Qu'en pensez -vous ?
"Imaginons que dans les écoles de France, il soit proposé aux jeunes issus de l’immigration d’Afrique du Nord une initiation à leurs racines culturelles autres qu’uniquement coraniques (comme ce fut le cas pourtant, et avec les dégâts que l’on sait en maints endroits) et que, parmi les matières et les écrivains enseignés, il y ait non seulement tel poète berbéro maure, mais aussi les papes Victor 1er, Gelasius 1er, Apulée, Fronton, le maître de Marc-Aurèle, l’empereur Septime Sévère, Cyprien, Tertullien, Augustin, bref, la littérature latine, et le christianisme... [...] Ce serait le branle bas de combat général. La dénonciation d’un «néo-colonialisme». Puisque Apulée et Augustin seront dits Romains et non Berbères et que le christianisme sera seulement perçu dans son importation récente alors que l’Église d’Afrique, composée de Berbères chrétiens en majorité, a été au fondement du christianisme européen, du christianisme tout court, donc de l’Occident même, et ce à l’époque où Rome elle-même était encore païenne.
* Docteur, Lucien Oulahbib est chargé de cours en sciences politiques à Paris X et à Lyon III.
*
Le monde arabe existe-t-il ?, Lucien Oulahbib , éd. Editions de Paris, 2007, p. 13
"Depuis le début des temps historiques, des populations très diverses se sont établies au Maghreb. Si on laisse de coté celles qui, en règle générale, ont échappé à la fusion avec les populations indigènes ou assimilées, tels les Européens installés depuis les années 1830 ou les Juifs venus en vagues successives depuis l'Antiquité, on notera l'immigration de Sémites (Phéniciens, Arabes), d'Indo-Européens (Latins, Vandales, Grecs), de Turcs et de Noirs. Mais si ces différents éléments se sont mélangés aux populations locales, ils sont venus en trop petit nombre pour modifier les conditions ethniques de l'Afrique du Nord. Les Vandales étaient 80.000. L'immigration arabe n'a pas été non plus considérable. [...] Ces remarques nous amènent à penser que les populations occupant aujourd'hui la Berbérie sont, compte tenu de quelques métissages, les mêmes qui l'occupaient au début des temps historiques.
*
Histoire de l'Afrique du Nord (1951), Charles-André Julien, éd. Payot, 2001, p. 59
"Jusqu'au VIIIe siècle de notre ère, au moins, le nom de Mauri fut appliqué aux habitants de la Berbérie; et ceux-ci, après les Romains, en vinrent à se désigner ainsi eux-mêmes. La conquête de l'Espagne se fit sous la direction de chefs arabes, mais comme elle fut menée grâce aux troupes de Berbères islamisés levées dans tout le Maghreb, le nom de Mauri passa dans la péninsule avec les hommes et devint Moro, servant à désigner non seulement les Berbères mais aussi, à tort, les conquérants arabes.
*
« Maures » (2004), dans Encyclopædia Universalis, Yann Le Bohec, éd. Universalis, 2004, p. DVD
"L'Europe a toujours énormément emprunté (et prêté) à ses voisins. Pour ce qui concerne l'apport des populations habitant les rives du sud de la Méditerranée, on peut à peine parler d'extériorité. Les terres d'Afrique du Nord font partie de l'Empire romain, et les Berbères qui les habitent fournissent à ce dernier des empereurs comme, plus tard, des Pères de l'Eglise. Dans l'Espagne occupée par les Maures s'épanouit une civilisation musulmane tolérante, par l'intermédiaire de laquelle passe aux autres Européens une bonne partie de l'héritage grec classique.
