Mohamed Chafik le recteur de l’Institut royal de la culture amazigh brosse un bilan positif des activités de l’institut dont il détient les rênes depuis janvier 2002. Dans cet entretien, la figure de proue des Imazighen dévoile les causes de son départ, revient sur l’identité berbère et analyse en grand lettré qu’il est, l’enseignement au Maroc.
L’IRCAM vient de fêter ses 2 ans d’existence, quel bilan faîtes-vous de cette courte expérience ?-
Mohamed Chafik : Premièrement, on a commencé par structurer l’Institut. La structuration se basait sur le recrutement des cadres qui siègeront à l’institut. Mais avant cela, il nous a fallu des locaux. Et avant de se lancer dans la recherche des locaux, il fallait connaître notre budget pour savoir nos limites et prévoir un siège en fonction de nos moyens. Je dois signaler que de janvier à juillet 2002, les membres de l’Institut se rencontraient dans des cafés, ou chez moi. Une fois les locaux trouvés, il a fallu les aménager. Les travaux d’aménagement ont pris fin en avril dernier. Mais, d’ici à la fin des travaux d’aménagement, on a procédé au recrutement des cadres de l’Institut. Notre seul critère était la compétence. L’institut requiert des pédagogues, des linguistes, des sociologues ainsi que des spécialistes de la communication.A l’heure actuelle, l’institut regroupe des cadres qui ont une expérience de 20 à 30 ans dans leurs domaines de compétences.
MHI : La création de l’Institut entre dans le cadre de la promotion et le développement de la culture amazighe. Qu’est ce que vous avez fait pour la culture amazighe aujourd’hui ?
Mohamed Chafik : Le conseil d’administration a recensé les problèmes en relation avec l’amazighité. Ces problèmes ont été étudiés pour en trouver les solutions. Comme problème, il y avait le choix de l’alphabet. Ce point a fait l’objet d’un débat houleux au sein de l’Institut et à l’extérieur. La question a été examinée par le conseil d’administration et après débats et tractations, il a été convenu d’adopter le tifinagh, qui, selon les membres de l’IRCAM, reflète le plus notre identité amazighe. Car, supposons que nous ayons opté pour l’alphabet latin ou arabe, il n’y aura aucune différence pour l’écolier et il sera embrouillé car, à ses yeux l’amazigh ne se distinguerait pas de l’arabe ou du latin et il ne discernera pas la nouveauté de cette langue vu qu’elle aurait adopté la même graphie que le latin ou l’arabe. Alors il a fallu particulariser l’amagzih par une graphie qui lui est propre. De la sorte, le choix fut porté sur le tifinagh. Pour ce qui est des autres problèmes qui sont survenus, il a fallu trouver un terrain d’entente où pouvaient se rencontrer les multiples points de vus. Aussi faut-il souligner que l’Institut a pris des dimensions internationales. Aujourd’hui, l’IRCAM dispose de structures administratives comme il est doté d’équipements technologiques lui permettant de mener à bien sa mission. Et le fruit de notre labeur ne tarde pas à venir, je vous cite à titre d’exemple l’offre d’IBM (constructeur d’équipements informatiques), qui s’est porté volontaire pour mettre à jour un logiciel en tifinagh. Pour ce qui est des objectifs, sur le plan stratégique, cela a été discuté au niveau du conseil d’administration.
MHI : Etes-vous toujours le recteur de l’Institut ?
Mohamed Chafik : Moralement, oui. Physiquement, je ne le suis plus. Je serai toujours le recteur tant que Sa Majesté n’a pas désigné un successeur. Mais, pour des raisons de santé, j’exerce ma fonction à partir de ma demeure et j’interviens quand c’est nécessaire. L’Institut fonctionne toujours, mais le poste de recteur est indispensable.
MHI : Le fait que l’Institut soit lié directement au Palais royal n’entrave pas vos initiatives ?
Mohamed Chafik : Ce fait comporte des avantages et des inconvénients. Être lié au Palais royal nous permet d’avoir de réponses promptes à nos requêtes, qu’elles soient favorables ou défavorables. On n’est pas obligé de passer par les circuits officiels qui tardent à délivrer des réponses. D’autre part, les membres sont appelés à être plus vigilants pour éviter des dérapages. Cela ne veut dire en aucun cas que notre liberté d’expression est cautionnée. Les membres de l’Institut sont libres de s’exprimer, ce qui est essentiel. Reste la manière d’utiliser ce droit. On ne peut se permettre des dérapages au sein de l’Institut. Il s’agit d’une rectitude mentale et intellectuelle. Et je trouve cela normal car on est aux confins de la politique et de la culture. Et, malheureusement, il y a toujours des amalgames.
