Maroc saharien et Sahara marocain

agerzam

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Alors que l’Europe a réussi la mise en place d’une Communauté commune en dépit de multiplicités linguistiques, ethniques, culturelles et en dépit de guerres historiques centenaires, alors que l’Europe forme sur le plan juridique une personne morale; le Maghreb, malgré les liens solidaires qui unissent ses peuples, peine à relever le défi de la construction, menacé qu’il est par des tendances séparatistes schizophrènes.

Quand on est né à Marrakech, comme le chef du Polisario Mohamed Abdelaziz, quand notre père et nos frères vivent sereinement leur marocanité à Kasbat Tadla ou à Agadir et que l’on s’exile soi-même en Algérie, avant de se complaire dans ce rôle de président fantoche d’une chimérique république, il y a de quoi laisser interloqué.
Les Sahraouis que le chef des séparatistes prétend représenter, échappent pourtant à toute tentative de cloisonnement à travers l’histoire et marquent fortement, de leurs empreintes de nomades, bien d’autres provinces du Royaume.

Prenons le cas des Rguibat, tribu à laquelle appartient la famille de Hmitou Rguibi, alias Mohamed Abdelaziz, et dont l’histoire offre un bel exemple d’interpénétration du nord au sud. Plusieurs ouvrages qu’on ne peut suspecter de partialité, étant écrits par des personnalités familiales, interrogent l’histoire et la mémoire des ancêtres, attestant de la forte croyance d’une appartenance à un même corps.

Les Rguibat gardent en effet vivace le sens de leur affiliation à un ancêtre commun, le grand cheikh mystique, Sidi Ahmed Rguibi. Né vers 1590 près de Oued Draâ, il effectua une longue retraite spirituelle à Seguia Hamra et s’illustra par son ascèse jusqu’à sa mort à Oued Habachi où il laissa son nom à une zaouïa au sud de Tantan.

Selon la tradition généalogique, son origine serait idrisside, de la lignée de Mohamed Cheikh, fils de Moulay Abd-es-Salam ben Mchich, grand mystique, enterré au mont Allam au nord du Maroc. Sur l’origine de l’arrivée de ses ancêtres dans le sud, à partir des montagnes Jbala, l’on rapporte que son grand-père s’était établi au Tafilalet, prenant comme épouse la fille du Cheikh Mohamed El-Fadel, avant de prendre la direction de Oued Draâ. Enterré dans la région de Mhamid L’Ghozlane, il laissa un fils, mort à Rguiba près de Tata, dont le propre fils est Sidi Ahmed Rguibi.

Ses descendants dits Rguibat découlent des lignées de ses quatre fils qui se ramifièrent plus tard en deux principales branches: les Rguibat Cherq et les Rguibat Sahel. Les descendants et affiliés de Sidi Ahmed Rguibi étendirent peu à peu leur territoire et formèrent le plus grand groupement tribal de l’Ouest saharien. Nomadisant à travers les vastes étendues allant de Oued Draâ à Nouadhibou et de l’océan Atlantique au Niger, majoritaires à Seguia Hamra et à Oued Dahab, les Rguibat sont également réputés à Guelmim, Tantan, Mhamid, Zagora, Ouerzazate, Agadir, province de Tiznit... Sans oublier leurs marques à Ben Grir avec le sanctuaire du santon rguibi, Sidi Ibrahim, dit Sidi El-Khlil. A Beni Mellal fut inhumé cet autre mystique rguibi de renom, Ibrahim Bassir dont la famille est célèbre pour sa piété, son savoir et sa résistance contre la colonisation au Sahara, le Souss, Marrakech, Khouribga, Béni Meskine, Settat ou Meknès.

