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agoram

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Interview de Mohamed Elyazghi sur la question amazighe
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“La civilisation marocaine, la personnalité marocaine sont le fruit de cette greffe historique entre les différents apports qui sont venus s’ajouter à la composante de base amazighe”

Le débat sur la question amazighe a constitué un des titres de la dynamique que vit notre espace public. Ayant constitué pendant une certaine période le non-dit de la pensée dominante, l’amazighité a été alors l’objet de plusieurs récupérations à visées variables notamment dans une perspective politicienne. Beaucoup de contre-vérités ont été ainsi érigées en dogmes. Les choses heureusement bougent et permettent ainsi de saisir quelles sont les attitudes des uns et des autres à propos d’un thème qui concerne tous les Marocains même si beaucoup tentent d’en faire leur unique fonds de commerce.

L’amazighité aujourd’hui est tombée dans le domaine public. Elle est réhabilitée d’un point de vue institutionnel puisqu’un pas formidable a été franchi avec la décision d’inscrire la langue amazighe dans le cursus scolaire.
Malgré les remarques méthodologiques que peuvent formuler les uns ou les autres, nous sommes devant un tournant symbolique; c’est une nouvelle ère qui commence pour cette part importante de notre identité longtemps acculée à l’ombre et à la rhétorique du silence. Pour les socialistes marocains, c’est une évolution inséparable de l’avancée réalisée par le processus démocratique.

Dans une interview accordée à nos confrères d’Al Ahdath Al Maghribia, M. Mohamed Elyazghi, Premier secrétaire de l’USFP, a rappelé en effet que seule la démocratie peut offrir un environnement propice à l’épanouissement de la culture marocaine dans sa diversité. Les propos du Premier secrétaire de l’USFP sont pertinents et opportuns. Opportuns parce qu’ils précisent avec sérénité les vraies positions des socialistes loin de toute démarche démagogique; “Une attitude qui n’émane pas d’un souci ethnographique, ni d’une frustration exotique”. Bien au contraire, la question amazighe relève pour l’USFP du projet démocratique: tout progrès de la démocratie ne peut être que bénéfique aux revendications légitimes du mouvement culturel amazigh animés par ailleurs par plusieurs militants de l’USFP.
Ce sont également des propos pertinents, car ils fondent leur démarche sur une analyse pensée et raisonnée s’inscrivant dans une perspective socio-historique. Une manière d’inviter tous les acteurs du mouvement culturel à privilégier le souci scientifique pour asseoir la réhabilitation de l’amazighité sur des bases solides.

L’amazighité a constitué l’une des principales questions du débat politique et intellectuel durant ces dernières années. Quelle est, au sein de l’USFP, votre approche du sujet ?

C’est vrai que, dernièrement, la question de l’amazighité a été posée avec une certaine acuité à l’image de la vitalité que connaît le paysage culturel marocain et à l’image de ce que connaît la société civile de notre pays comme ouverture et dialogue responsable. Il est indéniable que l’USFP est partie prenante de cette nouvelle dynamique. Notre parti s’est exprimé positivement à ce propos aussi bien dans le cadre de ses instances que dans le cadre du mouvement associatif, y compris le mouvement culturel amazigh. Une position qui s’inscrit dans une perspective socio-historique qui prend en compte plusieurs paramètres. Nous sommes conscients par exemple que selon des études fiables plus de 400 langues et idiolectes ont disparu de la carte linguistique du monde. Ce qui constitue une perte et un appauvrissement du patrimoine de l’humanité. Plusieurs Etats commencent à regretter cette situation de déperdition d’une composante essentielle de ce qui les distingue comme nation et contribue à constituer leur civilisation.

