Plaidoyer pour l’usage de la fibule
comme symbole d’identité
De tous les symboles qui ont marqués profondément la région du Souss, la fibule est de loin la plus importante. Omniprésente depuis la haute antiquité, elle a toujours servi dans divers domaines de la vie quotidienne. Qu’elle soit ronde ou triangulaire, la fibule métallique, en bronze, en argent ou en or, petite ou grande, elle est partout utilisée. On retrouve ses formes geometriques dans la tapisserie, la bijouterie, l’orfèvrerie, les costumes, sur les édifices et même sur les portes et les fenêtres des foyers.
Plus que les Tifinaghs, la fibule reflète de loin un symbole culturel jadis omniprésent qui s’est cristallisé à travers le temps dans le vêtement de la femme du Souss. La fibule a été aussi chanté par les poètes et les troubadours. Elle figure dans la poèsie de Khair-Eddine comme metaphore de l'identité culturelle.
La fibule a été utilisée dans toutes les régions de l’Afrique du Nord. Certaines régions de l’Europe ont connu également l’usage de la fibule. Les tribus germaniques l’utilisaient, il y’a juste deux milles ans, pour agrafer leur habits. Mais elle a disparu au cours des siècles. En Latin, le mot «fibula» veut dire épingle. Il désigne aussi tout objet dont la pointe est un élément essentiel. Quelque soit le type utilisé, la fibule est toujours constituée de deux éléments: l’arc et l’ardillon.
Gestes pour fixation de la fibule triangulaire comme dans le Souss.
Dessin: Y. Assié. Encyclopédie berbère.
A l’époque punique, les fibules étaient très appréciées. On en a conservées quelques exemples en Sardaigne, à Carthage et dans les confins de la Libye. Les fibules de l’époque romaine sont les mieux conservées. La dispersion géographique est étonnante. Dans presque toutes les villes et royaumes anciens, de la Méditerranée jusqu’au Sahara, de l’Atlantique jusqu’a Tripoli; les fibules étaient présentes. On les retrouve même dans les tombes et les cimetières. Elles étaient portées sur le vêtement faisant office de manteau - correspondant très probablement à ce qu’on appelle aujourd’hui «aselham» - pour retenir un bout du vêtement sur l’épaule. La fibule est parfois portée en pair rattachée par une chaîne d’or ou d’argent. Ce type de fibule existe encore à Tiznit. Elle sert à retenir la pièce de tissu rectangulaire qui recouvre les autres vêtements.
Pendant le Moyen Age, les fibules deviennent assez rares. De nouvelles croyances ont influencé les coutumes et donc la manière d’habillement et du port de la fibule. Pourtant, une seule fibule à été retrouvé à Kelaat Beni Hammad en Algérie actuelle, au milieu d’un lot de monnaies almohades et une pièce de monnaie hafside. En Espagne médiévale, les fibules sont apparu parallèlement avec la colonisation massive de l’Andalousie. Après la chute Grenade, les andalous qui ont traversé le détroit vers Maroc ont emporté avec eux une fibule émaillé et ronde. L’origine de ce type de fibule reste controversée. Certains pensent que c’est la fibule du continent qui a évoluée en Andalousie. D’autres pensent qu’elle est d’origine Wisigothe, peuplement pre-islamique en Ibérie. Ce type de fibule est quasi absent dans le Souss qui a toujours conservé sa forme triangulaire.
.
Fibule ronde au pair
avec chaîne en usage
dans certaines villes
au Maroc.
Jusqu’aux temps modernes, la fibule était omniprésente dans l’orfèvrerie aussi typique du Souss. Les Juifs berbères ont joué un rôle important dans la conservation des motifs, des techniques et des formes de fabrication. Mais, depuis l’indépendance, on signale une dégradation nettement accélérée. Les meilleurs fabricateurs Juifs ont immigrés. Les Chleuhs ont aussi quitté massivementle pays. Le déclin du vêtement féminin du Souss, et donc de la fibule, se sent partout. L’immigration massive des Chleuhs vers d’autres horizons entraîne leur déculturation rapide, déracinement et donc oubli de traditions. A leur place sont arrivé d’autres populations qui n’ont pas d’affinité avec le Souss, sa culture, ses symboles et son histoire.
