Patrimoine historique: Les conséquences de l’Omerta!
· Financements publics dérisoires
· Restauration: Qui doit bouger?
· Le “mois du Patrimoine”... pour quoi faire, au juste?
Monuments en ruine, médinas dénaturées… notre patrimoine se perd, faute de restauration, de moyens financiers mais aussi de données exhaustives sur l’état des sites historiques.
Il existe quelque 15.000 sites dans le pays, selon le ministère de la Culture. Mais en réalité, il y en a beaucoup plus. “Ce chiffre ne concerne que les sites inventoriés ou classés. Les sites historiques, le Maroc en regorge. Mais ils ne sont pas tous localisés”, se désole Mohamed Abdeljalil El Hajraoui, directeur du Patrimoine culturel.
Le Maroc, carrefour de plusieurs civilisations, abrite des trésors inestimables. Cependant, on ne sait pas combien tombent en ruine, combien ont été rasés par l’érosion ou par la main de l’homme, combien ont été pillés ou saccagés…
Le déficit de sensibilisation et de communication a entraîné une sorte d’opacité sur cette partie de notre mémoire, dont on n’estime ni l’étendue réelle ni les zones à risques. Le mois du Patrimoine, organisé par le ministère de la Culture et qui s’est achevé hier 18 mai, se voulait un “début de sensibilisation”. “Un patrimoine valorisé et bien entretenu attirera plus de touristes et donc plus d’argent”, assure-t-on au ministère, qu’on n’aura pourtant guère vu au cours de ce mois de communication et de sensibilisation!
Alors, tout le monde récuse les solutions “bouche-trous”. Mécènes, ministère et société civile s’accordent à dire que c’est la logique économique qui doit guider tout projet de réhabilitation. “Le bâtiment est un corps malade. Il n’est jamais autonome et a constamment besoin d’entretien”, estime Rachid El Andaloussi, architecte et membre de l’Association Casa-mémoire, qui a gagné une bataille pour la préservation de l’hôtel Lincoln. Etrange victoire: le bâtiment, au lieu de tomber d’un bloc sous le coup des bulldozers, tombe par pièce, sous l’effet du vent. Il a même tué un clochard... Le classement au Patrimoine ne sert à rien si après, personne ne réhabilite.
Créer des sites qui génèrent leurs propres recettes. Tel est le pari, ou plus exactement le rêve. Mais qui doit bouger? Le ministère? la collectivité locale? la société civile? le secteur privé? le citoyen?
Chacun relève le peu d’implication de l’autre. “Ce ne sont pas les projets qui manquent, mais les moyens financiers”, affirme le ministère de la Culture, estimant que le secteur privé doit participer davantage. Alors que ses propres collaborateurs “embêtent” tant et tant les mécènes que certains jurent qu’on ne les reprendra plus à vouloir aider l’Etat et la communauté.
“Les bonnes idées et les projets ficelés peuvent facilement mobiliser le financement”, soutient la Fondation ONA, un des bailleurs de fonds du projet Volubilis. La Fondation avait également en partie restauré la Mosquée Tinmel, berceau des Almohades, sur les hauteurs de Marrakech. Le bâtiment, pour une cause inconnue, est à nouveau à l’abandon. “Si le secteur privé n’intervient pas assez, c’est qu’il a des raisons. On lui demande de redresser l’économie, de créer de l’emploi… et de faire du social”, fait remarquer la Fondation.
Autre son de cloche chez les ONG. “La préservation du patrimoine est d’abord une initiative citoyenne”, estime pour sa part El Andaloussi. “Notre problème est que nous n’arrivons pas à gérer des biens en commun. Le patrimoine est à l’image de la société. Plus il est sale et mal entretenu, plus la société est souffrante. Elle n’arrive pas à s’occuper d’elle-même”, estime l’architecte.
Financement, innovation, civisme. Voilà ce qui manque au patrimoine marocain pour qu’il soit réhabilité. En tout cas, ce n’est pas par manque de savoir-faire. “Nous avons des maâlems, des architectes et des bureaux d’étude très compétents”, soutient-on à la Fondation ONA.
Le site historique est comme cet enfant malade qui a plusieurs parrains, mais ne sait pas lequel solliciter. Qui l’emmène à l’hôpital et paye les soins?
