LES IDENTITÉS AMAZIGHE ET ARABO-ISLAMIQUE AU MAROC. Diversité culturelle et linguistique dans un champs politico-religieux uniforme.
Ron Haleber, Amsterdam.
Une langue n'est pas un porteur arbitraire de significations, elle incarne une culture, cela veut dire qu'au Maroc, elle est porteur d'un contexte religieux et de conscience politique nationale.
L'identité ethnique et linguistique au Maroc est inséparable de son histoire politique et religieuse.
Comme exemple, je réfère à Lahcen Amargui [dans: Le Maroc et la Hollande, Rabat, 1995] qui a contrôlé la thèse de Rancourt et de Grandguillaume sur l'utilisation de l'expression du «je» au maghreb.
Dans des essais faits par des élèves en français, et en arabe, Amargui a trouvé en français, huit exemples du «je», tandis qu'en arabe qu'un seul exemple.
Amargui explique la différence par le fait qu'en arabe, les élèves «donnent l'avis du Coran, du Hadith, de poètes arabes, mais très rarement leur propre opinion» (o.c. 67). Grandguillaume dit «la langue arabe est une sorte de miroir dans lequel se reconnait l'élève marocain. Il y voit les lois islamiques, les interdits, les promesses et les châtiments».
Selon Abdallah Bounfour, dans son "Le noeud de la langue", [langue, littérature et société au Maghreb, Edisud, 1994] l'islamisation opérait dans l'histoire du Maroc, sur le champ culturel et quotidien, de fait, une arabisation unitaire, même si dans beaucoup des régions marocaines la langue amazighe apparait comme le moyen d'expression:
«L'arabisme et l'Islam ont été les moyens idéologiques de mobilisation contre le colonialisme. Ils sont encore dominants et constituent le credo des partis dits «traditionalistes» ou «salafistes» (...) Au nom de l'unité, la diversité est sacrifiée, refoulée, étranglée (...) Toute problématique culturelle qui ne remet pas en question la notion d'unité est une problématique ethnocentrique et, par conséquent, oppressive».
Également, le champ d'historiographie et de politique nationaliste, inclus les différentes formes de socialisme, se trouve dominé par une culture unitaire, d'origine arabo-musulmane.
Le nationalisme citadin, dit l'Istiqlal, a monopolisé le champ politico-religieux depuis son origine pendant les années trente. Le nationalisme extra-citadin par ex. d'Abdelkrim Khattabi était dans l'historiographie officielle (par ex. chez Abdallah Laroui) souvent exclu, identifié avec la notion de `siba', `régions périphériques en révolte contre le makhzen'. Alors, l'inspiration arabo-islamique dominante du salafisme et de son héritier, [color=0000FF]l'islamisme - idéologie contestataire de référence pour la majorité de la jeunesse marocaine d'aujourd'hui - [/color] pose un problème pour une intégration de la langue et de la culture amazighe (cf. al-Fasi, Jabri, Yassine).
Je veux traiter ici quelques questions qui surgissent de cette situation marocaine, et qui sont les suivantes:
1. Est-ce que la renaissance de la culture et de la langue amazighe, contribuera-t-elle à la création d'une identité démocratique et nationale du Maroc? Ou restera-t-elle, manque d'existence d'un espace de diversité, manque d'une société civile, finalement un facteur isolé de division ethnique?
2. L'idéologie social-démocrate et marxiste en Afrique du Nord parait depuis le «socialisme arabe» de Nasser et le «Baath» étroitement lié au nationalisme arabe. Au Maghreb, le nationalisme a la tendance de se lier avec l'islam, sous la forme de la «salafiya». Un phénomène récent de cet amalgame, où le marxisme semble se rallier à l'islamisme, est le «manifeste de Beyrouth».
Est-ce que ces discours issus de la création de l'Etat Nation menacent l'expression d'un discours d'ethnicité comme celui de la langue et de la culture amazighe?
3. Quelle est la relation entre culture amazighe et islam?
Comme illustration de mes réflexions, j'utilise des parties d'une série d'interviews que j'ai publiées sur la langue et culture amazighe en néerlandais dans la revue Soera (1995, no. 1-3), après l'ouverture créée par le discours royal du vingt août. Mes interlocuteurs sont deux protagonistes du Mouvement Amazigh au Maroc, maître Hassan Id Balkacem et son collègue Ahmed Adghirni:
Hassan Id Balkacem (44), né à Agadir, est avocat, poète, président de l'association berbère de la culture et de l'art populaire, membre de l'Association Marocaine des Droits de l'Homme (AMDH), et membre de l'union marocaine des écrivains.
Ahmed Adghirni est avocat, auteur, entre autres d'une étude sur le Mouvement Populaire d'Aherdan.
[color=0000FF] 1. IDENTITÉ ETHNIQUE & SEPARATISME: [/color]
[color=0000FF]Haleber:[/color] Il se pose le problème du pluralisme de l'identité marocaine. Pourtant, beaucoup de mes amis marocains avec qui j'aborde ce problème, ici au Maroc, comme aux Pays-Bas, ne regardent le Mouvement Berbère que comme un danger séparatiste qui divisera le peuple marocain, et qui menace l'unité fragile de l'état marocain. Quelle est votre réponse à ces accusations?
[color=0000FF] Balkacem:[/color] «D'abord, il faut dire que historiquement les Berbères ont toujours été les unificateurs du peuple marocain. Le rôle des dynasties berbères des Almoravides, des Almohades a été toujours l'unification du pays.