*
La peur des barbares, Tzvetan Todorov, éd. robert Laffont, 2008, p. 257
"Il suffit d'un coup d'oeil pour se convaincre que les Berbères ne constituent pas un tout homogène et qu'ils diffèrent beaucoup les uns des autres, aussi bien par les caractères somatiques que par les traits de la physionomie. On distingue au premier abord un Kabyle d'un Mozabite ou d'un Biskri; si large que l'on fasse la part du sang noir, très sensible dans les oasis, du milieu géographique, du genre de vie, ces influences ne paraissent pas suffire à expliquer des différences qui sont fondamentales. [...] Tout porte à croire que les habitants actuel du Maroc et de l'Algérie ne diffèrent guère de ceux qui peuplaient le pays il y a 3.000 ans. [...] Le type qui parait le plus répandu, celui dont se rapprochent plus ou moins les deux tiers des habitants de l'Afrique du Nord est un type au crâne allongé, aux cheveux noirs et aux yeux noirs, de taille moyenne, qui est également le type dominant dans l'Europe méridionale, en Espagne, en Italie, dans le sud-ouest de la France. C'est sans doute là une des grandes races qui ont peuplé l'Europe, celle que certains anthropologistes appellent la race méditerranéenne ou race ibéro-ligure [...]. Un fait demeure établi : la race berbère n'est pas une, elle se compose d'éléments divers, elle est mixte et mêlée dès l'origine. [...] L'Afrique du Nord, vaste carrefour, a vu arriver sans cesse depuis les temps les plus anciens, des fugitifs et des conquérants de toute provenance. Elle a été un réceptacle ouvert à toutes les races de l'Asie et de l'Europe. [...] Les divers types de bruns et de blonds que nous rencontrons aujourd'hui existaient déjà dans l'Antiquité et n'ont été que faiblement modifiés par les invasions historiques.
*
Augustin Bernard, 1925, Enquête sur l'habitation rurale des indigènes de l'Algérie, dans Le problème démographique nord-afr, paru chez Puf, 1947, p.185, Louis Chevallier.
"L’origine des populations berbères n’est pas encore clairement établie mais on considère aujourd’hui leurs ancêtres comme les plus anciens habitants du nord del’Afrique, probablement depuis le Paléolithique supérieur ou le Néolithique. [...] Nous constatons ainsi (1) une nette différenciation génétique entre les populations berbères nord-ouest et nord-est africains ; (2) une proximité entre les Berbères nord-ouest africains et les populations sud-ouest européennes ; (3) une absence de distinction génétique entre arabophones et berbérophones marocains. [...] La proximité génétique entre le nord de l’Afrique et les groupes sud-ouest européens conduisent à l’hypothèse d’une origine commune entre ces populations. Deux hypothèses sont actuellement discutées. Cette origine commune pourrait dater du Paléolithique Supérieur avec l’expansion d’Hommes anatomiquement modernes depuis le Proche-Orient et s’étendant le long des deux rives de la Méditerranée. Elle pourrait aussi avoir eu lieu au cours de la diffusion Néolithique depuis le Proche-Orient, il y a 10 000 ans av. J.-C.
*
Clotilde Coudray, 2006, dans Diversité génétique des populations Berbères et peuplement du nord de l'Afrique, paru Revue Anthropo, Vol. 11 - 2006, Volume spécial, XXVIIème colloque GALF, Clotilde Coudray.
"Il faut peut-être rappeler que le punique est né de la rencontre de deux mondes, l'un autochtone, l'autre oriental, qu'il est un métissage ethnique, culturel ou les deux à la fois et non une simple transplantation de la civilisation phénicienne dans une terre africaine libyco-berbère encore plongée dans la nuit primitive.
*
Thagaste, Souk Ahras, Patrie de saint Augustin, Nacéra Benseddik, éd. Inas, 2004, p. 25
"Les carthaginois ne sont pas seulement des Phéniciens venus s'installer à l'ouest, comme on l'a souvent dit. Plusieurs données invitent à leur reconnaître une spécificité. [...] En réalité, la civilisation carthaginoise est le produit d'une hybridation. L'élément phénicien s'est mélangé à l'élément autochtone, qui apparait sous le nom de "libou", "les libyens".
*
« L'identité carthaginoise est faite de couches multiples », M'hamed Hassine Fantar, Les Cahiers de Science & Vie, nº 104, mai 2008, p. 25
"Hannibal dut à ses Numides ses principales victoires. Scipion, ayant conquis l'Espagne et fait alliance avec Masinissa, ôta aux Carthaginois cette supériorité. Ce fut la cavalerie numide qui gagna la bataille de Zama, et finit la guerre.