C’est le Fonds d’action culturelle qui est la première source de financement de la restauration. Ce fonds est alimenté par les droits d’entrée aux monuments et musées. Bizarrement, son montant n’a pas été communiqué par le ministère de la Culture qui a pourtant fourni plusieurs statistiques sur son bilan 1998-2004. Le fait que ces données soient dispersées et pas trop structurées ne permet pas d’avoir une idée précise sur le financement.
D’après ce bilan, près de 30 millions de DH ont été engagés en 2003-2004, une misère, surtout si la somme est répartie sur 21 projets de restauration! Ce montant n’inclut pas les projets non encore finalisés tel Volubilis, Cotta à Tanger et Benasa à Sidi Kacem.
Ces trois sites romains seront les “joyaux” du patrimoine historique, d’après le ministère... y compris du point de vue politique: le Maroc d’aujourd’hui développe son image de “multiculturalité”, qui l’aide à combattre l’intégrisme. Volubilis est déjà ouvert mais “il est en cours de perfectionnement”, dit le ministère avec son inimitable vocabulaire administratif... qu’il faudra peut-être un jour préserver! Quant à Cotta et Benasa, ils seront inaugurés prochainement.
Le mécénat dans ce genre d’actions reste limité. Si ce n’est pas la coopération étrangère ou les collectivités locales, ce sont les mastodontes économiques qui sont sollicitées. La raison est toute simple: seules les grosses structures, qui ont misé sur le créneau social, peuvent financer. La restauration est une affaire de gros sous. “Mais cela ne justifie pas le fait que le ministère fasse toujours appel aux mêmes”, affirme un responsable dans une grosse entreprise qui fait du mécénat.
Pour pouvoir participer, le secteur privé exige un projet qui crée de la richesse: bien ficelé, rentable et profitable à la population. Mais au ministère, on se méfie de ce genre d’idées, qui peut dénaturer un site. On en est là l’appel est lancé.
--------------------------------------------------------------------------------
Les grandes fondations du Maroc
Quatre fondations interviennent dans la restauration de sites historiques. La Fondation Benjelloun-Mezyane (créée par Othman Benjelloun et son épouse Leyla), s’est ainsi chargée de la Madrassa Bouânania à Fès. La Fondation Omar Benjelloun (frère de Othman) a restauré la Kobba des Almoravides et la Medersa Ibn Youssef à Marrakech. La famille Benjelloun reste très discrète sur les sommes engagées dans les restaurations. Elles sont sans doute très importantes.
La Fondation Karim Lamrani a réhabilité Foundouk Nejjarine à Fès. A lui seul, ce dernier projet a coûté 25 millions de DH.
La Banque Populaire a donné 9 millions de DH pour la restauration de deux fontaines à Marrakech. Elle est aussi propriétaire du fonds photographique Flandrin et est en train de le répertorier.
La Fondation ONA a donné 3,3 millions de DH pour la réhabilitation du site de Volubilis. Au total, ce projet coûtera 20 millions de DH. Et il est destiné à être un modèle pour la gestion des sites archéologiques. “Nous sommes intervenu parce que nous avons eu des garanties sur la pérennité du projet. Ce dernier va générer ses propres ressources”, affirme un responsable de la Fondation.
--------------------------------------------------------------------------------
Patrimoine cherche Etat vigilant mais intelligent
· Médinas surpeuplées, appauvries et dénaturées
«Dans 10 ans, les visiteurs de l’ancienne médina ne sentiront plus l’odeur du pain, en train de cuire dans les fours publics, ne verront plus la fumée dégagée par les bains maures et n’entendront plus les forgerons en pleine activité». C’est une bien triste perspective que décrit le directeur du Patrimoine culturel. A Marrakech et Essaouira, les ventes massives aux étrangers entraînent un nouveau mode de vie. Si l’Etat n’est pas vigilant, le propriétaire ne sera pas tenu de conserver les fontaines, le carrelage authentique, les ustensiles historiques… tous ces petits trésors qui font l’architecture marocaine.