Deuxièmement, ce qui unifie les gens, c'est le respect de l'autre et la reconnaissance des droits de l'autre. Ce n'est pas le contraire! Et c'est cela justement que demande le mouvement berbère aujourd'hui.
Prenons l'identité marocaine: tous ceux qui disent que ce mouvement exprime une inclination envers le séparatisme, eux, disent que l'identité marocaine est une identité arabo-islamique. Le seul mouvement qui dit que l'identité marocaine est une identité multidimensionnelle, c'est le mouvement culturel berbère.
Il n'y a aucun mouvement au Maroc qui reconnait l'identité marocaine dans sa multidimensionnalité, ni la constitution, ni les programmes des partis politiques. Même au sein des associations des droits de l'homme, on trouve parfois des problèmes à exprimer son identité berbère. L'importance de l'unification du Maroc est clair, mais pour unifier, il faut accepter l'existence de la diversité».
[color=0000FF] Maître Adghirni [/color] y ajoute: «On ne peut pas parler du séparatisme au Maroc. Ce problème se pose dans des autres pays, où des régions exigent leur droit spécifique, par ex. en Belgique, entre Flamands et Wallons. Mais au Maroc, il n'existe pas une région arabe. Tout le monde reconnait que le Maroc est d'origine un pays berbère, et aussi dans son histoire le pays entier est resté berbère».
[color=0000FF] Haleber:[/color] Alors, n'y avait-il pas une cohabitation des Arabes avec les Berbères?
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Non, le pays est un ensemble qu'on ne peut pas diviser en régions arabes ou berbères. Bien sûr, il y avaient des régions différentes, mais le nationalisme marocain s'est basé sur le prétexte d'une unité nationale, sans que ce nationalisme n'ait pu expliquer ce qui a pu unifier les Marocains.
La langue n'était pas unificateur, parce que pendant toute leur histoire, les Marocains ont parlé de multiples langues: le phénicien, le latin, l'arabe, l'hébreu, le français, l'espagnol, et à coté le berbère. Pourtant, le Maroc est resté toujours unifié».
2. L'ARABISME NATIONALISTE ET ISLAMISTE.
Personnellement, j'ai l'impression qu'au Maroc on sous-estime ,pour des raisons diverses, les effets des divergences linguistiques. Je veux vous en donner un exemple:
Le philosophe Mohammed Abed Jabri, lui-même d'origine amazighe, visitait en 1993 Amsterdam. Je lui demandai pourquoi il aspirait à tuer, exterminer la langue amazighe.
Il me répondit en arabe: «Mon point de vue concerne la position de la langue dans l'enseignement. Si les Marocains passent à l'école, ils ne parlent que le berbère ou le dialectal marocain. Si on veut former des jeunes et des étudiants qui sont à la hauteur des problèmes de notre temps, de la modernité, nous devons procéder à faire mourir (imata) ces dialectes. [color=0000FF] Il ne s'agit pas d'abattre, mais d'ôter les sources de vie de ces dialectes[/color], pour accroître de cette manière une langue arabe commune et classique, le fousha, au bénéfice d'un développement culturel positif».
Ma question causa une indignation parmi les organisateurs de la rencontre, entre autres parce qu'aux Pays-Bas on est en train de se ré-orienter sur les matières enseignées aux enfants marocains dans les écoles primaires en langue arabe.
Récemment le défunt Cadi Kaddour était invité pour conseiller les responsables de cette matière, sur cette problématique, ce qui remet bien sûr, l'emploi des enseignants de langue arabe en question.
Ensuite, j'ai demandé à mon interlocuteur Adghirni: comment expliquez-vous des réactions comme celle de Mohammed Jabri? Il me répondit en se référant au lien entre la langue arabe et le pétrodollar:
[color=0000FF] «Il ne faut pas oublier que l'impact du nationalisme arabe, que Jabri représente,est basé sur la force des prix de pétrole. Au Maroc beaucoup des gens ont des relations implicites avec les pétrodollars...[/color]
[color=0000FF]
Les pays arabes pétroliers comme la Libye ou ceux des Baathistes ont donné l'occasion à ces intellectuels, ces nationalistes arabes d'obtenir une place importante dans notre société. Jabri a fait ses études en Syrie avec une bourse du Baath, et après il est revenu à l'université Mohammed V pendant la période de Lahbabi. D'après ma connaissance, il a été formé pour remplacer avec son nationalisme arabe l'influence humaniste de Lahbabi à la faculté de lettres.
Également, l'influence importante de l'Arabie Saoudite compte beaucoup, au début c'était le centre culturel arabe qui a publié les livres de Jabri...»[/color]
J'ai continué: Actuellement on observe que, - malgré Saddam Hussein et sa popularité au Maghreb pendant la Guerre du Golfe, ces idéologies du nationalisme arabe et leur idéal de l'unité arabe, apparaissent de plus en plus comme des phénomènes du passé. C'est déjà le cas depuis la défaite de Gamal Abdel Nasser de 1967... Pourtant, les nouveaux mouvements de renaissance ethnique, partout dans le monde, ne représentent-ils pas une inclination conservatrice et réactionnaire, qui comme celui des Serbes, nous rappellent même aux idéologies allemandes d'ethnocentrisme raciste...? Pourtant, vous deux, vous avez été actifs dans des mouvements gauchistes, alors comment combinez-vous ces deux tendances?
