Lyautey le Marocain
Pourquoi évoquer Lyautey aujourd'hui ? La polémique en France autour de la nature de la colonisation et de ses soi-disant bienfaits, cette tentative de réécrire l'histoire pour se donner bonne conscience de la part de certains mérite que l'on s'attarde sur le personnage. Certains n'ont pas hésité à expliquer la virulence des critiques algériennes et la relative passivité marocaine lors de cette polémique par le fait que les Marocains gardaient moins de rancœur à l'égard de l'occupant français. Cette attitude serait le résultat d'un « protectorat » français tout à la fois modernisateur et plus respectueux de la culture des « indigènes ». Le concepteur de cette politique est justement le Maréchal Lyautey. Cette image d'Epinal correspond-t-elle à la réalité ? L'article de l'historien Pierre Vermeren apporte une réponse à cette interrogation. La thèse du chercheur français, évoquée par d'autres historiens d'ailleurs, est que la vision politique et sociale de ce maréchal hors normes a vitrifié le fonctionnement de la société marocaine. En imposant au Maroc par un mélange de force et de persuasion, sa vision nostalgique de la monarchie et de la supériorité de classe de l'aristocratie, il a contribué à empêcher le Maroc de connaître l'évolution vers la modernité que certaines de ses élites souhaitaient lui imprimer. Il a infusé dans les rouages d'un Etat moderne, la dose d'archaïsme paralysante, d'autant plus résistante au changement qu'elle se pare justement de la modernité. Dans un complexe mouvement de restauration, Lyautey a offert à la monarchie marocaine un système de gouvernance qui a permis la perpétuation de l'autoritarisme et de l'inégalité sociale. En conclusion à son article, Pierre Vermeren énonce l'héritage de Lyautey sous la forme d'un triptyque particulièrement cruel pour le Maréchal français. D'abord « l'excès d'autorité du pouvoir de l'Etat », ensuite « l'extrême fragilité du sentiment démocratique » et enfin « la perpétuation d'un ordre social particulièrement inégalitaire ». Mais faut-il y voir la source de tous les retards de modernisation politique du Maroc ? Assurément non. Le bilan dressé par Pierre Vermeren du passage de Lyautey au Maroc a toutefois le mérite de relativiser l'héritage d'une entreprise que certains tendent à mythifier.
lejournal-hebdo.com
Pourquoi évoquer Lyautey aujourd'hui ? La polémique en France autour de la nature de la colonisation et de ses soi-disant bienfaits, cette tentative de réécrire l'histoire pour se donner bonne conscience de la part de certains mérite que l'on s'attarde sur le personnage. Certains n'ont pas hésité à expliquer la virulence des critiques algériennes et la relative passivité marocaine lors de cette polémique par le fait que les Marocains gardaient moins de rancœur à l'égard de l'occupant français. Cette attitude serait le résultat d'un « protectorat » français tout à la fois modernisateur et plus respectueux de la culture des « indigènes ». Le concepteur de cette politique est justement le Maréchal Lyautey. Cette image d'Epinal correspond-t-elle à la réalité ? L'article de l'historien Pierre Vermeren apporte une réponse à cette interrogation. La thèse du chercheur français, évoquée par d'autres historiens d'ailleurs, est que la vision politique et sociale de ce maréchal hors normes a vitrifié le fonctionnement de la société marocaine. En imposant au Maroc par un mélange de force et de persuasion, sa vision nostalgique de la monarchie et de la supériorité de classe de l'aristocratie, il a contribué à empêcher le Maroc de connaître l'évolution vers la modernité que certaines de ses élites souhaitaient lui imprimer. Il a infusé dans les rouages d'un Etat moderne, la dose d'archaïsme paralysante, d'autant plus résistante au changement qu'elle se pare justement de la modernité. Dans un complexe mouvement de restauration, Lyautey a offert à la monarchie marocaine un système de gouvernance qui a permis la perpétuation de l'autoritarisme et de l'inégalité sociale. En conclusion à son article, Pierre Vermeren énonce l'héritage de Lyautey sous la forme d'un triptyque particulièrement cruel pour le Maréchal français. D'abord « l'excès d'autorité du pouvoir de l'Etat », ensuite « l'extrême fragilité du sentiment démocratique » et enfin « la perpétuation d'un ordre social particulièrement inégalitaire ». Mais faut-il y voir la source de tous les retards de modernisation politique du Maroc ? Assurément non. Le bilan dressé par Pierre Vermeren du passage de Lyautey au Maroc a toutefois le mérite de relativiser l'héritage d'une entreprise que certains tendent à mythifier.
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