Un site qui disparaît entraîne avec lui une partie de notre mémoire. La solution serait de classer tous les sites présentant un enjeu historique. Interdit après de modifier quoi que ce soit sans l’aval de l’Etat. La médina de Bejaâd a été sauvée in extremis. Menacée de défiguration, elle vient d’être classée. Mais pour arriver à ce classement, toute une procédure est exigée: relevés topographiques, photos, expertise historique et ethnographique… Et c’est une commission interministérielle qui décide à la fin. Tout le monde a bonne conscience. Mais en réalité, l’histoire ne fait que commencer, car il va falloir trouver les moyens de la conservation ou de la réhabilitation...
Selon le ministère, 70 sites ont été classés patrimoine national et neuf patrimoine mondial. Essaouira, Marrakech, Fès… les villes touristiques accaparent l’attention. Le gouvernement est obligé de les entretenir car l’Unesco envoie régulièrement ses inspecteurs. Et les autres sites? Une grande partie de l’héritage se perd dans l’indifférence et l’oubli et par manque de normes rigoureuses de sauvegarde.
Rien de plus édifiant que l’exemple de l’hôtel Lincoln à Casablanca, grande œuvre architecturale, qui a failli être rasé par son propriétaire, si ce n’est la mobilisation de la société civile. Après 12 ans de bataille, ce site a été classé patrimoine de la ville. Et la wilaya a entamé la restauration de la façade au grand bonheur des nostalgiques de l’ancien Casablanca.
En effet, le ministère de la Culture ne peut pas intervenir s’il n’a pas été saisi. Par qui? “La collectivité locale, une association à but culturel ou le propriétaire du site”, répond-on au ministère. Il faut donc une bonne dose d’argent, de civisme et d’engagement pour qu’un de ces trois acteurs prenne à bras-le-corps un projet de restauration.
L’Etat a une responsabilité morale envers le patrimoine, même s’il n’a pas tout le temps un droit de propriété dessus. Les réaménagements doivent se faire sous sa supervision. Là où il y a problème, c’est qu’il n’y a pas de normes. La restauration est traité au cas par cas, en fonction du sponsor, de la nature et de la durée des travaux. D’ailleurs, ce manque de standardisation a entraîné des situations désastreuses. Des sites, confiés à des particuliers, se sont transformés en échoppes d’artisanat!
Nadia LAMLILI
leconomiste.com
· Financements publics dérisoires
· Restauration: Qui doit bouger?
· Le “mois du Patrimoine”... pour quoi faire, au juste?
Monuments en ruine, médinas dénaturées… notre patrimoine se perd, faute de restauration, de moyens financiers mais aussi de données exhaustives sur l’état des sites historiques.
Il existe quelque 15.000 sites dans le pays, selon le ministère de la Culture. Mais en réalité, il y en a beaucoup plus. “Ce chiffre ne concerne que les sites inventoriés ou classés. Les sites historiques, le Maroc en regorge. Mais ils ne sont pas tous localisés”, se désole Mohamed Abdeljalil El Hajraoui, directeur du Patrimoine culturel.
Le Maroc, carrefour de plusieurs civilisations, abrite des trésors inestimables. Cependant, on ne sait pas combien tombent en ruine, combien ont été rasés par l’érosion ou par la main de l’homme, combien ont été pillés ou saccagés…
Le déficit de sensibilisation et de communication a entraîné une sorte d’opacité sur cette partie de notre mémoire, dont on n’estime ni l’étendue réelle ni les zones à risques. Le mois du Patrimoine, organisé par le ministère de la Culture et qui s’est achevé hier 18 mai, se voulait un “début de sensibilisation”. “Un patrimoine valorisé et bien entretenu attirera plus de touristes et donc plus d’argent”, assure-t-on au ministère, qu’on n’aura pourtant guère vu au cours de ce mois de communication et de sensibilisation!
Alors, tout le monde récuse les solutions “bouche-trous”. Mécènes, ministère et société civile s’accordent à dire que c’est la logique économique qui doit guider tout projet de réhabilitation. “Le bâtiment est un corps malade. Il n’est jamais autonome et a constamment besoin d’entretien”, estime Rachid El Andaloussi, architecte et membre de l’Association Casa-mémoire, qui a gagné une bataille pour la préservation de l’hôtel Lincoln. Etrange victoire: le bâtiment, au lieu de tomber d’un bloc sous le coup des bulldozers, tombe par pièce, sous l’effet du vent. Il a même tué un clochard... Le classement au Patrimoine ne sert à rien si après, personne ne réhabilite.
