Meryem Demnati

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[size=x-large][color=0033FF]Meryem Demnati [/color][/size]

Professeur de la formation des cadres à Marrakech

Meryem Demnati est un personnage qui fait partie intégrante du Mouvement amazighe, c’est une militante insubmersible. Elle combat avec ses amis pour la reconnaissance de l’identité marocaine depuis des années. Elle est aussi membre de l’Institut Royal pour la Culture Amazigh.



contribution: ENTRETIEN avec Meryam demnati
Tamazight fait sa
rentrée



Pourquoi Tamazight doit-elle être enseignée aux arabophones ?
Il y a des principes sur lesquels l’Institut Royal de la Culture amazigh (IRCAM) a passé un accord avec le Ministère de l’Education et qui sont les principes même défendus par le Mouvement Amazigh : L’Amazighe doit être enseigné à tous les Marocains sans exception quils soient amazighophones ou arabophones. La langue Amazighe est une langue nationale et appartient à tous les Marocains. Le dahir d’Ajdir du 17 octobre 2001 et le discours royal prononcé au même endroit ont été clairs là-dessus.

Cet enseignement restera-t-il cantonné à l’école primaire ?
L’Amazighe sera généralisé à tous les cycles d’apprentissage du préscolaire jusqu au BAC à raison de 3h par semaine, la couverture totale étant prévue pour 2010.

La langue Tamazight se compose de 3 parlers, lequel sera enseigné ?
La standardisation de la langue, elle se fera progressivement. Pour l’année 2003/2004. L’équipe pédagogique de l’IRCAM a conçu trois manuels qui standardisent d’abord chacun des trois parlers (nord, centre et sud).La standardisation totale de la langue Amazighe demande beaucoup de travail et de temps, mais elle reste un des objectifs principaux de l&Mac226;Institut royal de la culture Amazighe.

Où est enseignée Tamazight ?
Pour l’année scolaire 2003/2004, seules 317 écoles (environ 5% des écoles primaires) sont touchées (1090 instituteurs et 75 inspecteurs). Toutes les académies du Maroc sont concernées : Laâyoune, Agadir, Marrakech, Beni Mellal, Rabat, Casa, Meknès, Fès, Oujda et Al Hoceima. Cet enseignement sera ensuite élargi progressivement à tous les établissements scolaires et à tous les niveaux jusqu’à la couverture de tout le territoire.

Quelle formation les enseignants ont-ils reçue ?
La formation des enseignants devait se faire en deux sessions de 60 heures chacune. La première, qui a déjà eu lieu en juillet 2003, a porté sur les aspects culturels, historiques et civilisationnels de la culture amazighe et sur les aspects linguistiques de la langue .






La deuxième qui doit porter sur les aspects didactiques et pédagogiques devait se tenir en Septembre juste après les élections. Mais il faudra surtout compter sur l’encadrement pédagogique assuré par les 75 inspecteurs avec la collaboration de l’équipe pédagogique de l’IRCAM qui a mis sur pied les outils pédagogiques.

Estimez-vous que c’est suffisant ?
Pas du tout. Cette formation est très insuffisante, elle s’est faite dans la précipitation. L’absence de la deuxième session est un handicap de plus. Les enseignants auront beaucoup de difficultés au démarrage.

Quant à l’équipe pédagogique de l’IRCAM , elle a dû travailler d’arrache-pied tout cet été pour pouvoir élaborer un cursus de formation intensif et des outils pédagogiques permettant aux enseignants de démarrer l’année scolaire, en attendant la sortie du Manuel en Janvier 2004.

Nous espérons que dans un avenir proche, les facultés de lettres pourront assurer aux futurs enseignants de le Tamazight, une formation linguistique et culturelle en mettant sur pied un département de langue Amazighe. Et que l’Amazigh’ intégrera également les institutions de formation des cadres (Centre de formation des instituteurs, des professeurs et de l’école nationale supérieure, CPR), au même titre que les autres langues, pour permettre aux enseignants de bénéficier d’une véritable formation. Un cursus de formation devra être créé dans un délai proche.

Comment cet enseignement a-t-il été accueilli ?
Il y a eu quelques « incongruités ». Des enseignants non-amazighophones se sont inscrits à la formation alors qu’il était bien stipulé dans le questionnaire rempli par les instituteurs que le premier critère est de parler couramment l’Amazigh. Imposture ? Boycott rampant ? Ou dévalorisation de l’amazigh (d’aucuns pensent que l’amazigh ne contient que quelques mots. L’accueil des enseignants a été très mal organisé. Dans certaines régions où il y a eu un cafouillage total, quelques responsables du ministère (directeur d’Académie ou délégué) n’ont pas encore compris que les chercheurs de l’IRCAM sont des partenaires à par entière.

Entretien réalisé par A.S. pour l'hebdomadaire masculin du 25 septembre au 02 octobre
 
Entretien avec Meryam Demnati :chercheur et membre du conseil d'administration à l'Institut Royal de la Culture Amazighe



1/ Pour vous, il fallait écrire le tamazight en latin. L'institut dont vous faites partie a voté pour le tifinagh. Ressentez-vous cela comme la première concession politique des Imazighens ?