MHI : Certains accusent l’IRCAM d’avoir introduit l’amagzih dans l’enseignement primaire d’une manière hâtive. Que répondriez-vous ?
Mohamed Chafik : La décision était-elle hâtive ou incomplète ? J’ai entendu dire que limiter l’enseignement de l’amazigh à 371 établissements est loin de servir la cause. Or, le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse a expliqué que, d’ici l’an 2013, il y aura une généralisation de l’enseignement de cette langue. Comparé à l’arabisation qui a commencé en 1956, la décision est loin d’être hâtive. L’Ircam a tenu à ce que la 1ère année soit expérimentale. Et il ne faut pas oublier que l’enseignement de l’amazigh ne date pas d’hier. Cela fait 30 ans que nous discutons de l’amazighité. Les gens craignent qu’il y ait des dérapages. Je les rassure : Il n’y aura pas de dérapages. Car nous cherchons à être pragmatiques. Nous nous référons à une langue dans sa richesse sans prétentions. La culture amazighe existe bel et bien, qu’on le veuille ou non. En témoignent les différents aspects de cette culture comme Azraf, le droit amazigh. S’y ajoute une culture militaire dont ont fait les frais les envahisseurs d’antan. Et sans oublier la riche culture artistique. Hélas, l’idéologie "exclusiviste" a fait en sorte que l’amazighité soit tenue à l’écart.
MHI : Croyez-vous qu’en ce moment où le pays a besoin de resserrer ses rangs, l’on parle de l’amazighité , de l’identité berbère et des guéguerres qui s’en suivent ?
Mohamed Chafik : Et pourquoi il n’y a aucun mal à parler de l’arabité ? Pourquoi une fois l’amazighite évoquée, ça devient un sujet à risque ? Je trouve que ceux qui considèrent que ce débat est futile ou qu’il n’a pas lieu d’être ont tort et se trompent sur toute la ligne. Je considère l’amazighité comme le noyau dur de la solidarité. C’est une composante fondamentale de l’identité nationale. C’est aussi une réplique au panarabisme exclusiviste. Lorsqu’on dit république arabe sahraoui, c’est une provocation aux Imazighens. L’amazighité est une réponse à ces prétentions et à cette politique d’exclusion.
Maroc hebdo International
L’IRCAM vient de fêter ses 2 ans d’existence, quel bilan faîtes-vous de cette courte expérience ?-
Mohamed Chafik : Premièrement, on a commencé par structurer l’Institut. La structuration se basait sur le recrutement des cadres qui siègeront à l’institut. Mais avant cela, il nous a fallu des locaux. Et avant de se lancer dans la recherche des locaux, il fallait connaître notre budget pour savoir nos limites et prévoir un siège en fonction de nos moyens. Je dois signaler que de janvier à juillet 2002, les membres de l’Institut se rencontraient dans des cafés, ou chez moi. Une fois les locaux trouvés, il a fallu les aménager. Les travaux d’aménagement ont pris fin en avril dernier. Mais, d’ici à la fin des travaux d’aménagement, on a procédé au recrutement des cadres de l’Institut. Notre seul critère était la compétence. L’institut requiert des pédagogues, des linguistes, des sociologues ainsi que des spécialistes de la communication.A l’heure actuelle, l’institut regroupe des cadres qui ont une expérience de 20 à 30 ans dans leurs domaines de compétences.
MHI : La création de l’Institut entre dans le cadre de la promotion et le développement de la culture amazighe. Qu’est ce que vous avez fait pour la culture amazighe aujourd’hui ?
