simple dédommagement sous forme de distribution discrète de quelques subsides. Le pardon et la réconciliation passent nécessairement par la reconnaissance par l’État des actes de violations, la poursuite de leurs auteurs, la présentation d’excuses publiques aux victimes et l’engagement solennel des plus hautes autorités que de tels actes ne se reproduiront plus. La crédibilité et l’efficacité de cette instance nécessitent aussi que l’État – à tous les niveaux – cesse immédiatement et définitivement ses agissements actuels attentatoires aux plus élémentaires des droits humains. Sans le respect de ces considérations, ni l’équité, ni la sincérité de l’État ne sont établies. Cela a d’ailleurs déjà amené des militants du mouvement amazigh arbitrairement détenus en 1994 pour avoir publiquement revendiqué le droit à l’enseignement de leur langue, à refuser la compensation financière que leur a proposé l’Instance Equité et Réconciliation. La justice et la dignité ne sont pas toujours à vendre.
Par ailleurs, s’il y a réellement volonté de réconciliation nationale, celle-ci doit impliquer la recherche de la vérité sur tous les événements tels qu’ils se sont produits, sans omettre aucun cas d’abus, y compris les plus graves. Or, à ce jour et à notre connaissance, les événements sanglants dont ont été victimes des populations de la région du Rif (nord du Maroc) en 1958/59 et en 1984 ainsi que ceux du Moyen Atlas de 1973, demeurent frappés d’ostracisme.
Égalité des hommes et des femmes (article 3)
Il est dans les traditions des Amazighs et dans leur droit coutumier, azerf, que la femme soit l’égale de l’homme. Dans certaines communautés amazighes comme chez les Touaregs, la société est fondée sur le matriarcat. Le statut inférieur de la femme à l’égard de l’homme, le droit à la polygamie ont été introduits en Afrique du Nord par la charia islamique, officiellement en vigueur au Maroc. La société amazighe laïque se réjouit de la réforme de la Moudawana et des progrès dans la reconnaissance des droits de la femme au Maroc. Cependant, de nombreuses inégalités demeurent particulièrement au détriment de la femme amazighe doublement discriminée par rapport à son statut de femme et d’amazighe. C’est pourquoi notre souhait est l’accès de la femme à la pleine égalité des droits et à la citoyenneté exactement au même titre que l’homme.
Torture (article 7)
Les témoignages des victimes, celles qui osent s’exprimer, font état de la persistance d’actes de torture.
Le militant amazigh Mbarek Taouss, membre de l’association Tilelli (Goulmima, province de Errachidia) a été gravement agressé dans la soirée du 28/02/2003 à Tinghir (province de Ouarzazat) par 4 agents de la DST, en présence de policiers en uniforme. Il a ensuite été abandonné blessé tard dans la nuit, en dehors de la ville.
Le 21 avril 2004, les étudiants du mouvement culturel amazigh de l’université d’Agadir, devaient célébrer comme chaque année, Tafsut imazighen, le printemps amazigh et comme de coutume, clôturer leurs activités culturelles par une marche devant les amener du Campus vers leur résidence universitaire. Pour cela, ils devaient emprunter sur quelques centaines de mètres, une voie publique, extérieure à l’université. C’est là où les attendaient plusieurs dizaines d’éléments des forces anti-émeutes fortement armés qui les ont attaqués violemment, les frappant et les jetant à terre. Plusieurs dizaines d’étudiants furent blessés plus ou moins gravement, tandis que sept d’entre eux furent arrêtés et transférés au commissariat central d’Agadir où ils ont subi pendant cinq heures un interrogatoire avec usage de coups, et d’insultes humiliantes. Ils sont sortis avec des blessures sur tout le corps et particulièrement aux mains, aux pieds, aux genoux et à la tête. Les victimes sont : Abdellah Bouchtart, Abdellah Ezzemouri, Mouloud Zemmour, Youssef Salhi, Ali Mourif, Mohammed Bahmouch, Khadija Oufqir.
Dans la soirée du 24 juillet 2004 à Khenifra (Moyen Atlas), le journaliste Said Bajji, du journal Le Monde amazigh, a été enlevé par trois inconnus qui le rouent de coups sur le visage et la tête avant de le jeter inconscient dans un champ à 20 km de là. Connu pour son franc-parler et ses écrits sans concession contre les dérives du Makhzen, Said Bajji a subi ce jour-là sa 5e agression sans que ses plaintes n’aient jamais abouti.