Créer des sites qui génèrent leurs propres recettes. Tel est le pari, ou plus exactement le rêve. Mais qui doit bouger? Le ministère? la collectivité locale? la société civile? le secteur privé? le citoyen?
Chacun relève le peu d’implication de l’autre. “Ce ne sont pas les projets qui manquent, mais les moyens financiers”, affirme le ministère de la Culture, estimant que le secteur privé doit participer davantage. Alors que ses propres collaborateurs “embêtent” tant et tant les mécènes que certains jurent qu’on ne les reprendra plus à vouloir aider l’Etat et la communauté.
“Les bonnes idées et les projets ficelés peuvent facilement mobiliser le financement”, soutient la Fondation ONA, un des bailleurs de fonds du projet Volubilis. La Fondation avait également en partie restauré la Mosquée Tinmel, berceau des Almohades, sur les hauteurs de Marrakech. Le bâtiment, pour une cause inconnue, est à nouveau à l’abandon. “Si le secteur privé n’intervient pas assez, c’est qu’il a des raisons. On lui demande de redresser l’économie, de créer de l’emploi… et de faire du social”, fait remarquer la Fondation.
Autre son de cloche chez les ONG. “La préservation du patrimoine est d’abord une initiative citoyenne”, estime pour sa part El Andaloussi. “Notre problème est que nous n’arrivons pas à gérer des biens en commun. Le patrimoine est à l’image de la société. Plus il est sale et mal entretenu, plus la société est souffrante. Elle n’arrive pas à s’occuper d’elle-même”, estime l’architecte.
Financement, innovation, civisme. Voilà ce qui manque au patrimoine marocain pour qu’il soit réhabilité. En tout cas, ce n’est pas par manque de savoir-faire. “Nous avons des maâlems, des architectes et des bureaux d’étude très compétents”, soutient-on à la Fondation ONA.
Le site historique est comme cet enfant malade qui a plusieurs parrains, mais ne sait pas lequel solliciter. Qui l’emmène à l’hôpital et paye les soins?
C’est le Fonds d’action culturelle qui est la première source de financement de la restauration. Ce fonds est alimenté par les droits d’entrée aux monuments et musées. Bizarrement, son montant n’a pas été communiqué par le ministère de la Culture qui a pourtant fourni plusieurs statistiques sur son bilan 1998-2004. Le fait que ces données soient dispersées et pas trop structurées ne permet pas d’avoir une idée précise sur le financement.
D’après ce bilan, près de 30 millions de DH ont été engagés en 2003-2004, une misère, surtout si la somme est répartie sur 21 projets de restauration! Ce montant n’inclut pas les projets non encore finalisés tel Volubilis, Cotta à Tanger et Benasa à Sidi Kacem.
Ces trois sites romains seront les “joyaux” du patrimoine historique, d’après le ministère... y compris du point de vue politique: le Maroc d’aujourd’hui développe son image de “multiculturalité”, qui l’aide à combattre l’intégrisme. Volubilis est déjà ouvert mais “il est en cours de perfectionnement”, dit le ministère avec son inimitable vocabulaire administratif... qu’il faudra peut-être un jour préserver! Quant à Cotta et Benasa, ils seront inaugurés prochainement.
Le mécénat dans ce genre d’actions reste limité. Si ce n’est pas la coopération étrangère ou les collectivités locales, ce sont les mastodontes économiques qui sont sollicitées. La raison est toute simple: seules les grosses structures, qui ont misé sur le créneau social, peuvent financer. La restauration est une affaire de gros sous. “Mais cela ne justifie pas le fait que le ministère fasse toujours appel aux mêmes”, affirme un responsable dans une grosse entreprise qui fait du mécénat.
Pour pouvoir participer, le secteur privé exige un projet qui crée de la richesse: bien ficelé, rentable et profitable à la population. Mais au ministère, on se méfie de ce genre d’idées, qui peut dénaturer un site. On en est là l’appel est lancé.
