Conte Chleuh
Conte du Souss adapté
Il était une fois un roi qui avait une corne des deux côtés de la tête (non pas sur le front, mais en arrière des tempes comme Midas).
Personne ne le savait.
Un jour il eut besoin d'un barbier; il s'en alla en chercher un dans un autre pays. Ayant trouvé l'homme qui lui convenait il lui dit :
"Veux-tu venir dans mon palais? C'est toi qui me couperas les cheveux.
- Certes, répondit le barbier, je te suivrais où tu voudras.
L'Aguellid l'emmena et quand ils furent arrivés au palais il lui dit :
"Je vais maintenant te confier un secret; mais que jamais, jamais, il ne sorte de ta bouche!"
-Sidi, repartit le barbier, de ma vie je n'en dirait mot.
-Eh bien! Jure, ô barbier."
Et le barbier jura :
"De ma vie, jamais, il ne sortira de ma bouche un mot de ce secret."
Puis il attendit.
L'Aguellid se taisait:
"Sidi, quel est donc ce secret pour lequel j'ai juré?"
Alors l'Aguellid dit:
"En effet, tu as juré. Eh bien! Regarde."
Et il montra ses cornes.
Le barbier s'inclina:
"A personne je n'en parlerai."
L'Aguellid reprit:
"C'est donc à toi qui toujours couperas mes cheveux, qui seul me coifferas; ce sera là ta charge."
Puis avec le temps, il vint un jour où le barbier n'eut plus la force de retenir le secret qui lui montait du coeur aux lèvres; il chercha où s'en décharger.
Il sortit donc de la ville et marcha longtemps; arrivé à un puits il dit:
" Voilà, voilà l'endroit où je pourrai crier ce secret"
Et il se pencha sur le puits.
Trois fois il cria:
"L'Aguellid a des cornes! L’Aguellid a des cornes!"
Après quoi il s'en retourna au palais, et chemin faisant, il se disait:
"Enfin j'ai trouvé la paix."
Le jour suivant, le roi fit appeler ses deux fils : le premier, noir de peau, était né d'une noire; le second avait une femme blanche pour mère.
Le roi leur dit:
"Mes enfants, quand je mourrai, qui de vous régnera à ma place?"
Les deux adolescents se regardèrent l'un et l'autre et ne répondirent pas.
"Vous vous taisez tous les deux, reprit le père, je vous proposerai donc une épreuve; le premier de vous qui m'apportera une gazelle avec son faon courant derrière elle, celui-là sera mon héritier.
Au matin, les deux princes partirent en chasse, tirant chacun de leur côté. A l'heure où se montre la face pâle du soir, le fils de la blanche reprit la route du palais; il n'avait rien trouvé. Cependant son frère, le noir, avait découvert un gîte de gazelles; il attendit tout près, jusqu'au crépuscule; alors les gazelles arrivèrent et pénétrèrent dans la caverne.
Le jeune homme ne cessa de les observer; au milieu de la nuit, il se glissa entre les bêtes endormies, et ayant mis la main sur l'une d'elles qui avait un faon, il détacha sa ceinture et lia les cornes de la mère.
A l'aube, toutes les gazelles s'élancèrent au dehors; le prince maintint sa prisonnière et, lui donnant quelque fourrage, il l'entraîna peu à peu avec le faon.
A mi-chemin du palais, il rencontra son frère qui lui cria :
"Mon frère, as-tu trouvé la gazelle que demande notre père?"
-Tout de même, regarde!
- Ainsi, reprit le frère, c'est toi qui seras le roi.
-Dieu le sait! répondit le noir.
A ces mots, le fils de la blanche sauta sur lui et le poignarda; puis il l'écorcha et jeta sa peau sur un arbre.
Saisissant alors la gazelle et le faon, il retourna à la ville et entra auprès de l'Aguellid.
"Mon père; c'est moi qui vous les amène.
-As-tu vu ton frère? demanda le roi.
-Depuis que nous sommes partis en chasse, je ne l'ai pas revu: il est allé de son côté, et moi du mien.
Or un chanteur cheminant vers la ville vint à passer auprès du puits confident du barbier.
Il aperçut un roseau qui verdissait au beau milieu.
Le chanteur en coupa un morceau, le tailla en flûte, puis souffla dedans et le posa à terre.
Voilà que la flûte tout à coup se mise à parler:
"L'Aguellid a des cornes, l'Aguellid a des cornes!"
Le chanteur la ramassa et se dit:
"Roseau! Tu feras ma fortune."
Puis il repris sa route.
Il arriva auprès d'un arbre où pendait une peau.
"Tiens! fit-il, le Seigneur me gratifie aussi d'un talount!
Il prend la peau, la prépare, en garnit son vieux talount et se remet en marche.
Il rencontra un autre puits; en se penchant pour regarder au fond, il aperçut un lion.
Le lion l'appela:
"Eh! L’homme, tirez-moi d'ici, je vous revaudrai dans le besoin."
Le chanteur envoya une corde et mena le lion hors du puits.
Celui-ci lui dit alors:
"Prends donc ce poil; lorsque tu auras besoin de secours, tu le jettera dans le feu; aussitôt ut me verra arriver." Le lion partit.
Le chanteur regarda encore dans le puits. Il entendit un serpent qui lui parlait :
"Si tu me tires de ce puits, je te payerai ce service à l'occasion.
Il aida le serpent à remonter; quand le serpent fut en haut, il leva un morceau de sa peau de l'année précédente et dit au chanteur :
"Prends; quand tu auras besoin de moi, brûle un peu de cette peau et je serai à tes ordres."
La suite en bas...