Pour le Maroc, personne ne peut nier que le socle de la formation de sa population, ce sont les Amazighs. Mais le Maroc est aussi l’un des rares pays à vivre un formidable brassage des populations et une réelle symbiose entre les différents flux qui ont marqué son parcours historique. Faut-il rappeler que l’apport des Phéniciens, des Romains ou des Vandales ? Leur passage a donné lieu à des traces indéniables dans notre culture et dans notre société. L’Islam et les Arabes ont été accueillis positivement et les Amazighs ont rejoint la nouvelle religion spontanément et ont contribué à son rayonnement en Andalousie et en Afrique jusqu’aux confins du fleuve Sénégal, ce qui a assuré au Maroc un autre apport des tribus africaines dans un nouveau brassage des populations. Ajouter en outre que pendant la dynastie des Idrissides, Driss II a accueilli plusieurs vagues d’immigrés andalous venus s’installer à Fès dans le quartier dit des Andalous et ce ne sont que les descendants des premiers amazighs acculés à l’exil suite au soulèvement du Khalife Omeyyade Al Hakam de la principauté de Cordoue. Aux XVe et XVIe siècles suite à l’Inquisition que va connaître l’Espagne sous Philippe II et Philippe III, des musulmans et des juifs vont trouver refuge dans les terres hospitalières du Maroc et vont contribuer à la diversité de sa composante sociale et culturelle.

C’est notre postulat de base : la civilisation marocaine, la personnalité marocaine sont le fruit de cette greffe historique entre les différents apports qui sont venus s’ajouter à la composante de base : amazigh, arabe, africain, ibère. C’est le fondement de notre analyse conforté par ce formidable mouvement de fusion qui aboutit à des attitudes inédites et originales parmi les pays qui connaissent une diversité ethnique et culturelle à savoir qu’au Maroc des familles amazighes utilisent un prénom Larbi (l’arabe) pour leurs enfants.

Est-ce que vous partagez la même approche que les mouvements amazighs ou avez-vous des réserves à leur égard ?

Pour nous, le mouvement amazigh est le résultat de l’action de la société civile. Le mouvement amazigh a contribué énormément à la vulgarisation des revendications amazighes qu’il a mise en avant grâce à son action notamment à travers ce qui a été fait pour rassembler le patrimoine amazigh et le consolider par des travaux de recherches, de haute qualité scientifique et académique. S’il y a un grief à faire, il s’adresse surtout à ceux qui ne font rien pour que l’amazighité occupe la position qu’elle mérite au sein de la société marocaine et à ceux qui ne sont pas conscients de la nécessité pour le Maroc d’intégrer son environnement maghrébin, arabo-musulman, africain et méditerranéen.

Certains acteurs du mouvement amazigh reprochent à l’USFP d’adopter des positions non démocratiques à l’égard de la question amazighe ?

Je rappelle d’abord qu’un grand nombre des éléments actifs du mouvement amazigh sont des militants de l’Union socialiste des forces populaires. Je souligne ensuite qu’à tous les niveaux de notre action, nous accordons un intérêt soutenu à ce sujet dans un cadre de débat serein où nous invitons à la réflexion et à la recherche. Nous sommes également en étroite collaboration avec plusieurs associations culturelles amazighes qui nous invitent à animer des rencontres et des débats. Je ne comprends pas alors ce qu’on entend par «positions non démocratiques». D’autant plus que notre vision de l’ensemble des questions politiques, économiques, sociales et culturelles qui se posent à notre pays est animée par un souci démocratique, par le souci de voir la pratique démocratique se généraliser à tous les aspects de la vie publique. Nous sommes convaincus que le cadre despotique ne favorise nullement l’épanouissement de la culture et de la recherche. Bien au contraire, c’est la démocratie qui offre le cadre propice à l‘exercice de tous les droits et en particulier à l’exercice du droit à l’échange et au débat et à la persuasion démocratique. Au moment où notre pays vit sa transition démocratique, il est certain que les conditions seront réunies pour réhabiliter cet héritage dans sa diversité et pour des réformes qui lui assureront un réel développement.

A l’USFP, aussi bien quand nous étions parmi l’opposition politique ou aujourd’hui à partir de notre présence au gouvernement, nous considérons que la résurgence de notre culture amazighe transcende les approches étroites, elle ne relève ni d’un souci ethnographique ni d’une frustration exotique, elle est au cœur de notre projet démocratique qui considère la culture amazighe comme un formidable vecteur de développement harmonieux de notre société. C’est une composante essentielle de notre identité nationale, particulièrement à l’heure du monolithisme culturel et des risques de la pensée unique.