*
Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), Montesquieu, éd. P. Didot l'aîné, 1815, p. 31
"La pénétration de la civilisation romaine dans l'élite de la population africaine a permis à des Africains, Berbères de race, d'accéder aux postes les plus en vue de la société impériale. Il est bien remarquable que dans la littérature latine du second siècle, deux Africains soient au premier rang : Fronton de Cirta et Apulée de Madaure.
*
L'Afrique du Nord française dans l'histoire (1937), Eugène Albertini, éd. Hachette, 1937, préface, p. 90
"Tertullien était le fils d'un centurion de la cohorte proconsulaire. [...] Nous ignorons les conditions de sa conversion [au christianisme]. Elle dut être provoquée, comme tous les acte de sa vie, par sa logique passionnée. Dès qu'il voyait une vérité, il s'y livrait corps et âme, sans ménagement, sans compromission. C'était un extrémiste et un minoritaire. Il n'aimait pas les doctrines triomphantes qui pactisent avec le siècle. Son esprit se complaisait dans l'absolu, son tempérament dans la lutte. Avec cela, pamphlétaire admirable, armé pour la polémique comme pas un et s'y donnant tout entier. Un Berbère converti, mais qui, sous le placage chrétien, gardait toutes les passions, toute l'intransigeance, toute l'indiscipline du Berbère.
*
Histoire de l'Afrique du Nord (1951), Charles-André Julien, éd. Payot, 2001, p. 226
"Pour la première fois, l'empire se trouvait aux mains d'un provincial [Septime Sévère], romanisé certes, mais qui, issu d'une famille berbère de Leptis Magna, en Tripolitaine, gardait de solides attaches africaines. [...] L'avènement du premier Prince africain - à propos duquel on a pu parler de "revanche d'Hannibal" - inaugure une période de quarante années d'une grande importance pour l'histoire ultérieure de Rome. Bien entendu parce que Sévère a sauvé l'Empire de l'anarchie. Mais aussi parce que les réformes politiques, militaires, économiques et sociales que lui ont imposées à la fois les circonstances et les conditions mêmes de son arrivée au pouvoir, autant que son tempérament personnel et l'influence de son entourage, ont orienté l'Urbs, ses institutions et même sa culture vers ce que les historiens allemands appellent la "Spätantike", pour nous l'"Empire tardif".
*
Histoire de Rome, Marcel Le Glay, éd. Hachette, 1992, t. 2, Au secours de Rome, un empereur africain, p. 336-337
"Les Maures, nation africaine, dont le pays, la Mauritanie, correspondant au Maroc actuel, fut incorporé à l'Empire romain en l'an 42 de notre ère, fournissaient aux armées romaines des cohortes auxiliaires, dont la Notitia dignitatum imperii indique les cantonnements, non seulement dans la Mauritanie Tingitane, leurs pays d'origine, mais aussi dans l'ile de Bretagne, dans l'Illyrie, dans l'Italie, en Pannonie, dans la Gaule et dans diverses parties de l'empire d'Orient. C'est évidemment à un ancien cantonnement de cavaliers maures, les mêmes peut-être qui résidaient, lors de la rédaction de la Notitia dignitatum, à Quadratum, dans la Première Pannonie, qu'une localité du Norique devait le nom d'Ad Mauros sous lequel cet écrit les désigne. Au commencement du Ve siècle, des soldats de cette nation tenaient garnison en Gaule, dans la péninsule armoricaine, et la Noticia dignitatum les appelle, du nom des cités dans lesquelles ils étaient établis, Mauri Veneti et Mauri Osismiaci. La certitude du séjour de Maures en Gaule, sous la domination romaine, et les constatations faites précédemment permettent de fixer le sens du nom de lieu Mauritania, que l'on trouve dans de nombreux textes latins pour désigner les lieux qui portent aujourd'hui le nom de Mortagne (Charentes-Inférieure, Nord, Orne, Vendée) : Mauritania serait une forme basse du nom latin Mauretania, et en France le nom Mortagne désignerait des localités fondées ou occupées, à l'époque romaine, par les soldats maures qui, licenciés sans doute après la chute de l'empire, ont du chercher un asile dans des lieux divers.