Mohamed Chafik : Le conseil d’administration a recensé les problèmes en relation avec l’amazighité. Ces problèmes ont été étudiés pour en trouver les solutions. Comme problème, il y avait le choix de l’alphabet. Ce point a fait l’objet d’un débat houleux au sein de l’Institut et à l’extérieur. La question a été examinée par le conseil d’administration et après débats et tractations, il a été convenu d’adopter le tifinagh, qui, selon les membres de l’IRCAM, reflète le plus notre identité amazighe. Car, supposons que nous ayons opté pour l’alphabet latin ou arabe, il n’y aura aucune différence pour l’écolier et il sera embrouillé car, à ses yeux l’amazigh ne se distinguerait pas de l’arabe ou du latin et il ne discernera pas la nouveauté de cette langue vu qu’elle aurait adopté la même graphie que le latin ou l’arabe. Alors il a fallu particulariser l’amagzih par une graphie qui lui est propre. De la sorte, le choix fut porté sur le tifinagh. Pour ce qui est des autres problèmes qui sont survenus, il a fallu trouver un terrain d’entente où pouvaient se rencontrer les multiples points de vus. Aussi faut-il souligner que l’Institut a pris des dimensions internationales. Aujourd’hui, l’IRCAM dispose de structures administratives comme il est doté d’équipements technologiques lui permettant de mener à bien sa mission. Et le fruit de notre labeur ne tarde pas à venir, je vous cite à titre d’exemple l’offre d’IBM (constructeur d’équipements informatiques), qui s’est porté volontaire pour mettre à jour un logiciel en tifinagh. Pour ce qui est des objectifs, sur le plan stratégique, cela a été discuté au niveau du conseil d’administration.
MHI : Etes-vous toujours le recteur de l’Institut ?
Mohamed Chafik : Moralement, oui. Physiquement, je ne le suis plus. Je serai toujours le recteur tant que Sa Majesté n’a pas désigné un successeur. Mais, pour des raisons de santé, j’exerce ma fonction à partir de ma demeure et j’interviens quand c’est nécessaire. L’Institut fonctionne toujours, mais le poste de recteur est indispensable.
MHI : Le fait que l’Institut soit lié directement au Palais royal n’entrave pas vos initiatives ?
Mohamed Chafik : Ce fait comporte des avantages et des inconvénients. Être lié au Palais royal nous permet d’avoir de réponses promptes à nos requêtes, qu’elles soient favorables ou défavorables. On n’est pas obligé de passer par les circuits officiels qui tardent à délivrer des réponses. D’autre part, les membres sont appelés à être plus vigilants pour éviter des dérapages. Cela ne veut dire en aucun cas que notre liberté d’expression est cautionnée. Les membres de l’Institut sont libres de s’exprimer, ce qui est essentiel. Reste la manière d’utiliser ce droit. On ne peut se permettre des dérapages au sein de l’Institut. Il s’agit d’une rectitude mentale et intellectuelle. Et je trouve cela normal car on est aux confins de la politique et de la culture. Et, malheureusement, il y a toujours des amalgames.
MHI : Certains accusent l’IRCAM d’avoir introduit l’amagzih dans l’enseignement primaire d’une manière hâtive. Que répondriez-vous ?
Mohamed Chafik : La décision était-elle hâtive ou incomplète ? J’ai entendu dire que limiter l’enseignement de l’amazigh à 371 établissements est loin de servir la cause. Or, le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse a expliqué que, d’ici l’an 2013, il y aura une généralisation de l’enseignement de cette langue. Comparé à l’arabisation qui a commencé en 1956, la décision est loin d’être hâtive. L’Ircam a tenu à ce que la 1ère année soit expérimentale. Et il ne faut pas oublier que l’enseignement de l’amazigh ne date pas d’hier. Cela fait 30 ans que nous discutons de l’amazighité. Les gens craignent qu’il y ait des dérapages. Je les rassure : Il n’y aura pas de dérapages. Car nous cherchons à être pragmatiques. Nous nous référons à une langue dans sa richesse sans prétentions. La culture amazighe existe bel et bien, qu’on le veuille ou non. En témoignent les différents aspects de cette culture comme Azraf, le droit amazigh. S’y ajoute une culture militaire dont ont fait les frais les envahisseurs d’antan. Et sans oublier la riche culture artistique. Hélas, l’idéologie "exclusiviste" a fait en sorte que l’amazighité soit tenue à l’écart.
MHI : Croyez-vous qu’en ce moment où le pays a besoin de resserrer ses rangs, l’on parle de l’amazighité , de l’identité berbère et des guéguerres qui s’en suivent ?
Mohamed Chafik : Et pourquoi il n’y a aucun mal à parler de l’arabité ? Pourquoi une fois l’amazighite évoquée, ça devient un sujet à risque ? Je trouve que ceux qui considèrent que ce débat est futile ou qu’il n’a pas lieu d’être ont tort et se trompent sur toute la ligne. Je considère l’amazighité comme le noyau dur de la solidarité. C’est une composante fondamentale de l’identité nationale. C’est aussi une réplique au panarabisme exclusiviste. Lorsqu’on dit république arabe sahraoui, c’est une provocation aux Imazighens. L’amazighité est une réponse à ces prétentions et à cette politique d’exclusion.
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