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Moi et Hassan, nous avons discuté beaucoup avec nos copains nationalistes arabes, ces socialistes marocains. Mais nous avons découvert que dans l'histoire moderne, le nationalisme et socialisme arabe ont toujours été liés aux régimes militaires. Même aujourd'hui, ces socialismes sont encore toujours dirigés par des colonels et d'autres militaires, par leurs partis uniques, voyez Iraq, Syrie, Algérie.
Dans notre pays, on a appris à se méfier de ce genre de nationalisme. Et leurs données idéologiques comme l'unité arabe, en vérité, n'ont jamais été des réalités.[color=0000FF] Ces derniers temps, nous avons découvert aussi qu'avec l'arabisation, il s'agit d'une intervention politique, plus que d'autre chose...[/color]
Aussi, est-il gênant pour nous de se considérer comme Arabes, tandis que nos ancêtres et notre propre famille sont des Berbères. Même si j'ai appris dans mon douar, pendant ma jeunesse, le Coran en arabe, je n'ai jamais cru que je suis Arabe. Mes parents font leur prière et citent le Coran en arabe, mais ne se considèrent pas comme Arabes».
J'ai continué la discussion par poser la question suivante: Pourtant, dans les expressions des courants l'islamistes actuels, comme en Algérie, -comme l'héritage du salafiya maghrébin, on interdit beaucoup de pratiques, comme la vénération des saints, ce qui est une caractéristique importante de l'islam dit populaire, l'islam berbère. Depuis huit siècles au moins, depuis Ibn Tamiyya, il existe ce mouvement puriste d'exclusion.
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Je crois pourtant que l'islam chez nous est différent de celui de l'Orient. Par ex. des shi`ites avec leur clergé fermée. Nous avons avec notre soufisme et zawiyas des traditions différentes. Le point crucial, c'est qu'il ne faut pas confondre culture et religion, alors le nationalisme arabe avec l'islam.
Dernièrement cette semaine, je viens de lire dans un journal une déclaration par un parti marocain, la gauche démocratique, l'OADP, élaboré à Beyrouth en Liban, pendant une rencontre à laquelle ont participé des associations islamistes.
[color=0000FF] Ces représentants de l'islamisme marocain et du panarabisme marocain déclarent ensemble qu'il faut toujours lier l'islam et l'arabisme. Voyez donc les vraies intentions des nationalistes arabes!»[/color]
Maître [color=0000FF] Balkacem y ajoute:[/color] «Alors, le «manifeste de Beyrouth» a été signé par des nationalistes arabes et des islamistes. Cela veut dire que les nationalistes arabes qui étaient auparavant gauchistes, deviennent des alliés des islamistes. Donc, au Maroc dans le proche avenir, on trouvera ces nationalistes arabes qui optent pour cette coopération avec les islamistes contre le mouvement démocratique, dont le mouvement berbère est un noyau essentiel».
Ce dernier point nous montre, selon moi, un phénomène récent du syncrétisme de l'idéologie de l'arabisme. Il est important de constater comment dans ce cas les conceptions de la langue arabe et de deux différentes soi-disantes «ethnicités» se confondent. Il y a une fusion - je laisse ouvert, s'il s'agit d'un court-circuit, de confusion ou d'un raisonnement justifié - de la langue marxiste et islamiste.
Il s'agit du soi-disant «Manifeste de Beyrouth» du 12 octobre 1994, un document très important, que, à ma connaissance, la presse occidentale n'a pas remarqué. Dans ce Manifeste, des représentants de tendance gauchiste-marxiste, se réconciliaient avec des représentants de tendance islamiste, par ex. du Hamas palestinien.
Les représentants «se considèrent comme deux courants de l'authenticité, de la fermeté et de la résistance à l'intérieur de l'oumma. Ces deux mouvements, celui de l'arabisme et celui de l'islam, se ressemblent, tant dans leurs points de départ intellectuelles, que leur disposition pour sauver l'oumma, aujourd'hui comme dans l'avenir, ainsi qu'il a été le cas toujours depuis leur existence».
[color=0000FF]
L'ambiguïté linguistique et sémantique du Manifeste continue: ils exigent «une continuation de la lutte et du jihâd pour réaliser le but de l'unité arabe», et aussi «une réconciliation dans le cadre de la grande patrie arabe».[/color] On exige «une reconnaissance de la shoura, mais avec comme principes politiques le pluralisme et la démocratie». «La nahda arabe ne peut se réaliser uniquement qu'ensemble avec la renaissance du monde islamique», pour lesquelles il faut que les classes arabes et islamiques luttent ensemble.
