Achetées pour des bouchées de pain, vendues pour de coquettes sommes, les portes en bois du sud marocain sont déracinées de leurs régions d’origine pour un aller simple vers des ailleurs souvent lointains et de nouveaux propriétaires. Reportage. «Vends très belle porte ancienne du Maroc, cloutée, serrure et ferrures d'origine, dimensions 2,15x1,20x0,80, en bois de cèdre de l'Atlas, bois imputrescible, pièce unique à voir, photo sur demande, prix 2000 euros». La Toile regorge d’annonces semblables à celle-ci. Initiée depuis les années coloniales, la tendance se confirme : les vieilles portes ont le vent en poupe.
Au fil d’émissions étrangères consacrées à la décoration, il semble désormais chic et de bon ton d’exhiber une porte en bois en provenance du Maroc, d’un village ou d’une kasbah dont on se plaît à articuler l’exotique nom berbère. Les portes sont rarement utilisées à leurs fins initiales et trouvent la moderne parade de se recycler avec créativité : posées contre un mur en simples objets décoratifs, vitrées en tables basses ou disposées à l’horizontale en tête de lit, les portes s’adaptent aux goûts de leurs acquéreurs, les modes d’emploi ne manquant pas. Malgré leurs prix élevés, elles ne se réservent plus à une élite d’esthètes et se démocratisent. Pour acquérir l’objet convoité, amateurs de portes certifiées anciennes et authentiques peuvent compter sur les internautes mais aussi sur bon nombre d’autres vendeurs, installés au Maroc et complices de la fuite de ce patrimoine.
Trafic et influence
Ils sont antiquaires, bazaristes ou encore smasria-rabatteurs. Parfaits connaisseurs des portes du sud, ils font partie de ces nombreux intermédiaires entre le propriétaire et l’acheteur final. Pour augmenter leur marge, certains de ces vendeurs choisissent de se passer des services des rabatteurs s’adonnant, c’est le cas de le dire, au porte-à-porte.
Ils savent dans quelles régions prospecter, connaissent celles à exploiter ou celles (de plus en plus nombreuses) déjà dévalisées. «On ne trouve plus grand chose, pour ne pas dire plus rien, du côté d’Erfoud ou de Rissani, par exemple», confie ainsi un vendeur basé à Merzouga.
Pour persuader les quelques habitants qui détiennent encore une précieuse porte, ces beaux parleurs maîtrisent l’art d’amadouer en quelques mots et de convaincre les plus réticents, attachés à leur bien. «Bien que ces portes soient au final vendues jusqu’à 50 000 DH, un semsar ne consentira que très rarement à accorder plus de 2 000 DH au propriétaire de la porte, ce qui est déjà très tentant», explique Abdeljabbar, guide installé à Marrakech et familier de ce commerce. «Bien sûr, la misère aidant, le propriétaire n’a d’autre choix que d’accepter, notamment en période de sécheresse», ajoute-t-il. Dans certaines régions reculées de l’Atlas, il aurait même eu vent de ventes à des prix dérisoires : 200 voire 100 DH la porte.
Des cas auxquels Salima Naji, architecte et anthropologue, n’accorde que très peu de crédit. Convaincue que les habitants connaissent mieux aujourd’hui la valeur de leur patrimoine, elle n’en dénonce pas moins l’attitude sans scrupules des «hommes du sud à abattre», bazaristes et autres vendeurs brigands qui tirent profit de cette manne financière basée sur la pauvreté régionale. «Ils sont prêts à tout pour obtenir une porte, se révolte Salima Naji, n’hésitant pas à débarquer à des dates-clés, à la veille de l’Aïd ou du mois de Ramadan». Dans son livre «Porte du Sud Marocain» (édition La Croisée des Chemins), Salima Naji explique comment les rabatteurs proposent aux habitants de les débarrasser de leurs vieilleries en bois, se chargeant alors personnellement de leur installer à la place des portes en métal.