Les Rguibat portent d’ailleurs souvent le nom de leurs différentes branches, connues aussi bien dans le Sahara qu’à Doukkala, avec la fraction des Bouihate ou encore, dans le pays Abda où de nombreuses personnalités rguibi sont mentionnées dans l’ouvrage du Faqih Kanouni.
Mais Mohamed Abdelaziz Rguibi El-Marrakchi qui va jusqu’à refuser de voir son propre géniteur, après trente années de séparation, malgré les initiatives d’une association qui avait proposé d’organiser cette rencontre dans une ville européenne, ne peut assurément pas être sensible à la valeur de «Silat Rahim» et des liens de sang.

Laissons de côté les Rguibi en général, et donnons une autre illustration de cohésion de cette trame sociale avec les Aroussiyin, renommés aussi bien dans les montagnes Jbala que dans la plaine centrale de la Chaouia ou dans le Sahara.
C’est au nord du pays que commença l’épopée de la tribu Beni Arouss, depuis qu’elle hébergea au IXe siècle, les premiers Idrissides. En plus de leur ascendant spirituel, les Aroussiyin exercèrent un pouvoir politique effectif jusqu’au milieu du XVIe siècle, date de l’émergence de leurs cousins au Sahara. Ces derniers se réclament de la descendance du cheikh mystique, Sidi Ahmed El-Aroussi Ould Moulay Omar dont le père, issu du pays Jbala, avait pris le cap pour Kairouan où son fils était venu au monde en 1582.
 
Re : Maroc saharien et Sahara marocain

Rejoignant la terre de ses ancêtres en pays Jbala, Sidi Ahmed Aroussi prit ensuite son bâton de pèlerin vers la Chaouia où il épousa une femme du cru dont il eut un fils: Sidi Mhammed Aroussi. Empruntant le chemin de Seguia Hamra chez ses cousins Rguibat, son voyage est parsemé, par la tradition orale et par les annales hagiographiques, de légendes et de surnaturel.
Ses deux fils, Boumehdi et Tounsi sont considérés comme les ancêtres des Aroussiyin de Seguia Hamra dont la zaouïa s’illustra dans la diffusion du savoir et dans le combat contre l’occupation étrangère des côtes sahariennes au XIXe siècle. En pays Chaouia, précisément à Settat, le prestige spirituel des Aroussiyin n’en est pas moins grand, avec notamment la zaouïa de Sidi Larbi Aroussi dont les liens avec la zaouïa saharienne du Tajakant sont attestés.

Que dire des Oulad Bou Sbaâ, autre grande famille saharienne dont les ramifications sont particulièrement réputées à Chichaoua, dans le Souss, ainsi que dans le sud saharien et que le Polisario voulait écarter du processus d’identification et du référendum. Bénéficiant incontestablement des effets bienfaisants du brassage, les Sbaïyin gardent toutefois vivace leur sens d’appartenance à un ancêtre éponyme commun, appelé Amer, surnommé Bousbaâ. Grand ascète du XIVe siècle, né à Fès, d’une origine chérifienne selon les récits généalogiques, sa quête spirituelle l’avait mené vers le Souss où il pratiqua sa retraite au sommet d’une montagne, dite Idad Meden, avant de faire femme et enfants et de trouver la mort en ces mêmes lieux qui abritent son sanctuaire.

Sa descendance, assez importante, provient de la lignée de ses fils: Aâmer et Amrane de mère Berbouchiya et Mohamed Noumer, fruit d’une autre union avec une femme Semlaliya. De Aâmer et Amrane, enterrés tous deux à Oued Noul sont issus les Oulad Bousbaâ du Sahara qui nomadisent depuis plus de six siècles successifs d’Agadir à Tiris Gharbiya, avec des ramifications dans le Haouz ou à Fès. La lignée de Mohamed Noumer est, quant à elle, plus restreinte, étant davantage concentrée dans le Souss, entre Oued Tiznit et Oued Massa, près du sanctuaire de son ancêtre.
Riches de leurs innombrables fractions au Sahara, le Souss, le Haouz… les Sbaïyin furent également renommés au pays Haha avec notamment la famille des Maâchiyin, représentée par le santon Sidi Ali Maâchou. Son fils n’est autre que le célèbre mystique, Sidi Saïd Maâchou, né dans la zaouïa de son père au XVIe siècle, établi à Doukkala sur la rive droite de l’Oued Oum Rebiî où il attira de nombreux adeptes.