Par miracle, la fibule a été récemment introduite par la Banque du Maroc sur une pièce de monnaie. Miracle car on sait que le Maroc officielle n’accorde pas beaucoup de valeur a son histoire millénaire. A signaler à ce propos que tous les sigles officiels de l’administration marocaine dans le Souss ne portent pas de symboles ni de drapeau basés sur la culture de la région. Dans tous les sigles, emblèmes et symboles des villes du Souss comme Agadir, Tiznit, Tafraout, Taroudant … la fibule est absente. La héraldique marocaine est a ce point certainement peu réfléchie car appauvrie par l’absence des symboles incontournables du pays.
Emblème de la ville d'Agadir:
poissons et vegetations,
symboles d'activités
economiques sans dimension
culturelle.
L’ironie du sort veut que le Tifinagh, qui n’a jamais été lié aussi intimement avec l’histoire culturelle du pays, a été officiellement admis. En tant que symbole d’identité, on a l’impression que les Tifinaghs sont entrain de remplacer la fibule. La lettre «Z» de l’alphabet, point de vue artistique très pauvre, est aujourd’hui plus préférée. Pourtant, dans la pratique, c’est la fibule qui se laisse facilement afficher en public car elle n’exige pas de maîtrise linguistique quelconque. En plus elle n’est pas idéologiquement aussi chargée comme les Tifinaghs.
Aujourd’hui peu de gens sont conscients de cette perte de symboles. Il est vrai que la fibule figure encore sur quelques édifices et établissements dans le Souss ou ailleurs. Mais seule une vraie mise en charge sauvera ce symbole millénaire de l’oubli. Les défenseurs de notre identité en seront-ils conscients?
Pour en savoir plus:
Fibule. Article in:
Encyclopedie berbère.
Tome XVIII.
[ Edité par Tafart le 26/8/2005 7:11 ]
comme symbole d’identité
De tous les symboles qui ont marqués profondément la région du Souss, la fibule est de loin la plus importante. Omniprésente depuis la haute antiquité, elle a toujours servi dans divers domaines de la vie quotidienne. Qu’elle soit ronde ou triangulaire, la fibule métallique, en bronze, en argent ou en or, petite ou grande, elle est partout utilisée. On retrouve ses formes geometriques dans la tapisserie, la bijouterie, l’orfèvrerie, les costumes, sur les édifices et même sur les portes et les fenêtres des foyers.
Plus que les Tifinaghs, la fibule reflète de loin un symbole culturel jadis omniprésent qui s’est cristallisé à travers le temps dans le vêtement de la femme du Souss. La fibule a été aussi chanté par les poètes et les troubadours. Elle figure dans la poèsie de Khair-Eddine comme metaphore de l'identité culturelle.
La fibule a été utilisée dans toutes les régions de l’Afrique du Nord. Certaines régions de l’Europe ont connu également l’usage de la fibule. Les tribus germaniques l’utilisaient, il y’a juste deux milles ans, pour agrafer leur habits. Mais elle a disparu au cours des siècles. En Latin, le mot «fibula» veut dire épingle. Il désigne aussi tout objet dont la pointe est un élément essentiel. Quelque soit le type utilisé, la fibule est toujours constituée de deux éléments: l’arc et l’ardillon.
Gestes pour fixation de la fibule triangulaire comme dans le Souss.
Dessin: Y. Assié. Encyclopédie berbère.
A l’époque punique, les fibules étaient très appréciées. On en a conservées quelques exemples en Sardaigne, à Carthage et dans les confins de la Libye. Les fibules de l’époque romaine sont les mieux conservées. La dispersion géographique est étonnante. Dans presque toutes les villes et royaumes anciens, de la Méditerranée jusqu’au Sahara, de l’Atlantique jusqu’a Tripoli; les fibules étaient présentes. On les retrouve même dans les tombes et les cimetières. Elles étaient portées sur le vêtement faisant office de manteau - correspondant très probablement à ce qu’on appelle aujourd’hui «aselham» - pour retenir un bout du vêtement sur l’épaule. La fibule est parfois portée en pair rattachée par une chaîne d’or ou d’argent. Ce type de fibule existe encore à Tiznit. Elle sert à retenir la pièce de tissu rectangulaire qui recouvre les autres vêtements.