*
Les noms de lieu de la France (1921), Auguste Longnon, éd. Ayer Publishing, 1973, préface, p. 135-136
"L'Afrique, où devait naître et grandir Augustin, ne comptait pas seulement au nombre des plus riches provinces romaines, et parmi celles qu'on appelait nutrices Romae; mais elle se trouvait depuis longtemps comme en possession de fournir à l'Empire des personnages considérables par le talent et par la science. L'Adrumétain Salvius avait été le rédacteur de l'Édit perpétuel. Le Maure Opélius Macrinus, un des successeurs de Sévère, était un jurisconsulte distingué. Albinus d'Adrumète, qui prit la pourpre en même temps que Sévère, était un connaisseur érudit. Le consul Eutychius Proculus, natif de Sicca, avait professé la grammaire. Apulée de Madaure avait été comblé, dans sa patrie, d'assez d'honneurs pour n'avoir désiré ni Rome, ni l'Italie. Enfin, l'Afrique avait vu naître, avec le poète Némésianus, Tertullien et Minucius Félix, Cyprien, Arnobe et Lactance.
*
La philosophie de Saint Augustin, Jean-Félix Nourrisson , éd. Didier et cie., 1866, p. 92
"En évoquant ses écrivains, nous constatons que pendant un siècle et demi, de 180 à 340, ils sont quasiment les seuls représentants de la pensée occidentale. [...] Leur doctrine en fait le flambeau de la pensée occidentale. [...] Les Berbères ont éclairé l'Occident. Puissent-ils retrouver toute la vigueur de leur flamme et la répandre à nouveau sur le monde, afin qu'elle devienne l'inséparable apanage du titre de Magrébin.
*
Le Berbère, Lumière de l'occident, Vincent Serralda et André Huard, éd. Nouvelles éditions latines, 1987, p. 151
"L'Espagne, ou une armée de Berbères commandée par l'un d'eux, Tariq, mit fin en une bataille (711) à l'empire wisigoth, fournit un exutoire aux nouveaux convertis. Ce furent eux qui conquirent la péninsule et pénétrèrent en Gaule jusqu'à Poitiers (732). Leur retraite, après la victoire de Charles Martel, fut moins due à l'ardeur des Francs qu'aux révoltes provoquées, dans l'Afrique du Nord extrême, par le partage, au bénéfice des seuls Arabes, des terres espagnoles et par les exactions ou les violences des gouverneurs de Tanger.
*
Histoire de l'Afrique du Nord (1951), Charles-André Julien, éd. Payot, 2001, p. 360
"Ce rôle de vecteur de l’arabisation qu’a joué la colonisation ne se réduit pas aux retombées objectives d’une intrusion déstabilisatrice : il y a bien en cette matière une intervention volontaire de l’autorité française. L’École, l’institution juridique et administrative coloniales contribuent à la diffusion de l’arabe en zones berbères. Un autre secteur où cette action est particulièrement flagrante est celui de la nomenclature onomastique officielle française, que ce soit la toponymie, l’ethnonymie ou l’anthroponymie. Au lieu d’enregistrer simplement les noms de lieu, de tribus ou de familles dans leur forme locale berbère, l’administration française s’est ingéniée à arabiser les noms propres dans les régions berbérophones [...] Et le comble sera atteint avec l’établissement, proprement surréaliste , de l’état-civil, notamment en Kabylie. Non seulement on arabise les noms de famille traditionnels, mais très souvent on en donne d’autres, parfaitement arbitraires, le plus souvent arabes ou de forme arabe. [...] L’arabe a tout naturellement servi de modèle de référence permanent dans cette activité de nomination menée par la France. Le nom et le pouvoir de nommer étant un aspect fondamental de l’identité, l’institution coloniale, à travers cette imposition, niait l’autonomie des groupes berbères et les insérait automatiquement dans le creuset arabe.