Ces faits prouvent que le Maroc ne respecte pas l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Droit à la liberté et à la sécurité (article 9)
Le 5/03/2003, les habitants de la localité rurale de Imilchil (Haut Atlas) ont protesté publiquement contre l’abandon de cette région montagneuse par l’État marocain (absence de routes, électricité, écoles…) et les conditions de vie indécentes dans lesquelles ils sont maintenus, qui n’offrent aux jeunes générations aucune autre perspective que le chômage, l’exode vers la ville où ils iront grossir les bidonvilles à la périphérie des grands centres urbains, ou l’exil à l’étranger. Au lieu de dialogue, les autorités ont choisi la manière forte en ordonnant l’intervention des gendarmes. Ceux-ci sont alors entrés en action violemment contre les manifestants pacifiques, en matraquant sans distinction hommes, femmes et enfants. Cette violence aussi injustifiée que disproportionnée, a eu pour effet de provoquer la colère des citoyens et la protestation symbolique s’est transformée en émeutes qui ont duré trois jours. 24 personnes ont été arrêtées dont 4 furent condamnées à un mois et demi de prison pour « atteinte à la dignité de fonctionnaires ».
Le 16/03/2003, les nommés Mohamed Terbani, Abdella Mekfi et Lahcen Mekfi ont été arrêtés chez eux, au lieudit « Boutezdit » et poursuivis en justice au motif d’entraves à l’exercice de l’opération d’expropriation de leur propre terre, au profit de la société SNEC, promotrice de projets d’urbanisation.
Le 23/12/2003, à l’université des Sciences et Techniques de Imteghren (Errachidia), un groupe d’étudiants et d’individus extra-universitaires racistes, se réclamant de l’idéologie panarabiste, ont violemment attaqué à l’arme blanche et en utilisant des gourdins, des étudiants amazighs attablés à la cafétéria de l’université. Surpris et sans défense, ils ont subi la furie des assaillants. Une dizaine d’étudiants amazighs ont été blessés plus ou moins sévèrement. Plusieurs indices confortent l’idée que l’agression ait été organisée avec la complicité des services de sécurité. En tout cas, aucune intervention policière n’a eu lieu, pas plus qu’une suite judiciaire n’a été donnée à cette affaire de violence et de racisme.
A l’université de Marrakech, presque le même scénario s’est rejoué les 14 et 15 juin 2004. Les étudiants amazighs ont été violemment pris à partie par des groupes panarabistes, visant à leur interdire par la terreur, tout usage de la langue amazighe sur le campus. Plusieurs étudiants amazighs ont été blessés, sans que l’on ait constaté la moindre intervention ni des responsables de l’administration universitaire, ni de la police. Là aussi, l’affaire n’a connu aucune suite judiciaire.
Lors du sit-in organisé le 16 juillet 2004, Place Mohamed V à Al-Hoceima (région amazighe du Rif) par les victimes du tremblement de terre venus de Ait Kamra, Ait-Abdella, Rouadi, Imrabten, … avec le soutien des organisations de la société civile, les forces de police sont intervenues pour empêcher le sit-in pacifique et ont présenté 31 noms (voir liste en annexe) au procureur près le tribunal de première instance de Al-Hocima. Ces personnes attendent à présent d’être convoquées par la justice.
Les autorités administratives et policières n’hésitent pas à arrêter arbitrairement des citoyens marocains et à les humilier, dès lors qu’ils manifestent d’une manière ou d’une autre leur appartenance à la communauté amazighe. Cela se produit très fréquemment et encore récemment (septembre 2004), deux membres de l’association Tamaynut, M. Afoulki et M. Mays, à Aït Abella (province de Taroudant), ont fait les frais de l’autoritarisme Makhzenien. A l’occasion d’un festival local, les deux militants associatifs ont discuté avec le public de la situation des droits des Amazighs au Maroc, ce qui n’a pas été du goût du Caïd local qui a ordonné leur arrestation. Après leur avoir fait subir un interrogatoire pendant des heures, au cours duquel ils ont été insultés et menacés, le Caïd les a libérés en leur ordonnant de quitter immédiatement le territoire de la commune alors qu’ils y habitent