QU'est ce qu'un BERBERE?

amdiaze

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LANGUES ET IDENTITES


Certains se posent souvent la question : qu’est ce qu’un Berbère ? Chacun y va de sa définition en invoquant, tantôt la géographie, tantôt l’Histoire, la généalogie, l’ethnologie voire même la sociologie. Pour moi, est Berbère, celui qui parle le berbère. C’est une définition à la fois simple, et compliquée. Elle résume à elle seule toute la complexité des enjeux identitaires auxquels nous sommes confrontés.



Aujourd’hui, et de plus en plus, les identités se confrontent et disons le clairement s’affrontent. Dès lors que l’on s’affirme, nécessairement par la force des choses, on s’oppose. Jacques Berque un éminent connaisseur de la langue et de la civilisation berbère disait à juste titre « qui se pose, s’oppose ». S’auto-mutiler en délaissant ou en abandonnant consciemment ou inconscient sa langue, revient finalement à se mutiler d’une partie de soi. La langue, en effet, n’est pas un simple véhicule de communication. Certes, deux individus qui parlent la même langue auront plus de facilité à communiquer l’un avec l’autre. La communication est donc une fonction principale de la langue. C’est, sa fonction primaire. Mais ce n’est pas sa fonction première.

La langue ne peut en aucun cas se résumer à un simple outil de communication, neutre et impersonnel, car si tel était le cas, nous devrions tous abandonner nos langues maternelles sans états d’âme et sans remords pour en adopter une, plus simple, plus pratique, plus efficace, plus largement répandue, car tels seraient alors les critères objectifs de choix d’une langue. « L’exception culturelle française », pour laquelle un certain nombre d’intellectuels français se battent serait alors un combat d’arrière garde absurde et illusoire, semblable au combat de Don Quichotte qui se bat contre les moulins à vent. Mais si des Français contestent « l’hégémonie culturelle américaine », c’est que certainement ils ont compris que derrière cela, il y des enjeux qui dépassent largement les rivalités culturelles, pour situer le débat sur l’existence même de l’identité française.

La langue est en réalité intrinsèquement liée à l’individu, à son histoire personnelle et collective. Elle est une partie de lui-même. Elle fait partie de son identité, de ce que les philosophes appellent « l’idiosyncrasie », au même titre que son code génétique. Quand elle meurt, ou quand elle s’étiole, c’est une partie de lui-même qui meurt. Elle forge au même titre que la famille, la société, et bien d’autres institutions : la personnalité. C’est à dire un ensemble complexe d’attributs qui définissent un individu.

La fonction première d’une langue est de véhiculer des idées, des valeurs, des symboles, des mythes, un corpus référentiel, une morale... Elle conceptualise et structure la pensée. Une chose identique est perçue de façon différente selon la langue que l’on emploie pour l’exprimer, car chacune d’elle à une manière particulière de percevoir la réalité du monde. Plus une langue est riche, plus elle est structurée, plus elle permet d’organiser la pensée. Elle donne des outils qui permettent une plus grande facilité pour exprimer ses idées. Certes, comme pour les artisans ce n’est pas les outils qui forment les bons forgerons, mais ils y contribuent largement. Ce n’est pas un hasard si les plus grands philosophes s’expriment en langue allemande (Nietzsche, Kant, Schopenhauer, Marx, Weber, Heidegger...). La langue allemande a la particularité d’être une langue qui permet une facilité déroutante d’abstraction et de conceptualisation que l’on retrouve rarement dans une autre langue.

La langue française, a toujours été une langue de référence pour la littérature grâce à sa richesse grammaticale et la largesse de son champ lexical qui permettent d’aller puiser dans un niveau de détail assez remarquable. Proust ou Balzac n’auraient sans doute pas pu écrire leurs œuvres dans une autre langue. La langue française évoque par ailleurs un certain nombre d’idées, de concepts : la révolution française, les droits de l’homme, la liberté, l’égalité... Toutes ces idées conceptualisées par des auteurs français et véhiculées par la langue française, ont inspiré nombre d’idéalistes et d’humanistes à travers le monde. Quand ils s’y réfèrent c’est souvent en y associant la langue française qui les a inspirées et qui s’est imprégnée de ces idées. Aujourd’hui encore le mot « laïcité » est difficilement traduisible dans une autre langue tant il est imprégné par l’idéal français presque obsessionnel à tendre vers une société égalitaire et harmonieuse.

La langue anglaise et particulièrement l’Américain revoie quant à elle, à l’idée de domination, de puissance, d’hégémonie. La langue américaine est suffisamment forte pour transcender même les identités ethniques. Un individu que l’on entend s’exprimer en américain est perçu immédiatement comme tel, peu importe qu’il soit noir, jaune, blanc, il est considéré de facto comme un Américain avec tous les attributs qui lui sont rattachés. Un asiatique ou un noir s’exprimant dans une autre langue, n’aura pas la même hora. C’est dire la force et l’imaginaire collectif que la langue renvoie.