*
Berbères d'aujourd'hui, Salem Chaker, éd. L'Harmattan, 1998, p. 115-116
"Imaginons que dans les écoles de France, il soit proposé aux jeunes issus de l’immigration d’Afrique du Nord une initiation à leurs racines culturelles autres qu’uniquement coraniques (comme ce fut le cas pourtant, et avec les dégâts que l’on sait en maints endroits) et que, parmi les matières et les écrivains enseignés, il y ait non seulement tel poète berbéro maure, mais aussi les papes Victor 1er, Gelasius 1er, Apulée, Fronton, le maître de Marc-Aurèle, l’empereur Septime Sévère, Cyprien, Tertullien, Augustin, bref, la littérature latine, et le christianisme... [...] Ce serait le branle bas de combat général. La dénonciation d’un «néo-colonialisme». Puisque Apulée et Augustin seront dits Romains et non Berbères et que le christianisme sera seulement perçu dans son importation récente alors que l’Église d’Afrique, composée de Berbères chrétiens en majorité, a été au fondement du christianisme européen, du christianisme tout court, donc de l’Occident même, et ce à l’époque où Rome elle-même était encore païenne.
* Docteur, Lucien Oulahbib est chargé de cours en sciences politiques à Paris X et à Lyon III.
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Le monde arabe existe-t-il ?, Lucien Oulahbib , éd. Editions de Paris, 2007, p. 13
"Depuis le début des temps historiques, des populations très diverses se sont établies au Maghreb. Si on laisse de coté celles qui, en règle générale, ont échappé à la fusion avec les populations indigènes ou assimilées, tels les Européens installés depuis les années 1830 ou les Juifs venus en vagues successives depuis l'Antiquité, on notera l'immigration de Sémites (Phéniciens, Arabes), d'Indo-Européens (Latins, Vandales, Grecs), de Turcs et de Noirs. Mais si ces différents éléments se sont mélangés aux populations locales, ils sont venus en trop petit nombre pour modifier les conditions ethniques de l'Afrique du Nord. Les Vandales étaient 80.000. L'immigration arabe n'a pas été non plus considérable. [...] Ces remarques nous amènent à penser que les populations occupant aujourd'hui la Berbérie sont, compte tenu de quelques métissages, les mêmes qui l'occupaient au début des temps historiques.
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Histoire de l'Afrique du Nord (1951), Charles-André Julien, éd. Payot, 2001, p. 59
"Jusqu'au VIIIe siècle de notre ère, au moins, le nom de Mauri fut appliqué aux habitants de la Berbérie; et ceux-ci, après les Romains, en vinrent à se désigner ainsi eux-mêmes. La conquête de l'Espagne se fit sous la direction de chefs arabes, mais comme elle fut menée grâce aux troupes de Berbères islamisés levées dans tout le Maghreb, le nom de Mauri passa dans la péninsule avec les hommes et devint Moro, servant à désigner non seulement les Berbères mais aussi, à tort, les conquérants arabes.
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« Maures » (2004), dans Encyclopædia Universalis, Yann Le Bohec, éd. Universalis, 2004, p. DVD
"L'Europe a toujours énormément emprunté (et prêté) à ses voisins. Pour ce qui concerne l'apport des populations habitant les rives du sud de la Méditerranée, on peut à peine parler d'extériorité. Les terres d'Afrique du Nord font partie de l'Empire romain, et les Berbères qui les habitent fournissent à ce dernier des empereurs comme, plus tard, des Pères de l'Eglise. Dans l'Espagne occupée par les Maures s'épanouit une civilisation musulmane tolérante, par l'intermédiaire de laquelle passe aux autres Européens une bonne partie de l'héritage grec classique.