--------------------------------------------------------------------------------
Les grandes fondations du Maroc
Quatre fondations interviennent dans la restauration de sites historiques. La Fondation Benjelloun-Mezyane (créée par Othman Benjelloun et son épouse Leyla), s’est ainsi chargée de la Madrassa Bouânania à Fès. La Fondation Omar Benjelloun (frère de Othman) a restauré la Kobba des Almoravides et la Medersa Ibn Youssef à Marrakech. La famille Benjelloun reste très discrète sur les sommes engagées dans les restaurations. Elles sont sans doute très importantes.
La Fondation Karim Lamrani a réhabilité Foundouk Nejjarine à Fès. A lui seul, ce dernier projet a coûté 25 millions de DH.
La Banque Populaire a donné 9 millions de DH pour la restauration de deux fontaines à Marrakech. Elle est aussi propriétaire du fonds photographique Flandrin et est en train de le répertorier.
La Fondation ONA a donné 3,3 millions de DH pour la réhabilitation du site de Volubilis. Au total, ce projet coûtera 20 millions de DH. Et il est destiné à être un modèle pour la gestion des sites archéologiques. “Nous sommes intervenu parce que nous avons eu des garanties sur la pérennité du projet. Ce dernier va générer ses propres ressources”, affirme un responsable de la Fondation.
--------------------------------------------------------------------------------
Patrimoine cherche Etat vigilant mais intelligent
· Médinas surpeuplées, appauvries et dénaturées
«Dans 10 ans, les visiteurs de l’ancienne médina ne sentiront plus l’odeur du pain, en train de cuire dans les fours publics, ne verront plus la fumée dégagée par les bains maures et n’entendront plus les forgerons en pleine activité». C’est une bien triste perspective que décrit le directeur du Patrimoine culturel. A Marrakech et Essaouira, les ventes massives aux étrangers entraînent un nouveau mode de vie. Si l’Etat n’est pas vigilant, le propriétaire ne sera pas tenu de conserver les fontaines, le carrelage authentique, les ustensiles historiques… tous ces petits trésors qui font l’architecture marocaine.
Un site qui disparaît entraîne avec lui une partie de notre mémoire. La solution serait de classer tous les sites présentant un enjeu historique. Interdit après de modifier quoi que ce soit sans l’aval de l’Etat. La médina de Bejaâd a été sauvée in extremis. Menacée de défiguration, elle vient d’être classée. Mais pour arriver à ce classement, toute une procédure est exigée: relevés topographiques, photos, expertise historique et ethnographique… Et c’est une commission interministérielle qui décide à la fin. Tout le monde a bonne conscience. Mais en réalité, l’histoire ne fait que commencer, car il va falloir trouver les moyens de la conservation ou de la réhabilitation...
Selon le ministère, 70 sites ont été classés patrimoine national et neuf patrimoine mondial. Essaouira, Marrakech, Fès… les villes touristiques accaparent l’attention. Le gouvernement est obligé de les entretenir car l’Unesco envoie régulièrement ses inspecteurs. Et les autres sites? Une grande partie de l’héritage se perd dans l’indifférence et l’oubli et par manque de normes rigoureuses de sauvegarde.
Rien de plus édifiant que l’exemple de l’hôtel Lincoln à Casablanca, grande œuvre architecturale, qui a failli être rasé par son propriétaire, si ce n’est la mobilisation de la société civile. Après 12 ans de bataille, ce site a été classé patrimoine de la ville. Et la wilaya a entamé la restauration de la façade au grand bonheur des nostalgiques de l’ancien Casablanca.
En effet, le ministère de la Culture ne peut pas intervenir s’il n’a pas été saisi. Par qui? “La collectivité locale, une association à but culturel ou le propriétaire du site”, répond-on au ministère. Il faut donc une bonne dose d’argent, de civisme et d’engagement pour qu’un de ces trois acteurs prenne à bras-le-corps un projet de restauration.
L’Etat a une responsabilité morale envers le patrimoine, même s’il n’a pas tout le temps un droit de propriété dessus. Les réaménagements doivent se faire sous sa supervision. Là où il y a problème, c’est qu’il n’y a pas de normes. La restauration est traité au cas par cas, en fonction du sponsor, de la nature et de la durée des travaux. D’ailleurs, ce manque de standardisation a entraîné des situations désastreuses. Des sites, confiés à des particuliers, se sont transformés en échoppes d’artisanat!
Nadia LAMLILI
leconomiste.com