[color=0000FF] Il est important de constater que dans cette dite «déclaration historique», la lutte des classes et le jihâd coïncident. Également la patrie arabe et l'oumma islamique ne s'excluent plus mais se renforcent.[/color]
[color=0000FF]
Il est intéressant que les deux identités internationalistes, les marxistes et les islamistes se retrouvent dans ce manifeste sur un certain «arabisme», ce qu'il faut interpréter dans ce cas, selon moi, dans l'intermédiaire de la langue arabe. Pour les islamistes, c'est la langue sacrée, et pour les marxistes modernisés, c'est le véhicule de la révolution d'indépendance et nationale de la Nation Arabe. Les islamistes cèdent au fait que la langue sacrée en soi joue le rôle d'unificateur, et les marxistes cèdent au fait que leur Nation soit identique à l'oumma du Coran en langue arabe. Il n'y a pas d'autre explication possible, parce que pour les islamistes, il est inimaginable que l'arabisme réfère au nationalisme arabe de Nasser, le bourreau de Qotb, et il faut donc que de leur part, les marxistes baissent le ton et abandonnent les prétentions du watan arabiya et ne se réfèrent qu'à la langue arabe comme intermédiaire idéologique.[/color]
Qu'est ce qu'il se passe donc ici...? [color=0000FF] La langue arabe[/color], tout en restant, de fait, véhicule de l'ethnie arabe, de ses expressions d'ethnicité arabe, [color=0000FF] réconcilie donc en sa qualité de langue sacrée, deux idéologies opposées, deux idéologies qui s'excluent parfaitement: le marxisme laïque et l'islamisme théocratique.[/color] Il faut constater, que ce phénomène unique, ce tour de force du thème de notre colloque «langue et ethnicité» [color=0000FF] n'est possible que sur des territoires arabophones, et nulle part ailleurs sur notre planète...[/color]
3. IDENTITÉ AMAZIGHE & MUSULMANE:
Puis, j'ai voulu m'éloigner du domaine du politique et aborder le problème du lien entre la langue arabe et l'identité musulmane: La plupart des musulmans n'est pas arabophone, pourtant l'orientation envers la langue arabe semble centrale pour les musulmans. L'islam, ne pousse-t-il pas les gens vers une promotion de la langue arabe?
[color=0000FF] Adghirni:[/color]
«Les deux peuvent très bien se combiner. Pendant mon enfance, je faisais mes prières en arabe, en parlant dans la vie quotidienne berbère. Même dans les mosquées, on utilise aussi des prières en berbères. Même les cinq prières quotidiennes. On traduit les hadith en berbère. Les imams à la campagne ne parlent pas arabe, ils ne citent que le Coran en arabe, appris par coeur, parce qu'il est sacré, bien souvent sans en comprendre le contenu».
[color=0000FF] Haleber:[/color] Mais est-ce que dans un pays islamique et arabisé, n'a-t-on pas tendance à regarder la culture berbère comme pré-islamique, comme jahiliya, alors n'êtes-vous pas considéré comme des païens...? Adghirni me répond en faisant une distinction intéressante entre la culture du Maghreb et du Proche Orient:
[color=0000FF]
«Non, chez nous au Maroc, on n'a jamais connu cette période de jahiliya, parce que la jahiliya fait partie et est lié à l'histoire spécifique de la Péninsule Arabe. [/color]
La preuve aussi, c'est que certains usages des Arabes de la jahiliya qui sont répressifs et discriminatoires pour les femmes n'ont jamais existé chez nous, les Berbères, qu'on dit matriarcales.
Au contraire, dans l'époque du prophète Mohammed, dans l'Afrique du Nord, il y avait le règne de la reine Kahina. Et quand les Arabes sont venus chez nous, ils se sont trouvés opposés à des reines et des princesses qui ont fait la guerre contre eux. Donc,[color=0000FF] nous sommes en coutumes profondément différents de cet Orient arabe».[/color]
[color=0000FF] Haleber:[/color] Est-ce que vos explications considèrent-elles la culture berbère comme un contexte original pour l'islam? Par ex. en Indonésie, le pays musulman le plus grand, un ministre d'Affaires religieuses, accentue l'importance de contextualiser les données de l'islam. L'encadrement de l'islam dans le contexte hindou javanais, le symbiose culturelle et artistique des coutumes locales, héritée par ex. de la cour sultanale de Yogyakarta, garantie une tolérance, et évite le fanatisme qui se répand aujourd'hui un peu partout.
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Mais c'est exactement ce que nos ancêtres ont fait dans leurs mosquées. Depuis quatorze siècles, ils ont pratiqué le `orf amazighe, et on le pratique encore toujours à côté de l'islam. Les savants de l'islam dans leurs fatwa's n'ont jamais interdit notre langue, ni nos coutumes culturelles».
-- Je veux conclure en posant brièvement quelques thèses qui restent ouvertes pour une discussion sur le thème «langue et etnicité»:
1. [color=0000FF] Une langue, c'est un véhicule - souvent en forme cachée -d'une certaine culture et d'une certaine politique.[/color] Sur le champs linguistique marocain se confrontent trois groupes de langues, porteurs de cultures et politiques différentes: l'arabe classique et dialectal, trois variantes de l'amazigh, et les langues étrangères, notamment le français.
2. Au Maroc, il existent donc trois cultures et politiques différentes, qui sont propagés de fait (et pas en principe) par ces trois groupes de langues. Elles sont:
1. La tradition de l'islam et de la culture arabe classique, défendue par le nationalisme marocain et son historiographie officielle.
2. La culture populaire amazighe, en trois formes soi-disant régionales.
3. Des langues des publications des sciences modernes et d'information internationale.
3. [color=0000FF]Au Maroc une politique de bilinguisme ou plurilinguisme de langues ne peut contribuer à renforcer la démocratie qu'à condition que toutes les libertés et moyens d'expression de la société civile soient effectués. Autrement le danger de division `ethnique' reste présent.[/color]
4. Également - sans que les chercheurs linguistes en soient conscients - [color=0000FF] l'utilisation et le choix éducatif des langues dans l'émigration a des graves conséquences culturelles et politiques.[/color] Une réflexion sur ces conséquences de l'introduction d'un bilinguisme dans les pays d'immigration, par ex. sur les effets sur l'assimilation, l'intégration, l'identité propre des migrants est nécessaire.
rédaction et copyright: Ron Haleber
[ Edité par agerzam le 17/8/2004 8:36 ]
Ron Haleber, Amsterdam.