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La peur des barbares, Tzvetan Todorov, éd. robert Laffont, 2008, p. 257
"Il suffit d'un coup d'oeil pour se convaincre que les Berbères ne constituent pas un tout homogène et qu'ils diffèrent beaucoup les uns des autres, aussi bien par les caractères somatiques que par les traits de la physionomie. On distingue au premier abord un Kabyle d'un Mozabite ou d'un Biskri; si large que l'on fasse la part du sang noir, très sensible dans les oasis, du milieu géographique, du genre de vie, ces influences ne paraissent pas suffire à expliquer des différences qui sont fondamentales. [...] Tout porte à croire que les habitants actuel du Maroc et de l'Algérie ne diffèrent guère de ceux qui peuplaient le pays il y a 3.000 ans. [...] Le type qui parait le plus répandu, celui dont se rapprochent plus ou moins les deux tiers des habitants de l'Afrique du Nord est un type au crâne allongé, aux cheveux noirs et aux yeux noirs, de taille moyenne, qui est également le type dominant dans l'Europe méridionale, en Espagne, en Italie, dans le sud-ouest de la France. C'est sans doute là une des grandes races qui ont peuplé l'Europe, celle que certains anthropologistes appellent la race méditerranéenne ou race ibéro-ligure [...]. Un fait demeure établi : la race berbère n'est pas une, elle se compose d'éléments divers, elle est mixte et mêlée dès l'origine. [...] L'Afrique du Nord, vaste carrefour, a vu arriver sans cesse depuis les temps les plus anciens, des fugitifs et des conquérants de toute provenance. Elle a été un réceptacle ouvert à toutes les races de l'Asie et de l'Europe. [...] Les divers types de bruns et de blonds que nous rencontrons aujourd'hui existaient déjà dans l'Antiquité et n'ont été que faiblement modifiés par les invasions historiques.
*
Augustin Bernard, 1925, Enquête sur l'habitation rurale des indigènes de l'Algérie, dans Le problème démographique nord-afr, paru chez Puf, 1947, p.185, Louis Chevallier.
"L’origine des populations berbères n’est pas encore clairement établie mais on considère aujourd’hui leurs ancêtres comme les plus anciens habitants du nord del’Afrique, probablement depuis le Paléolithique supérieur ou le Néolithique. [...] Nous constatons ainsi (1) une nette différenciation génétique entre les populations berbères nord-ouest et nord-est africains ; (2) une proximité entre les Berbères nord-ouest africains et les populations sud-ouest européennes ; (3) une absence de distinction génétique entre arabophones et berbérophones marocains. [...] La proximité génétique entre le nord de l’Afrique et les groupes sud-ouest européens conduisent à l’hypothèse d’une origine commune entre ces populations. Deux hypothèses sont actuellement discutées. Cette origine commune pourrait dater du Paléolithique Supérieur avec l’expansion d’Hommes anatomiquement modernes depuis le Proche-Orient et s’étendant le long des deux rives de la Méditerranée. Elle pourrait aussi avoir eu lieu au cours de la diffusion Néolithique depuis le Proche-Orient, il y a 10 000 ans av. J.-C.
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Clotilde Coudray, 2006, dans Diversité génétique des populations Berbères et peuplement du nord de l'Afrique, paru Revue Anthropo, Vol. 11 - 2006, Volume spécial, XXVIIème colloque GALF, Clotilde Coudray.
"Il faut peut-être rappeler que le punique est né de la rencontre de deux mondes, l'un autochtone, l'autre oriental, qu'il est un métissage ethnique, culturel ou les deux à la fois et non une simple transplantation de la civilisation phénicienne dans une terre africaine libyco-berbère encore plongée dans la nuit primitive.
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Thagaste, Souk Ahras, Patrie de saint Augustin, Nacéra Benseddik, éd. Inas, 2004, p. 25
"Les carthaginois ne sont pas seulement des Phéniciens venus s'installer à l'ouest, comme on l'a souvent dit. Plusieurs données invitent à leur reconnaître une spécificité. [...] En réalité, la civilisation carthaginoise est le produit d'une hybridation. L'élément phénicien s'est mélangé à l'élément autochtone, qui apparait sous le nom de "libou", "les libyens".
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« L'identité carthaginoise est faite de couches multiples », M'hamed Hassine Fantar, Les Cahiers de Science & Vie, nº 104, mai 2008, p. 25
"Hannibal dut à ses Numides ses principales victoires. Scipion, ayant conquis l'Espagne et fait alliance avec Masinissa, ôta aux Carthaginois cette supériorité. Ce fut la cavalerie numide qui gagna la bataille de Zama, et finit la guerre.