Les mêmes acteurs appartenant à la mouvance amazighe relèvent une contradiction entre la position favorable aux revendications amazighes de nombreux dirigeants socialistes alors que le parti n’a pas mené d’initiative institutionnelle dans ce sens, par exemple au Parlement.

C’est une remarque pour le moins sévère, elle révèle en outre une ignorance des faits. Affirmer l’absence d’initiative socialiste, c’est faire fi de données tangibles ; il suffit de demander quel est le premier gouvernement qui a clairement inscrit la question amazighe dans son programme. Je rapporte à ces détracteurs que c’est le gouvernement de l’alternance consensuelle qui s’est engagé devant le parlement pour la première fois de l’histoire contemporaine du Maroc à promouvoir la culture amazighe. Un gouvernement, faut-il le rappeler, dirigé par l’USFP. C’est une façon pour notre parti de signifier que nous sommes effectivement entrés dans une ère nouvelle dans le traitement des droits linguistiques et culturels des Marocains conformément à ce qui est préconisé dans les pactes internationaux des droits humains. Et aujourd’hui qui supervise l’entrée en vigueur de l’enseignement de la langue amazighe dans l’école publique si ce n’est des cadres du parti à partir de leur responsabilité gouvernementale alors que la décision de cet enseignement remonte au discours royal de 1994. Le camarade Malki, ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse a pris l’initiative d’un partenariat avec l’Institut Royal pour la culture amazighe, lequel partenariat a établi une carte scolaire pour l’enseignement de la langue amazighe à partir de la rentrée scolaire 2003-2004 ; des livres et des manuels ont également été édités pour opérationnaliser cette intégration de l’amazighité dans le milieu scolaire à partir de la première année du primaire.

Dans la même perspective, des sessions de formation ont été organisées l’été dernier. C’est un aspect de l’action des militants d’un parti qui ne réduit pas son engagement pour l’amazighité à des joutes oratoires au Parlement ou à des discours idéologiques ; nous préférons agir sur le terrain, en assumant nos responsabilités.

La déclaration générale de votre dernier Congrès ne comporte qu’une brève allusion à l’enseignement de la la langue amazighe alors que pendant les travaux du congrès plus de 72 intervenants ont abordé le sujet. Est-ce que cela traduit une absence de volonté ou une absence de vision claire du sujet ?

C’est une lecture hâtive des documents de notre parti. Notre approche est non seulement très claire mais se base sur des principes. C’est la conséquence de la contribution des militants des différentes sections. Cela est visible dans plusieurs documents du sixième Congrès à partir du rapport politique présenté par notre camarade Abdrrahmane Youssoufi, premier secrétaire du parti à l’époque. L’USFP a renouvelé son engagement pour la poursuite de l’action au sein du gouvernement pour la sauvegarde des composantes linguistiques de notre culture et l’action au sein du parti pour la mise au point d’une plateforme culturelle afin de consolider notre identité dans sa diversité. La résolution politique a également insisté pour accorder le plus grand intérêt à la question amazighe dans notre discours et notre pratique culturelle. Il a appelé à l’élaboration d’une conception de la question culturelle sur la base du pluralisme, de la liberté et de l’ouverture.

Il y a quelques années, des militants de la section d’Inezgane avaient envoyé une lettre au Bureau politique de l’USFP appelant à adopter une attitude positive à l’égard des revendications amazighes allant jusqu’à menacer de démissionner du parti. Mais apparemment cette lettre est restée sans suite.

C’est vrai et nous sommes fiers de l’action des sections du parti dans plusieurs régions du pays qui contribuent au rayonnement du mouvement culturel amazigh comme nous sommes fiers de nos militants qui sont actifs au sein de ce mouvement que ce soit à Inezgane, Taroudant, Nador, Imlchil; ils mènent leur action en parfaite symbiose avec la direction du parti qui reste à leur écoute et s’active à leur assurer le soutien nécessaire. Je cite, à ce propos, les nombreuses activités encadrées par notre camarade Mohamed Guessous au Nord du Maroc comme au Sud. J’ai participé moi-même, j’ai répondu à plusieurs invitations d’associations amazighes et en 1999, j’ai participé à un important colloque autour de l’enseignement de la langue amazighe organisé à Nador par le président de la Fédération des associations culturelles amazighes, M. Mohamed Chami

Nous avons l’impression que les positions du parti à ce propos sont en déphasage par rapport aux positions de sa jeunesse qui adopte plusieurs revendications du mouvement amazigh comme son inscription dans la Constitution.