Une langue n'est pas un porteur arbitraire de significations, elle incarne une culture, cela veut dire qu'au Maroc, elle est porteur d'un contexte religieux et de conscience politique nationale.
L'identité ethnique et linguistique au Maroc est inséparable de son histoire politique et religieuse.
Comme exemple, je réfère à Lahcen Amargui [dans: Le Maroc et la Hollande, Rabat, 1995] qui a contrôlé la thèse de Rancourt et de Grandguillaume sur l'utilisation de l'expression du «je» au maghreb.
Dans des essais faits par des élèves en français, et en arabe, Amargui a trouvé en français, huit exemples du «je», tandis qu'en arabe qu'un seul exemple.
Amargui explique la différence par le fait qu'en arabe, les élèves «donnent l'avis du Coran, du Hadith, de poètes arabes, mais très rarement leur propre opinion» (o.c. 67). Grandguillaume dit «la langue arabe est une sorte de miroir dans lequel se reconnait l'élève marocain. Il y voit les lois islamiques, les interdits, les promesses et les châtiments».
Selon Abdallah Bounfour, dans son "Le noeud de la langue", [langue, littérature et société au Maghreb, Edisud, 1994] l'islamisation opérait dans l'histoire du Maroc, sur le champ culturel et quotidien, de fait, une arabisation unitaire, même si dans beaucoup des régions marocaines la langue amazighe apparait comme le moyen d'expression:
«L'arabisme et l'Islam ont été les moyens idéologiques de mobilisation contre le colonialisme. Ils sont encore dominants et constituent le credo des partis dits «traditionalistes» ou «salafistes» (...) Au nom de l'unité, la diversité est sacrifiée, refoulée, étranglée (...) Toute problématique culturelle qui ne remet pas en question la notion d'unité est une problématique ethnocentrique et, par conséquent, oppressive».
Également, le champ d'historiographie et de politique nationaliste, inclus les différentes formes de socialisme, se trouve dominé par une culture unitaire, d'origine arabo-musulmane.
Le nationalisme citadin, dit l'Istiqlal, a monopolisé le champ politico-religieux depuis son origine pendant les années trente. Le nationalisme extra-citadin par ex. d'Abdelkrim Khattabi était dans l'historiographie officielle (par ex. chez Abdallah Laroui) souvent exclu, identifié avec la notion de `siba', `régions périphériques en révolte contre le makhzen'. Alors, l'inspiration arabo-islamique dominante du salafisme et de son héritier, [color=0000FF]l'islamisme - idéologie contestataire de référence pour la majorité de la jeunesse marocaine d'aujourd'hui - [/color] pose un problème pour une intégration de la langue et de la culture amazighe (cf. al-Fasi, Jabri, Yassine).
Je veux traiter ici quelques questions qui surgissent de cette situation marocaine, et qui sont les suivantes:
1. Est-ce que la renaissance de la culture et de la langue amazighe, contribuera-t-elle à la création d'une identité démocratique et nationale du Maroc? Ou restera-t-elle, manque d'existence d'un espace de diversité, manque d'une société civile, finalement un facteur isolé de division ethnique?
2. L'idéologie social-démocrate et marxiste en Afrique du Nord parait depuis le «socialisme arabe» de Nasser et le «Baath» étroitement lié au nationalisme arabe. Au Maghreb, le nationalisme a la tendance de se lier avec l'islam, sous la forme de la «salafiya». Un phénomène récent de cet amalgame, où le marxisme semble se rallier à l'islamisme, est le «manifeste de Beyrouth».
Est-ce que ces discours issus de la création de l'Etat Nation menacent l'expression d'un discours d'ethnicité comme celui de la langue et de la culture amazighe?
3. Quelle est la relation entre culture amazighe et islam?
Comme illustration de mes réflexions, j'utilise des parties d'une série d'interviews que j'ai publiées sur la langue et culture amazighe en néerlandais dans la revue Soera (1995, no. 1-3), après l'ouverture créée par le discours royal du vingt août. Mes interlocuteurs sont deux protagonistes du Mouvement Amazigh au Maroc, maître Hassan Id Balkacem et son collègue Ahmed Adghirni:
Hassan Id Balkacem (44), né à Agadir, est avocat, poète, président de l'association berbère de la culture et de l'art populaire, membre de l'Association Marocaine des Droits de l'Homme (AMDH), et membre de l'union marocaine des écrivains.
Ahmed Adghirni est avocat, auteur, entre autres d'une étude sur le Mouvement Populaire d'Aherdan.
[color=0000FF] 1. IDENTITÉ ETHNIQUE & SEPARATISME: [/color]
[color=0000FF]Haleber:[/color] Il se pose le problème du pluralisme de l'identité marocaine. Pourtant, beaucoup de mes amis marocains avec qui j'aborde ce problème, ici au Maroc, comme aux Pays-Bas, ne regardent le Mouvement Berbère que comme un danger séparatiste qui divisera le peuple marocain, et qui menace l'unité fragile de l'état marocain. Quelle est votre réponse à ces accusations?
[color=0000FF] Balkacem:[/color] «D'abord, il faut dire que historiquement les Berbères ont toujours été les unificateurs du peuple marocain. Le rôle des dynasties berbères des Almoravides, des Almohades a été toujours l'unification du pays.
