Les voleurs de la mémoire

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Les voleurs de la mémoire

Qui ne connaît pas Aït Atta ? C’est une grande tribu amazighe, fière et guerrière, dont les membres transhumaient jadis sur des territoires immenses qui s’étendaient de Tlemcen au grand Sud de Tamazgha Occidentale, avant d’être matée dans le sang par l’armée franco-chérifienne, en février 1933, à l’issue de la bataille de Saghro.





Si vous ne connaissez pas les voleurs de la mémoire non plus, dites-vous que ce sont ces hommes aux cravates qui s’adressent chaque mois de mars aux Aït Atta en "arabe nucléaire", que personne ne comprend, pour remuer le couteau du souvenir dans leurs blessures, toujours ouvertes, depuis déjà 73 ans.

Au village de Waklim, au pied du mont légendaire de Saghro qui a vu tomber des milliers de résistants, des cravatés venus de Rabat parlent chaque année aux Aït Atta du courage de leurs grands-pères morts lors de l’épopée de Bougafer. Le rituel consommé, les discours terminés, les tapis souillés et les moutons engloutis, ils reprennent la route de Rabat, laissant Aït Atta à leur misère quotidienne et à leur malheur.

Villages perdus, sans eau, sans électricité, sans écoles, sans dispensaires, les Aït Atta sont traités comme des sous humains. Lorsqu’ils revendiquent leurs droits, ils sont jetés en prison (affaire Imid’er) ou matraqués violemment comme du bétail.

Le mépris qui a trop duré a fait émergé et forgé leur conscience au fil des ans. Comme les belles paroles des "gens de Rabat" n’ont rien apporté aux braves, ils ont décidé tout simplement de boycotter les manifestations officielles "commémorant" la bataille qui a englouti leurs ancêtres. Leur conscience s’est réveillée en mars dernier. Le ras-le-bol était général dans la montagne. Comment ces gens sans scrupule se permettent de parler de l’héroïsme des guerrières et guerriers des Aït Atta alors que leurs fils et petits-fils vivent dans la misère la plus noire ? Les 50 ans d’"indépendance" n’ont rien apporté aux Aït Atta, et à tous les Berbères d’ailleurs, si ce n’est la perte de leur liberté, de leurs richesses, de leur culture et le malheur d’être gouvernés par des voleurs de la mémoire.

Ce sursaut de conscience de la nécessité de récupérer la mémoire et de la préserver a été manifeste ces dernières années au Sud-Est. L’été dernier, les habitants de Merzouga se sont opposés à la tenue du "Festival de la musique du désert" organisé par le frère du Wali de la région de Meknès-Tafilalt sans leur accord. A Tizi n Imnayen, les femmes d’Ighrem n Igoulmimen avaient organisé une manifestation contre le plan de sauvegarde de leur village qui vise en réalité à le défigurer sur le plan architectural, alors que les hommes se terraient dans leurs calculs politiciens, laissant le village à la merci des entreprises douteuses.

A Aghbalu n Kerdous, les habitants avaient organisé plusieurs marches pour revendiquer le droit à une vie digne. A Imilchil, après avoir jeté plusieurs jeunes en prison, le pouvoir, à travers la wilaya de la région de Meknès-Tafilalt, avec la complicité d’une association locale, a usurpé aux habitants leur "agdud n Ulmghenni" [1] les menaçant de représailles en cas de manifestations contre le "Festival de la musique des cimes" initié par Hassan Aourid, porte parole du roi devenu wali de la région de Meknès-Tafilalt...

Aït Atta ont donné l’exemple. A nous de suivre en boycottant toutes les festivités officielles qui insultent la culture, l’Histoire et l’intelligence des Imazighen. Il s’agit d’agir afin de récupérer tous les lieux historiques afin que la mémoire des femmes et des hommes qui se sont sacrifiés pour la liberté soit préservée.

Lhoussain Azergui



[1] Marché annuel dans lequel les habitants des vallées du Grand Atlas s’pprovisionnent avant que les routes soient coupées par la neige
 
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