Comme je l’ai précisé précédemment, notre parti s’attelle à remettre à niveau notre programme concernant cette question à l’instar des autres problématiques qui relèvent de la dynamique de réforme et du vent de changement qui souffle sur le pays. Notre parti fonctionne d’une manière démocratique, ses décisions relèvent de cette logique démocratique et responsable. C’est donc le prochain congrès de notre parti, le septième, qui constitue le cadre idoine pour trancher sur les questions de la réforme politique et constitutionnelle. Cependant, la question du développement de la culture amazighe reste tributaire à mon avis de l’action concertée des chercheurs, des intellectuels et de tous les acteurs de la société civile pour approfondir et renforcer les acquis de la langue amazighe dans les domaines de linguistique, d’expression et de communication. Un travail mené dans la sérénité prenant en compte les contraintes et les enjeux réels de la transition démocratique au Maroc.

En tant que parti socialiste et démocratique faisant partie de l’équipe gouvernementale, nous continuerons d’une manière ferme et lucide pour élargir les acquis du peuple marocain qui viendront s’ajouter à l’enseignement de la langue amazighe dans le primaire, la création d’une chaire de la langue amazighe dans plusieurs universités convaincus que nous sommes que, seule la démocratie est l’espace idéal pour accueillir notre diversité culturelle, une diversité qui ne peut s’épanouir qu’à travers le débat démocratique, les institutions démocratiques et la culture démocratique.

Comment avez-vous réagi à l’initiative royale de créer l’Institut Royal pour la culture amazighe ?

Nous avons tout naturellement considéré cette initiative Royale comme un formidable pas dans la sens de sauvegarder notre culture amazighe et le meilleur moyen de la doter des moyens de son épanouissement et de son rayonnement dans l’intérêt de la cohésion sociale et notre identité nationale. C’est pour cette raison que nous considérons le dahir Royal portant création de l’Institut pour la culture amazighe ainsi que le discours du Souverain à Ajdir comme un référentiel d’approche de la question amazighe.

Certains observateurs trouvent que le Roi est plus audacieux que les partis dans le traitement de la question amazighe.

S.M. Le Roi Mohammed VI a abordé ce sujet d’une manière très positive ce qui, pour nous, est constitutif du projet démocratique et moderniste autour duquel les partis démocratiques se retrouvent avec S.M. le Roi sur la base d’une volonté claire, ferme, portée vers l’avenir.

Lors du discours d’Ajdir S.M. Le Roi a appelé à considérer la question amazighe comme une question publique comme une affaire de tous. Pensez-vous dans l’USFP mener des actions dans ce sens ?

J’ai montré que notre vision se fonde sur des fondements socio-historiques qui nous conduisent à des conclusions claires à savoir que l’amazighité est une question nationale, interpellant l’ensemble des Marocains. Ce qui suppose que toute attitude à son égard s’inscrit dans le projet de sauvegarde de notre richesse et de notre diversité culturelle loin de tout traitement idéologique ou sectaire. Toutes les initiatives que mène l’USFP pour la consolidation de l’Etat de droit, pour la confirmation de la démocratie à tous les échelons de la vie sociale et publique, tout le travail fait pour renforcer l’identité nationale sur la base des valeurs de tolérance, de dialogue et de citoyenneté, tout cela offre un environnement favorable à l’épanouissement de la culture et de la langue amazighes désormais perçues comme une affaire de tous.

Source: Liberation
 
on aura tou vu apres khadafi demodrate eclairé voila ,l'usfp defenseur de l'amazighité.Mauvaise foi et langue de bois c'est ce qui caracterise nos chers arabistes
 
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