Deuxièmement, ce qui unifie les gens, c'est le respect de l'autre et la reconnaissance des droits de l'autre. Ce n'est pas le contraire! Et c'est cela justement que demande le mouvement berbère aujourd'hui.
Prenons l'identité marocaine: tous ceux qui disent que ce mouvement exprime une inclination envers le séparatisme, eux, disent que l'identité marocaine est une identité arabo-islamique. Le seul mouvement qui dit que l'identité marocaine est une identité multidimensionnelle, c'est le mouvement culturel berbère.
Il n'y a aucun mouvement au Maroc qui reconnait l'identité marocaine dans sa multidimensionnalité, ni la constitution, ni les programmes des partis politiques. Même au sein des associations des droits de l'homme, on trouve parfois des problèmes à exprimer son identité berbère. L'importance de l'unification du Maroc est clair, mais pour unifier, il faut accepter l'existence de la diversité».
[color=0000FF] Maître Adghirni [/color] y ajoute: «On ne peut pas parler du séparatisme au Maroc. Ce problème se pose dans des autres pays, où des régions exigent leur droit spécifique, par ex. en Belgique, entre Flamands et Wallons. Mais au Maroc, il n'existe pas une région arabe. Tout le monde reconnait que le Maroc est d'origine un pays berbère, et aussi dans son histoire le pays entier est resté berbère».
[color=0000FF] Haleber:[/color] Alors, n'y avait-il pas une cohabitation des Arabes avec les Berbères?
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Non, le pays est un ensemble qu'on ne peut pas diviser en régions arabes ou berbères. Bien sûr, il y avaient des régions différentes, mais le nationalisme marocain s'est basé sur le prétexte d'une unité nationale, sans que ce nationalisme n'ait pu expliquer ce qui a pu unifier les Marocains.
La langue n'était pas unificateur, parce que pendant toute leur histoire, les Marocains ont parlé de multiples langues: le phénicien, le latin, l'arabe, l'hébreu, le français, l'espagnol, et à coté le berbère. Pourtant, le Maroc est resté toujours unifié».
2. L'ARABISME NATIONALISTE ET ISLAMISTE.
Personnellement, j'ai l'impression qu'au Maroc on sous-estime ,pour des raisons diverses, les effets des divergences linguistiques. Je veux vous en donner un exemple:
Le philosophe Mohammed Abed Jabri, lui-même d'origine amazighe, visitait en 1993 Amsterdam. Je lui demandai pourquoi il aspirait à tuer, exterminer la langue amazighe.
Il me répondit en arabe: «Mon point de vue concerne la position de la langue dans l'enseignement. Si les Marocains passent à l'école, ils ne parlent que le berbère ou le dialectal marocain. Si on veut former des jeunes et des étudiants qui sont à la hauteur des problèmes de notre temps, de la modernité, nous devons procéder à faire mourir (imata) ces dialectes. [color=0000FF] Il ne s'agit pas d'abattre, mais d'ôter les sources de vie de ces dialectes[/color], pour accroître de cette manière une langue arabe commune et classique, le fousha, au bénéfice d'un développement culturel positif».
Ma question causa une indignation parmi les organisateurs de la rencontre, entre autres parce qu'aux Pays-Bas on est en train de se ré-orienter sur les matières enseignées aux enfants marocains dans les écoles primaires en langue arabe.
Récemment le défunt Cadi Kaddour était invité pour conseiller les responsables de cette matière, sur cette problématique, ce qui remet bien sûr, l'emploi des enseignants de langue arabe en question.
Ensuite, j'ai demandé à mon interlocuteur Adghirni: comment expliquez-vous des réactions comme celle de Mohammed Jabri? Il me répondit en se référant au lien entre la langue arabe et le pétrodollar:
[color=0000FF] «Il ne faut pas oublier que l'impact du nationalisme arabe, que Jabri représente,est basé sur la force des prix de pétrole. Au Maroc beaucoup des gens ont des relations implicites avec les pétrodollars...[/color]
[color=0000FF]
Les pays arabes pétroliers comme la Libye ou ceux des Baathistes ont donné l'occasion à ces intellectuels, ces nationalistes arabes d'obtenir une place importante dans notre société. Jabri a fait ses études en Syrie avec une bourse du Baath, et après il est revenu à l'université Mohammed V pendant la période de Lahbabi. D'après ma connaissance, il a été formé pour remplacer avec son nationalisme arabe l'influence humaniste de Lahbabi à la faculté de lettres.
Également, l'influence importante de l'Arabie Saoudite compte beaucoup, au début c'était le centre culturel arabe qui a publié les livres de Jabri...»[/color]
J'ai continué: Actuellement on observe que, - malgré Saddam Hussein et sa popularité au Maghreb pendant la Guerre du Golfe, ces idéologies du nationalisme arabe et leur idéal de l'unité arabe, apparaissent de plus en plus comme des phénomènes du passé. C'est déjà le cas depuis la défaite de Gamal Abdel Nasser de 1967... Pourtant, les nouveaux mouvements de renaissance ethnique, partout dans le monde, ne représentent-ils pas une inclination conservatrice et réactionnaire, qui comme celui des Serbes, nous rappellent même aux idéologies allemandes d'ethnocentrisme raciste...? Pourtant, vous deux, vous avez été actifs dans des mouvements gauchistes, alors comment combinez-vous ces deux tendances?