La langue arabe est intiment liée à la religion musulmane, de sorte qu’il est parfois difficile de distinguer l’une de l’autre. On ne sait d’ailleurs pas toujours qui a fait l’autre. La langue arabe renvoie à l’Histoire des Arabes, à leurs mythes, à leurs valeurs, à leurs croyances, à leur alliés et à leurs ennemis. Ceux qui parlent arabe, pensent arabes et donc sont Arabes. Leur monde, leur univers, leur système de pensée et de valeurs sont fortement influencés par la manière dont cette langue est structurée, la façon dont elle a été sacralisée, la manière dont elle a été propagée.

La langue berbère quant à elle renvoie à d’autres valeurs. Langue essentiellement orale, elle a su comme beaucoup de langues orales développer un sens particulier pour les mythes, l’imaginaire, les légendes, la poésie où chaque mot est pesé, ou chaque mot à un sens. Contemporaine des langues grecques, latines, égyptiennes... elle est la seule, à avoir survécue, lorsque toutes ces grandes civilisations se sont éteintes pour n’être plus que des objets d’antiquité. Une telle longévité et une telle volonté de demeurer vivante au contact de civilisations aussi exceptionnelles est une énigme qui ne peut laisser indifférent. Mais au-delà de l’énigme, il y a les faits et les faits sont têtus, car malgré toutes les vicissitudes de l’Histoire, malgré les contacts longs et permanents avec des civilisations hégémoniques, cette langue est toujours là. Mieux, à chaque fois qu’on la croyait morte, elle a su trouver en elle-même les ressorts et les ressources suffisantes pour renaître.

La langue berbère renvoie à ses locuteurs une relation particulière, intimiste, charnelle. Elle est le lien fédérateur qui unie tous les Berbères, leur Histoire, leur civilisation depuis des millénaires. Quand on ne parle pas berbère, on ne peut pas comprendre ces choses là.... Elle véhicule des idées de résistance et aussi d’égalitarisme parfois primaire, qui pousse souvent à se battre pour les autres au détriment de soi. La femme joue dans l’imaginaire berbère un rôle majeur, contrairement à d’autres civilisations ou la femme n’a toujours qu’un rôle mineur ou marginal quand elle en a un. Kahina, la reine berbèro-juive des Aurès qui a résisté vaillamment aux Arabes, ou Lla Fadhma N’Soumer guerrière kabyle qui a résisté à l’arrivée des troupes françaises du Maréchal Randon lorsqu’ils tentèrent de pénétrer les monts du Djurdjura et qui a initiée le fameux le cri de guerre « Nous nous brisons, mais nous ne plions pas » sont toujours vivantes dans les mémoires et l’imaginaire collectif pour en témoigner. Son rapport à la religion est particulier. Jacques Berque disait que les Berbères « ont berberisé l’Islam ». Ils l’ont en effet adapté à leurs mœurs, à leurs traditions, à leur culture. La religion n’a jamais été un sujet de discorde et ne s’immisce jamais dans les affaires politiques ou les affaires de la Cité. C’est un contrat implicite, permanent, et inaliénable. C’est ainsi que vivent les Berbères depuis toujours, pratiquant la laicité, l’égalité, la liberté, sans leur avoir donnés de nom. Encore une fois, ceux qui ne parlent pas berbère, ne peuvent pas comprendre toutes ces choses là.

Le drame, c’est lorsqu’un parent et son enfant ne parlent pas la même langue. D’une part, ils ne peuvent pas communiquer l’un avec l’autre et d’autre part ils ne peuvent pas percevoir le monde de la même manière, car ils n’ont pas la même grille de lecture. C’est ce double drame auxquels certains jeunes franco-berbères sont confrontés et qui conduit parfois à des ruptures violentes. En ne parlant pas la langue de leurs parents, la transmission des valeurs ne s’effectue pas. La chaîne est brisée. En ne parlant pas leur langue, ils ne peuvent pas comprendre ni s’imprègner des valeurs berbères. En ne parlant pas leur langue, ils ne peuvent pas se construire, s’affirmer et s’accepter tels qu’ils sont. Descartes disait dans son fameux Discours de la Méthode : « je pense, donc je suis »... J’ose un parallèle : « je parle berbère, donc je pense berbère, donc je suis berbère ».... !

Haddouche Bélaïd
 
Avant de répondre à une telle question, n'est il pas utile de se mettre d'abord d'accord sur les tèrmes. A mon sens le tèrme <Bérbère> a une connotation coloniale, alors que le terme <Amazigh> me semble plus approprié.
 
amdiaze a écrit :
Descartes disait dans son fameux Discours de la Méthode : « je pense, donc je suis »... J’ose un parallèle : « je parle berbère, donc je pense berbère, donc je suis berbère ».... !

Think different, think amazigh...

Waryachek
 
Wary a écrit :
amdiaze a écrit :
Descartes disait dans son fameux Discours de la Méthode : « je pense, donc je suis »... J’ose un parallèle : « je parle berbère, donc je pense berbère, donc je suis berbère ».... !

Think different, think amazigh...

Waryachek
azul
je suis tout a fait dacord avec toi
seulement il faut remplacer berbere par amazigh
staymate
 
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