Pendant le Moyen Age, les fibules deviennent assez rares. De nouvelles croyances ont influencé les coutumes et donc la manière d’habillement et du port de la fibule. Pourtant, une seule fibule à été retrouvé à Kelaat Beni Hammad en Algérie actuelle, au milieu d’un lot de monnaies almohades et une pièce de monnaie hafside. En Espagne médiévale, les fibules sont apparu parallèlement avec la colonisation massive de l’Andalousie. Après la chute Grenade, les andalous qui ont traversé le détroit vers Maroc ont emporté avec eux une fibule émaillé et ronde. L’origine de ce type de fibule reste controversée. Certains pensent que c’est la fibule du continent qui a évoluée en Andalousie. D’autres pensent qu’elle est d’origine Wisigothe, peuplement pre-islamique en Ibérie. Ce type de fibule est quasi absent dans le Souss qui a toujours conservé sa forme triangulaire.
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Fibule ronde au pair
avec chaîne en usage
dans certaines villes
au Maroc.
Jusqu’aux temps modernes, la fibule était omniprésente dans l’orfèvrerie aussi typique du Souss. Les Juifs berbères ont joué un rôle important dans la conservation des motifs, des techniques et des formes de fabrication. Mais, depuis l’indépendance, on signale une dégradation nettement accélérée. Les meilleurs fabricateurs Juifs ont immigrés. Les Chleuhs ont aussi quitté massivementle pays. Le déclin du vêtement féminin du Souss, et donc de la fibule, se sent partout. L’immigration massive des Chleuhs vers d’autres horizons entraîne leur déculturation rapide, déracinement et donc oubli de traditions. A leur place sont arrivé d’autres populations qui n’ont pas d’affinité avec le Souss, sa culture, ses symboles et son histoire.
Par miracle, la fibule a été récemment introduite par la Banque du Maroc sur une pièce de monnaie. Miracle car on sait que le Maroc officielle n’accorde pas beaucoup de valeur a son histoire millénaire. A signaler à ce propos que tous les sigles officiels de l’administration marocaine dans le Souss ne portent pas de symboles ni de drapeau basés sur la culture de la région. Dans tous les sigles, emblèmes et symboles des villes du Souss comme Agadir, Tiznit, Tafraout, Taroudant … la fibule est absente. La héraldique marocaine est a ce point certainement peu réfléchie car appauvrie par l’absence des symboles incontournables du pays.
Emblème de la ville d'Agadir:
poissons et vegetations,
symboles d'activités
economiques sans dimension
culturelle.
L’ironie du sort veut que le Tifinagh, qui n’a jamais été lié aussi intimement avec l’histoire culturelle du pays, a été officiellement admis. En tant que symbole d’identité, on a l’impression que les Tifinaghs sont entrain de remplacer la fibule. La lettre «Z» de l’alphabet, point de vue artistique très pauvre, est aujourd’hui plus préférée. Pourtant, dans la pratique, c’est la fibule qui se laisse facilement afficher en public car elle n’exige pas de maîtrise linguistique quelconque. En plus elle n’est pas idéologiquement aussi chargée comme les Tifinaghs.
Aujourd’hui peu de gens sont conscients de cette perte de symboles. Il est vrai que la fibule figure encore sur quelques édifices et établissements dans le Souss ou ailleurs. Mais seule une vraie mise en charge sauvera ce symbole millénaire de l’oubli. Les défenseurs de notre identité en seront-ils conscients?
Pour en savoir plus:
Fibule. Article in:
Encyclopedie berbère.
Tome XVIII.
[ Edité par Tafart le 26/8/2005 7:11 ]