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Moi et Hassan, nous avons discuté beaucoup avec nos copains nationalistes arabes, ces socialistes marocains. Mais nous avons découvert que dans l'histoire moderne, le nationalisme et socialisme arabe ont toujours été liés aux régimes militaires. Même aujourd'hui, ces socialismes sont encore toujours dirigés par des colonels et d'autres militaires, par leurs partis uniques, voyez Iraq, Syrie, Algérie.
Dans notre pays, on a appris à se méfier de ce genre de nationalisme. Et leurs données idéologiques comme l'unité arabe, en vérité, n'ont jamais été des réalités.[color=0000FF] Ces derniers temps, nous avons découvert aussi qu'avec l'arabisation, il s'agit d'une intervention politique, plus que d'autre chose...[/color]
Aussi, est-il gênant pour nous de se considérer comme Arabes, tandis que nos ancêtres et notre propre famille sont des Berbères. Même si j'ai appris dans mon douar, pendant ma jeunesse, le Coran en arabe, je n'ai jamais cru que je suis Arabe. Mes parents font leur prière et citent le Coran en arabe, mais ne se considèrent pas comme Arabes».
J'ai continué la discussion par poser la question suivante: Pourtant, dans les expressions des courants l'islamistes actuels, comme en Algérie, -comme l'héritage du salafiya maghrébin, on interdit beaucoup de pratiques, comme la vénération des saints, ce qui est une caractéristique importante de l'islam dit populaire, l'islam berbère. Depuis huit siècles au moins, depuis Ibn Tamiyya, il existe ce mouvement puriste d'exclusion.
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Je crois pourtant que l'islam chez nous est différent de celui de l'Orient. Par ex. des shi`ites avec leur clergé fermée. Nous avons avec notre soufisme et zawiyas des traditions différentes. Le point crucial, c'est qu'il ne faut pas confondre culture et religion, alors le nationalisme arabe avec l'islam.
Dernièrement cette semaine, je viens de lire dans un journal une déclaration par un parti marocain, la gauche démocratique, l'OADP, élaboré à Beyrouth en Liban, pendant une rencontre à laquelle ont participé des associations islamistes.
[color=0000FF] Ces représentants de l'islamisme marocain et du panarabisme marocain déclarent ensemble qu'il faut toujours lier l'islam et l'arabisme. Voyez donc les vraies intentions des nationalistes arabes!»[/color]
Maître [color=0000FF] Balkacem y ajoute:[/color] «Alors, le «manifeste de Beyrouth» a été signé par des nationalistes arabes et des islamistes. Cela veut dire que les nationalistes arabes qui étaient auparavant gauchistes, deviennent des alliés des islamistes. Donc, au Maroc dans le proche avenir, on trouvera ces nationalistes arabes qui optent pour cette coopération avec les islamistes contre le mouvement démocratique, dont le mouvement berbère est un noyau essentiel».
Ce dernier point nous montre, selon moi, un phénomène récent du syncrétisme de l'idéologie de l'arabisme. Il est important de constater comment dans ce cas les conceptions de la langue arabe et de deux différentes soi-disantes «ethnicités» se confondent. Il y a une fusion - je laisse ouvert, s'il s'agit d'un court-circuit, de confusion ou d'un raisonnement justifié - de la langue marxiste et islamiste.
Il s'agit du soi-disant «Manifeste de Beyrouth» du 12 octobre 1994, un document très important, que, à ma connaissance, la presse occidentale n'a pas remarqué. Dans ce Manifeste, des représentants de tendance gauchiste-marxiste, se réconciliaient avec des représentants de tendance islamiste, par ex. du Hamas palestinien.
Les représentants «se considèrent comme deux courants de l'authenticité, de la fermeté et de la résistance à l'intérieur de l'oumma. Ces deux mouvements, celui de l'arabisme et celui de l'islam, se ressemblent, tant dans leurs points de départ intellectuelles, que leur disposition pour sauver l'oumma, aujourd'hui comme dans l'avenir, ainsi qu'il a été le cas toujours depuis leur existence».
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L'ambiguïté linguistique et sémantique du Manifeste continue: ils exigent «une continuation de la lutte et du jihâd pour réaliser le but de l'unité arabe», et aussi «une réconciliation dans le cadre de la grande patrie arabe».[/color] On exige «une reconnaissance de la shoura, mais avec comme principes politiques le pluralisme et la démocratie». «La nahda arabe ne peut se réaliser uniquement qu'ensemble avec la renaissance du monde islamique», pour lesquelles il faut que les classes arabes et islamiques luttent ensemble.