Dans le cadre du mouvement Amazighe dont sont issus beaucoup d'entre nous, la question de la graphie a été largement débattue dans les associations et lors de l'université d'été d'Agadir. La majorité des militants a toujours eu conscience que la graphie universelle est le mieux désigné pour transcrire Tamazighit, ce système ayant fait ces preuves à l'echelle internationale pour un grand nombre d'autres langues et permet d'acceder au nouvelle technologie elle est simple, pratique et nous fera gagner énormement de temps. La quasi totalité des travaux sur la langue et la culture Amazighes existent dans cette même graphie et son enseignement dans Tamazgha et dans les universités et lycées étrangers aussi. La graphii latine aurai permi d'integrer Tamazight dans l'enseignement rapidement et à moindre coût. Il est vrai qu'une partie de la jeunesse Amazighe revendiquent le Tifinagh comme faisant partie integrante de notre patrimoine culturel, mais les raisons sont plus affectives que pratiques.Alors, concession politique ? oui, nous n'avions pas le choix, c'était ou le blocage total (nous avions défendu et voté "Latin" jusqu'au bout) ou Tiffinagh, avec tous les problèmes que cela va poser au niveau technique et communicatif.

2/ Cette décision a été très suivie politiquement et médiatiquement. Avez-vous l'impression qu'en évitant le choix politiquement incorrect du latin, l'institut a ménagé le choux (le Palais) et la chèvre (les islamistes) ?

La graphie univeselle a été combattue avec virulence par les panarabistes et les islamistes parcequ'ils avaient compris que son adoption pour Tamazight allait propulser notre langue et notre culture à un niveau supèrieur. Mais de l'autre côté le mouvement Amazighe dans sa totalité avait réjété la graphie Aramèenne dite Arabe. Les sept représentants des Ministères l'ont parfaitement compris aussi et ont tous voté pour Tifinagh. Mais il ne faut pas se leurrer, nous continuerons à écrire en graphie universelle pour communiquer avec les autres communautés Amazighes de par le monde et pour diffuser notre culture. Nous restons convaincus que la graphie universelle est ce qu'il y a de meilleur pour notre langue.

3/ Le fait qu'il y ait peu sinon pas de soutien de la part des partis politiques et une attaque constante de la part des islamistes, ne vous fragilise-t-il pas ?

En menant une campagne contre le mouvement Amazighe et en se découvrant subitement une vocation pour Tamazight les islamistes ne font que parasiter la socièté civile comme ils l'ont fait dans d'autres contrées. Avec une idéologie fondée sur le totalitarisme, l'intolèrance et le non -respect de l'autre, ils ne peuvent que menacer et agresser (un "barbu" a plongé sur la voiture de notre Recteur pour lui jeter une lettre de menace). Mais cela ne nous a nullement fragilisé, bien au contraire. Cela nous a fait prendre conscience qu' il fallait resserrer nos rangs et mieux étudier nos stratégies pour contribuer à la construction d'une société égalitaire, démocratique, moderne et laïque. Le choix de Tifinagh est le résultat d'une concertation mûre et réfléchie : Au deuxième tour ,les défenseurs du Latin ont cédé 5 voix à Tifinagh pour débloquer la situation et lui faire atteindre atteindre les 2/3 exigés par le Dahir.Quant aux partis politiques panarabistes, qui par leur silence soutiennent les attaques islamistes contre la société civile (Imazighens,artistes,journalistes...),nous savons pertinemment qu'ils partagent le même sentiment que ces derniers face au mouvement Amazigh et que la démocratie en marche leur fait peur.

4/ Le fait d'avoir fait front contre l'adoption de l'arabe ne vous fait-il pas dire que le tifinagh est un moindre mal, un premier pas ?

Le moindre mal ? oui. Tifinagh est une des graphies défendues par une partie de la jeunesse Amazighe et cela aussi ne nous agresse nullement dans notre identité. C'est tout de même la graphie de nos ancêtres, vieille de trois mille ans.

5/ L'adoption d'une graphie n'est qu'une première étape. Pour tout ce qui reste (manuels de pré-scolaire, alphabétisation des femmes rurales …),

le fait d'opter pour le tifinagh (au lieu du latin avec lequel vous travaillez depuis longtemps), ne vous handicape-t-il pas ?

La recherche continuera encore en graphie universelle, nous n'avons pas le choix. Quant à l'alphabet Tifinagh, il doit être standardisé, réamènagé et demande des moyens financiers et techniques pour être prët pour l'enseignement. Tout ce qui a été déjà fait en graphie universelle ( lexiques, grammaires, textes...) doit être retranscrit en Tifinagh. A l'Institut Royal de la Culture Amazighe, nous nous sommes déjà mis au travail et nous comptons collaborer étroitement avec les différents Ministéres ( Education, Communication, Culture...). Il est vrai que la graphie Amazighe est le moindre mal, mais nous n'avions vraiment pas besoin de nouveaux obstacles>, surtout si les ennemis de Tamazights qui n'ont sûrement pas dit leur derniers mot, font tout pour renvoyer l'enseignement de Tamazight aux calendes grecques.

par Driss Ksikes .Revue Telquel .Du 08 au 14 Février 2003
 
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