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Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), Montesquieu, éd. P. Didot l'aîné, 1815, p. 31
"La pénétration de la civilisation romaine dans l'élite de la population africaine a permis à des Africains, Berbères de race, d'accéder aux postes les plus en vue de la société impériale. Il est bien remarquable que dans la littérature latine du second siècle, deux Africains soient au premier rang : Fronton de Cirta et Apulée de Madaure.
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L'Afrique du Nord française dans l'histoire (1937), Eugène Albertini, éd. Hachette, 1937, préface, p. 90
"Tertullien était le fils d'un centurion de la cohorte proconsulaire. [...] Nous ignorons les conditions de sa conversion [au christianisme]. Elle dut être provoquée, comme tous les acte de sa vie, par sa logique passionnée. Dès qu'il voyait une vérité, il s'y livrait corps et âme, sans ménagement, sans compromission. C'était un extrémiste et un minoritaire. Il n'aimait pas les doctrines triomphantes qui pactisent avec le siècle. Son esprit se complaisait dans l'absolu, son tempérament dans la lutte. Avec cela, pamphlétaire admirable, armé pour la polémique comme pas un et s'y donnant tout entier. Un Berbère converti, mais qui, sous le placage chrétien, gardait toutes les passions, toute l'intransigeance, toute l'indiscipline du Berbère.
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Histoire de l'Afrique du Nord (1951), Charles-André Julien, éd. Payot, 2001, p. 226
"Pour la première fois, l'empire se trouvait aux mains d'un provincial [Septime Sévère], romanisé certes, mais qui, issu d'une famille berbère de Leptis Magna, en Tripolitaine, gardait de solides attaches africaines. [...] L'avènement du premier Prince africain - à propos duquel on a pu parler de "revanche d'Hannibal" - inaugure une période de quarante années d'une grande importance pour l'histoire ultérieure de Rome. Bien entendu parce que Sévère a sauvé l'Empire de l'anarchie. Mais aussi parce que les réformes politiques, militaires, économiques et sociales que lui ont imposées à la fois les circonstances et les conditions mêmes de son arrivée au pouvoir, autant que son tempérament personnel et l'influence de son entourage, ont orienté l'Urbs, ses institutions et même sa culture vers ce que les historiens allemands appellent la "Spätantike", pour nous l'"Empire tardif".
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Histoire de Rome, Marcel Le Glay, éd. Hachette, 1992, t. 2, Au secours de Rome, un empereur africain, p. 336-337
"Les Maures, nation africaine, dont le pays, la Mauritanie, correspondant au Maroc actuel, fut incorporé à l'Empire romain en l'an 42 de notre ère, fournissaient aux armées romaines des cohortes auxiliaires, dont la Notitia dignitatum imperii indique les cantonnements, non seulement dans la Mauritanie Tingitane, leurs pays d'origine, mais aussi dans l'ile de Bretagne, dans l'Illyrie, dans l'Italie, en Pannonie, dans la Gaule et dans diverses parties de l'empire d'Orient. C'est évidemment à un ancien cantonnement de cavaliers maures, les mêmes peut-être qui résidaient, lors de la rédaction de la Notitia dignitatum, à Quadratum, dans la Première Pannonie, qu'une localité du Norique devait le nom d'Ad Mauros sous lequel cet écrit les désigne. Au commencement du Ve siècle, des soldats de cette nation tenaient garnison en Gaule, dans la péninsule armoricaine, et la Noticia dignitatum les appelle, du nom des cités dans lesquelles ils étaient établis, Mauri Veneti et Mauri Osismiaci. La certitude du séjour de Maures en Gaule, sous la domination romaine, et les constatations faites précédemment permettent de fixer le sens du nom de lieu Mauritania, que l'on trouve dans de nombreux textes latins pour désigner les lieux qui portent aujourd'hui le nom de Mortagne (Charentes-Inférieure, Nord, Orne, Vendée) : Mauritania serait une forme basse du nom latin Mauretania, et en France le nom Mortagne désignerait des localités fondées ou occupées, à l'époque romaine, par les soldats maures qui, licenciés sans doute après la chute de l'empire, ont du chercher un asile dans des lieux divers.