[color=0000FF] Il est important de constater que dans cette dite «déclaration historique», la lutte des classes et le jihâd coïncident. Également la patrie arabe et l'oumma islamique ne s'excluent plus mais se renforcent.[/color]
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Il est intéressant que les deux identités internationalistes, les marxistes et les islamistes se retrouvent dans ce manifeste sur un certain «arabisme», ce qu'il faut interpréter dans ce cas, selon moi, dans l'intermédiaire de la langue arabe. Pour les islamistes, c'est la langue sacrée, et pour les marxistes modernisés, c'est le véhicule de la révolution d'indépendance et nationale de la Nation Arabe. Les islamistes cèdent au fait que la langue sacrée en soi joue le rôle d'unificateur, et les marxistes cèdent au fait que leur Nation soit identique à l'oumma du Coran en langue arabe. Il n'y a pas d'autre explication possible, parce que pour les islamistes, il est inimaginable que l'arabisme réfère au nationalisme arabe de Nasser, le bourreau de Qotb, et il faut donc que de leur part, les marxistes baissent le ton et abandonnent les prétentions du watan arabiya et ne se réfèrent qu'à la langue arabe comme intermédiaire idéologique.[/color]
Qu'est ce qu'il se passe donc ici...? [color=0000FF] La langue arabe[/color], tout en restant, de fait, véhicule de l'ethnie arabe, de ses expressions d'ethnicité arabe, [color=0000FF] réconcilie donc en sa qualité de langue sacrée, deux idéologies opposées, deux idéologies qui s'excluent parfaitement: le marxisme laïque et l'islamisme théocratique.[/color] Il faut constater, que ce phénomène unique, ce tour de force du thème de notre colloque «langue et ethnicité» [color=0000FF] n'est possible que sur des territoires arabophones, et nulle part ailleurs sur notre planète...[/color]
3. IDENTITÉ AMAZIGHE & MUSULMANE:
Puis, j'ai voulu m'éloigner du domaine du politique et aborder le problème du lien entre la langue arabe et l'identité musulmane: La plupart des musulmans n'est pas arabophone, pourtant l'orientation envers la langue arabe semble centrale pour les musulmans. L'islam, ne pousse-t-il pas les gens vers une promotion de la langue arabe?
[color=0000FF] Adghirni:[/color]
«Les deux peuvent très bien se combiner. Pendant mon enfance, je faisais mes prières en arabe, en parlant dans la vie quotidienne berbère. Même dans les mosquées, on utilise aussi des prières en berbères. Même les cinq prières quotidiennes. On traduit les hadith en berbère. Les imams à la campagne ne parlent pas arabe, ils ne citent que le Coran en arabe, appris par coeur, parce qu'il est sacré, bien souvent sans en comprendre le contenu».
[color=0000FF] Haleber:[/color] Mais est-ce que dans un pays islamique et arabisé, n'a-t-on pas tendance à regarder la culture berbère comme pré-islamique, comme jahiliya, alors n'êtes-vous pas considéré comme des païens...? Adghirni me répond en faisant une distinction intéressante entre la culture du Maghreb et du Proche Orient:
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«Non, chez nous au Maroc, on n'a jamais connu cette période de jahiliya, parce que la jahiliya fait partie et est lié à l'histoire spécifique de la Péninsule Arabe. [/color]
La preuve aussi, c'est que certains usages des Arabes de la jahiliya qui sont répressifs et discriminatoires pour les femmes n'ont jamais existé chez nous, les Berbères, qu'on dit matriarcales.
Au contraire, dans l'époque du prophète Mohammed, dans l'Afrique du Nord, il y avait le règne de la reine Kahina. Et quand les Arabes sont venus chez nous, ils se sont trouvés opposés à des reines et des princesses qui ont fait la guerre contre eux. Donc,[color=0000FF] nous sommes en coutumes profondément différents de cet Orient arabe».[/color]
[color=0000FF] Haleber:[/color] Est-ce que vos explications considèrent-elles la culture berbère comme un contexte original pour l'islam? Par ex. en Indonésie, le pays musulman le plus grand, un ministre d'Affaires religieuses, accentue l'importance de contextualiser les données de l'islam. L'encadrement de l'islam dans le contexte hindou javanais, le symbiose culturelle et artistique des coutumes locales, héritée par ex. de la cour sultanale de Yogyakarta, garantie une tolérance, et évite le fanatisme qui se répand aujourd'hui un peu partout.
[color=0000FF] Adghirni:[/color] «Mais c'est exactement ce que nos ancêtres ont fait dans leurs mosquées. Depuis quatorze siècles, ils ont pratiqué le `orf amazighe, et on le pratique encore toujours à côté de l'islam. Les savants de l'islam dans leurs fatwa's n'ont jamais interdit notre langue, ni nos coutumes culturelles».
-- Je veux conclure en posant brièvement quelques thèses qui restent ouvertes pour une discussion sur le thème «langue et etnicité»:
1. [color=0000FF] Une langue, c'est un véhicule - souvent en forme cachée -d'une certaine culture et d'une certaine politique.[/color] Sur le champs linguistique marocain se confrontent trois groupes de langues, porteurs de cultures et politiques différentes: l'arabe classique et dialectal, trois variantes de l'amazigh, et les langues étrangères, notamment le français.
2. Au Maroc, il existent donc trois cultures et politiques différentes, qui sont propagés de fait (et pas en principe) par ces trois groupes de langues. Elles sont:
1. La tradition de l'islam et de la culture arabe classique, défendue par le nationalisme marocain et son historiographie officielle.
2. La culture populaire amazighe, en trois formes soi-disant régionales.
3. Des langues des publications des sciences modernes et d'information internationale.
3. [color=0000FF]Au Maroc une politique de bilinguisme ou plurilinguisme de langues ne peut contribuer à renforcer la démocratie qu'à condition que toutes les libertés et moyens d'expression de la société civile soient effectués. Autrement le danger de division `ethnique' reste présent.[/color]
4. Également - sans que les chercheurs linguistes en soient conscients - [color=0000FF] l'utilisation et le choix éducatif des langues dans l'émigration a des graves conséquences culturelles et politiques.[/color] Une réflexion sur ces conséquences de l'introduction d'un bilinguisme dans les pays d'immigration, par ex. sur les effets sur l'assimilation, l'intégration, l'identité propre des migrants est nécessaire.
rédaction et copyright: Ron Haleber
[ Edité par agerzam le 17/8/2004 8:36 ]