Les temps changent : à une vitesse galopante, le bois laisse désormais la place au métal, portes parfois multicolores et ornées de formes géométriques variées, modifiant bien sûr l’aspect des maisons ocres du sud mais aussi l’image rémanente de ces villages pillés. L’unité urbanistique n’étant pas leur premier souci, les rabatteurs ne prennent que très rarement la peine de remplacer les portes acquises par des copies en bois. Dommage : les copies pullulent à Marrakech.
Au fil d’émissions étrangères consacrées à la décoration, il semble désormais chic et de bon ton d’exhiber une porte en bois en provenance du Maroc, d’un village ou d’une kasbah dont on se plaît à articuler l’exotique nom berbère. Les portes sont rarement utilisées à leurs fins initiales et trouvent la moderne parade de se recycler avec créativité : posées contre un mur en simples objets décoratifs, vitrées en tables basses ou disposées à l’horizontale en tête de lit, les portes s’adaptent aux goûts de leurs acquéreurs, les modes d’emploi ne manquant pas. Malgré leurs prix élevés, elles ne se réservent plus à une élite d’esthètes et se démocratisent. Pour acquérir l’objet convoité, amateurs de portes certifiées anciennes et authentiques peuvent compter sur les internautes mais aussi sur bon nombre d’autres vendeurs, installés au Maroc et complices de la fuite de ce patrimoine.
Trafic et influence
Ils sont antiquaires, bazaristes ou encore smasria-rabatteurs. Parfaits connaisseurs des portes du sud, ils font partie de ces nombreux intermédiaires entre le propriétaire et l’acheteur final. Pour augmenter leur marge, certains de ces vendeurs choisissent de se passer des services des rabatteurs s’adonnant, c’est le cas de le dire, au porte-à-porte.
Pour persuader les quelques habitants qui détiennent encore une précieuse porte, ces beaux parleurs maîtrisent l’art d’amadouer en quelques mots et de convaincre les plus réticents, attachés à leur bien. «Bien que ces portes soient au final vendues jusqu’à 50 000 DH, un semsar ne consentira que très rarement à accorder plus de 2 000 DH au propriétaire de la porte, ce qui est déjà très tentant», explique Abdeljabbar, guide installé à Marrakech et familier de ce commerce. «Bien sûr, la misère aidant, le propriétaire n’a d’autre choix que d’accepter, notamment en période de sécheresse», ajoute-t-il. Dans certaines régions reculées de l’Atlas, il aurait même eu vent de ventes à des prix dérisoires : 200 voire 100 DH la porte.
Des cas auxquels Salima Naji, architecte et anthropologue, n’accorde que très peu de crédit. Convaincue que les habitants connaissent mieux aujourd’hui la valeur de leur patrimoine, elle n’en dénonce pas moins l’attitude sans scrupules des «hommes du sud à abattre», bazaristes et autres vendeurs brigands qui tirent profit de cette manne financière basée sur la pauvreté régionale. «Ils sont prêts à tout pour obtenir une porte, se révolte Salima Naji, n’hésitant pas à débarquer à des dates-clés, à la veille de l’Aïd ou du mois de Ramadan». Dans son livre «Porte du Sud Marocain» (édition La Croisée des Chemins), Salima Naji explique comment les rabatteurs proposent aux habitants de les débarrasser de leurs vieilleries en bois, se chargeant alors personnellement de leur installer à la place des portes en métal.
Les temps changent : à une vitesse galopante, le bois laisse désormais la place au métal, portes parfois multicolores et ornées de formes géométriques variées, modifiant bien sûr l’aspect des maisons ocres du sud mais aussi l’image rémanente de ces villages pillés. L’unité urbanistique n’étant pas leur premier souci, les rabatteurs ne prennent que très rarement la peine de remplacer les portes acquises par des copies en bois. Dommage : les copies pullulent à Marrakech.