Conte du Souss adapté
Le roseau et la talount parlants ou l'histoire d'un roi qui avait des oreilles d'ânes et d'un prince qui fut écorché par son propre frère.
Il était une fois un roi qui avait une corne des deux côtés de la tête (non pas sur le front, mais en arrière des tempes comme Midas).
Personne ne le savait.
Un jour il eut besoin d'un barbier; il s'en alla en chercher un dans un autre pays. Ayant trouvé l'homme qui lui convenait il lui dit :
"Veux-tu venir dans mon palais? C'est toi qui me couperas les cheveux.
- Certes, répondit le barbier, je te suivrais où tu voudras.
L'Aguellid l'emmena et quand ils furent arrivés au palais il lui dit :
"Je vais maintenant te confier un secret; mais que jamais, jamais, il ne sorte de ta bouche!"
-Sidi, repartit le barbier, de ma vie je n'en dirait mot.
-Eh bien! Jure, ô barbier."
Et le barbier jura :
"De ma vie, jamais, il ne sortira de ma bouche un mot de ce secret."
Puis il attendit.
L'Aguellid se taisait:
"Sidi, quel est donc ce secret pour lequel j'ai juré?"
Alors l'Aguellid dit:
"En effet, tu as juré. Eh bien! Regarde."
Et il montra ses cornes.
Le barbier s'inclina:
"A personne je n'en parlerai."
L'Aguellid reprit:
"C'est donc à toi qui toujours couperas mes cheveux, qui seul me coifferas; ce sera là ta charge."
Puis avec le temps, il vint un jour où le barbier n'eut plus la force de retenir le secret qui lui montait du coeur aux lèvres; il chercha où s'en décharger.
Il sortit donc de la ville et marcha longtemps; arrivé à un puits il dit:
" Voilà, voilà l'endroit où je pourrai crier ce secret"
Et il se pencha sur le puits.
Trois fois il cria:
"L'Aguellid a des cornes! L’Aguellid a des cornes!"
Après quoi il s'en retourna au palais, et chemin faisant, il se disait:
"Enfin j'ai trouvé la paix."
Le jour suivant, le roi fit appeler ses deux fils : le premier, noir de peau, était né d'une noire; le second avait une femme blanche pour mère.
Le roi leur dit:
"Mes enfants, quand je mourrai, qui de vous régnera à ma place?"
Les deux adolescents se regardèrent l'un et l'autre et ne répondirent pas.
"Vous vous taisez tous les deux, reprit le père, je vous proposerai donc une épreuve; le premier de vous qui m'apportera une gazelle avec son faon courant derrière elle, celui-là sera mon héritier.
Au matin, les deux princes partirent en chasse, tirant chacun de leur côté. A l'heure où se montre la face pâle du soir, le fils de la blanche reprit la route du palais; il n'avait rien trouvé. Cependant son frère, le noir, avait découvert un gîte de gazelles; il attendit tout près, jusqu'au crépuscule; alors les gazelles arrivèrent et pénétrèrent dans la caverne.
Le jeune homme ne cessa de les observer; au milieu de la nuit, il se glissa entre les bêtes endormies, et ayant mis la main sur l'une d'elles qui avait un faon, il détacha sa ceinture et lia les cornes de la mère.
A l'aube, toutes les gazelles s'élancèrent au dehors; le prince maintint sa prisonnière et, lui donnant quelque fourrage, il l'entraîna peu à peu avec le faon.
A mi-chemin du palais, il rencontra son frère qui lui cria :
"Mon frère, as-tu trouvé la gazelle que demande notre père?"
-Tout de même, regarde!
- Ainsi, reprit le frère, c'est toi qui seras le roi.
-Dieu le sait! répondit le noir.
A ces mots, le fils de la blanche sauta sur lui et le poignarda; puis il l'écorcha et jeta sa peau sur un arbre.
Saisissant alors la gazelle et le faon, il retourna à la ville et entra auprès de l'Aguellid.
"Mon père; c'est moi qui vous les amène.
-As-tu vu ton frère? demanda le roi.
-Depuis que nous sommes partis en chasse, je ne l'ai pas revu: il est allé de son côté, et moi du mien.
Or un chanteur cheminant vers la ville vint à passer auprès du puits confident du barbier.
Il aperçut un roseau qui verdissait au beau milieu.
Le chanteur en coupa un morceau, le tailla en flûte, puis souffla dedans et le posa à terre.
Voilà que la flûte tout à coup se mise à parler:
"L'Aguellid a des cornes, l'Aguellid a des cornes!"
Le chanteur la ramassa et se dit:
"Roseau! Tu feras ma fortune."
Puis il repris sa route.
Il arriva auprès d'un arbre où pendait une peau.
"Tiens! fit-il, le Seigneur me gratifie aussi d'un talount!
Il prend la peau, la prépare, en garnit son vieux talount et se remet en marche.
Il rencontra un autre puits; en se penchant pour regarder au fond, il aperçut un lion.
Le lion l'appela:
"Eh! L’homme, tirez-moi d'ici, je vous revaudrai dans le besoin."
Le chanteur envoya une corde et mena le lion hors du puits.
Celui-ci lui dit alors:
"Prends donc ce poil; lorsque tu auras besoin de secours, tu le jettera dans le feu; aussitôt ut me verra arriver." Le lion partit.
Le chanteur regarda encore dans le puits. Il entendit un serpent qui lui parlait :
"Si tu me tires de ce puits, je te payerai ce service à l'occasion.
Il aida le serpent à remonter; quand le serpent fut en haut, il leva un morceau de sa peau de l'année précédente et dit au chanteur :
"Prends; quand tu auras besoin de moi, brûle un peu de cette peau et je serai à tes ordres."
La suite en bas...