La présence des Sbaïyin est également éclatante en pays Abda où l’on peut citer notamment, Sidi Mohamed ben El-Meddah et son fils Sidi Boubker Sbaï; Sidi Abd-er-Rahmane dit Moul Bergui. Près de Qsour Rhamna, certains Sbaïyin affluèrent vers 1864 près du sanctuaire de Sidi El-Bahlil Sbaï…
Connus globalement sous leur nom générique, les Sbaïyin adoptèrent diverses appellations comme c’est le cas pour les Ben Chiguer, Bouderbala, Sakhi, Sassi, Chennan, Maâchi, Mellouk, Ddo, Beggar, Mokhtari, Ben Zerktoun, Benaïssa… autant de familles qui ont essaimé aux quatre coins du Royaume et qui portent toutes dans leur veine du sang sahraoui.

Un livre entier ne suffirait pas pour tracer la généalogie de toutes les tribus sahariennes et de démontrer leurs attaches incontestables avec le reste du Royaume: les Oulad Jerrar, Chtouka, Ida-ou-Yaïch, Oulad Ghaylane, Tekna, Aït Oussa, Oulad Dlim… Ces derniers constituent une tribu arabe de nomades guerriers, du groupe Hassan, d’origine Maâqil yéménite. Entrés au Maroc au XIe siècle, en petits nombres, ils furent refoulés vers la frange du désert par des tribus plus puissantes pour nomadiser jusqu’à nos jours dans les zones littorales allant du Draâ à Seguia Hamra avec comme terrain de parcours privilégié, Oued Dahab. Au milieu du XIIIe siècle, à l’appel du chef Ali ben Idder, certaines fractions des Oulad Delim montèrent dans le Souss où elles furent notamment réputées chez les Hachtouka, donnant des caïds de renom sous les règnes saâdiens et alaouites.

Au XVIe siècle, d’autres groupes s’allièrent dans le Souss avec les Saâdiens et constituèrent avec d’autres tribus sahariennes-sœurs (comme les Rhamna, Oudaya, Brabech...), l’armée saâdienne, dite Guich Ahl Souss. Ils furent donc installés au nord-ouest de la capitale Marrakech où ils sont mêlés aux Chrarda et à d’autres groupes apparentés comme les Chbanates et les Zrara. Au XIXe siècle, certains groupes s’installent dans la plaine du Gharb, pendant que d’autres demeurent dans le Haouz de Marrakech.

Par ailleurs, comment rester insensible à la symbolique de l’émergence au Maroc de dynasties sahariennes! Les Almoravides, issus du clan berbère Sanhaja, formèrent à ce titre un empire s’étendant du fleuve Sénégal à l’Espagne avec Marrakech comme capitale. Leur groupe, d’origine sanhajien, était d’ailleurs connu depuis les temps anciens dans le Rif où il était passé d’un mode de vie nomade à sédentaire. Autre dynastie saharienne, les Saâdiens issus du Hijaz, installés au XIVe siècle dans la vallée du Draâ qui formait une plaque tournante pour les échanges subsahariens. En 1508, un Saâdien est nommé chef de guerre à Tidsi avec la bénédiction du mystique Mohamed Ibn Moubarak, donnant ainsi naissance à la dynastie saâdienne qui se démarqua notamment par la libération des côtes de la présence portugaise avec l’aide de grandes tribus sahariennes qui accompagnèrent sa marche victorieuse vers le Nord.
 