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Les noms de lieu de la France (1921), Auguste Longnon, éd. Ayer Publishing, 1973, préface, p. 135-136
"L'Afrique, où devait naître et grandir Augustin, ne comptait pas seulement au nombre des plus riches provinces romaines, et parmi celles qu'on appelait nutrices Romae; mais elle se trouvait depuis longtemps comme en possession de fournir à l'Empire des personnages considérables par le talent et par la science. L'Adrumétain Salvius avait été le rédacteur de l'Édit perpétuel. Le Maure Opélius Macrinus, un des successeurs de Sévère, était un jurisconsulte distingué. Albinus d'Adrumète, qui prit la pourpre en même temps que Sévère, était un connaisseur érudit. Le consul Eutychius Proculus, natif de Sicca, avait professé la grammaire. Apulée de Madaure avait été comblé, dans sa patrie, d'assez d'honneurs pour n'avoir désiré ni Rome, ni l'Italie. Enfin, l'Afrique avait vu naître, avec le poète Némésianus, Tertullien et Minucius Félix, Cyprien, Arnobe et Lactance.
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La philosophie de Saint Augustin, Jean-Félix Nourrisson , éd. Didier et cie., 1866, p. 92
"En évoquant ses écrivains, nous constatons que pendant un siècle et demi, de 180 à 340, ils sont quasiment les seuls représentants de la pensée occidentale. [...] Leur doctrine en fait le flambeau de la pensée occidentale. [...] Les Berbères ont éclairé l'Occident. Puissent-ils retrouver toute la vigueur de leur flamme et la répandre à nouveau sur le monde, afin qu'elle devienne l'inséparable apanage du titre de Magrébin.
*
Le Berbère, Lumière de l'occident, Vincent Serralda et André Huard, éd. Nouvelles éditions latines, 1987, p. 151
"L'Espagne, ou une armée de Berbères commandée par l'un d'eux, Tariq, mit fin en une bataille (711) à l'empire wisigoth, fournit un exutoire aux nouveaux convertis. Ce furent eux qui conquirent la péninsule et pénétrèrent en Gaule jusqu'à Poitiers (732). Leur retraite, après la victoire de Charles Martel, fut moins due à l'ardeur des Francs qu'aux révoltes provoquées, dans l'Afrique du Nord extrême, par le partage, au bénéfice des seuls Arabes, des terres espagnoles et par les exactions ou les violences des gouverneurs de Tanger.
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Histoire de l'Afrique du Nord (1951), Charles-André Julien, éd. Payot, 2001, p. 360
"Ce rôle de vecteur de l’arabisation qu’a joué la colonisation ne se réduit pas aux retombées objectives d’une intrusion déstabilisatrice : il y a bien en cette matière une intervention volontaire de l’autorité française. L’École, l’institution juridique et administrative coloniales contribuent à la diffusion de l’arabe en zones berbères. Un autre secteur où cette action est particulièrement flagrante est celui de la nomenclature onomastique officielle française, que ce soit la toponymie, l’ethnonymie ou l’anthroponymie. Au lieu d’enregistrer simplement les noms de lieu, de tribus ou de familles dans leur forme locale berbère, l’administration française s’est ingéniée à arabiser les noms propres dans les régions berbérophones [...] Et le comble sera atteint avec l’établissement, proprement surréaliste , de l’état-civil, notamment en Kabylie. Non seulement on arabise les noms de famille traditionnels, mais très souvent on en donne d’autres, parfaitement arbitraires, le plus souvent arabes ou de forme arabe. [...] L’arabe a tout naturellement servi de modèle de référence permanent dans cette activité de nomination menée par la France. Le nom et le pouvoir de nommer étant un aspect fondamental de l’identité, l’institution coloniale, à travers cette imposition, niait l’autonomie des groupes berbères et les insérait automatiquement dans le creuset arabe.
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Berbères d'aujourd'hui, Salem Chaker, éd. L'Harmattan, 1998, p. 115-116