Re : Maroc saharien et Sahara marocain

La dynastie marocaine alaouite au pouvoir, n’est-elle pas elle-même issue du sud, depuis que son aïeul Hassan Dakhil quitta au XIIIe siècle l’oasis de Yanbou’ au Hijaz pour s’établir au Tafilalet dont les prolongements ethniques et géographiques s’étendaient jusqu’aux confins du désert. Sous le règne du sultan Moulay Ismaïl, dont l’épouse est, rappelons-le, une Mghafriya saharienne, un important groupe Filali s’établit initialement dans la région de Oued Noul à partir du Tafilalet et forma des familles honorables, fondatrices d’un ensemble de zaouïas dans les provinces du sud dont l’une des plus connues est dite Al Sidi Boubker. Autant d’exemples pour dire que si le Maroc a toujours mis en avant ses droits historiques dans l’affaire du Sahara, c’est que la référence à l’histoire et à l’ethnographie permet de démontrer avec évidence, l’attachement immémorial du Sahara, dit occidental, à la terre marocaine.

Pour tout dire, ce tribalisme chauvin, illustré par un mouvement douteux, téléguidé par Alger, se prétendant de libération, alors qu’il ne s’est pas battu contre la présence coloniale étrangère, mais contre l’intégrité d’un Etat qui revendique la légitime récupération de ses provinces; ce Front Polisario donc, large d’opportunisme, au lieu d’aspirer au fédéralisme est animé par le séparatisme le plus sectaire, servant paradoxalement les idées hégémoniques de son gourou qui l’endoctrine, l’héberge, le finance et l’arme.

C’est comme si demain, le «peuple sahraoui» algérien se mettait à réclamer son indépendance, de même que le «peuple sahraoui» tunisien, et pourquoi pas, tant qu’on y est, les «peuples sahraouis» libyen, mauritanien, sénégalais et malien aussi! C’est comme si, en Europe, on encouragerait dans chaque Etat la création de républiques «démocratiques» indépendantes bretonne, catalane, basque, flamande ou tzigane!
Plus sérieusement, le Maroc à travers son initiative d’accorder un statut d’autonomie aux provinces sahariennes a montré sa volonté de régler politiquement la question du Sahara dans le respect de la légalité, de la démocratie et de la souveraineté nationale. Que ceux qui veulent vraiment le bien-être et l’unité des peuples, la stabilité durable du Maghreb, le rétablissement légitime de l’Histoire, acceptent, pour prouver leur bonne foi, cette main tendue.

Mouna Hachim
L'Economiste
 
Re : Maroc saharien et Sahara marocain

Les Achtouken au Sahara ?! Dernière nouvelle...Plus loin ils deviennent les Hachtouka (on parle araméen ici on dirait...).

Il y a quelques éléments intéressants dans cet article mais il a tendance à considrer comme saharien tout ce qui se situe au sud de Marrakech !

De plus il faudrait étudier l'origine des tribus d'une façon scientifique et non par la façon traditionnelle nord-africaine, c'est-à-dire par le biais d'un ancêtre éponyme et qui, cela va de soi, est descendant du Prophète.
 
Re : Maroc saharien et Sahara marocain

Votre description détaillée des tribus sahraouies est fort instructive...
Quand vous evoquez Sidi Ahmed El aroussi, vous parlez d'une certaine zaouia à Settat nommée Si Larbi el Aroussi.
Il se fait que ma famille est originaire de cette ville et que mon grand père a tjrs mentionné son ascendance Aroussya de Saguia el Hamra.
J'ai lu le livre de Le Clezio, "Gens des nuages" , un recit de voyage au coeur même où est enterré Sidi Ahmed El aroussi, et nulle part il ne situe des descendances dans la chaouia.
J'ai fait une recherche approfondie sur internet et je ne trouve nulle part des éléments qui confirment ce que vous avancez ici.
Je serai très intéressé, si vous pouviez citer des références ou une bibliographie.
En vous remerciant vivement
 
Re : Maroc saharien et Sahara marocain

C'est madame Mouna Hachim qui a écrit cet article. Vous pouvez peut-être essayer de la joindre via le journal L'Economiste.
 
Re : Maroc saharien et Sahara marocain

Merci infiniment...Je vais essayer de prendre contact avec la rédactrice de l'article. Au cas où j'aurais des précisions complémentaires je vous les soumettrais
 
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