Les récits de fondations des cites phéniciennes antiques nous sont connus à travers les auteurs gréco-latins classiques. Il est évident que les vrais récits phéniciens ont été recyclés et ré-interprètes pour convenir aux lecteurs gréco-romains. Déjà le récit de la fondation de Tyr de laquelle les phéniciens allaient essaimer dans la méditerranée fait intervenir selon Philon de Byblos et Nonos le mythe des « frères ennemis » :Ousoos et Hypsouranios .Le premier symbolisant la Tyr insulaire, tournée vers les pays d’outre mer englobant toute la Méditerranée et une large portion de la côte Atlantique allant du cap Ghir au Souss jusqu’aux côtes scandinaves, tandis que le second symbolise la Tyr continentale rattachée à la Phénicie et à l’arrière pays y compris la Byblonie où l’archéologie a retrouvé les jarres de Garum produit à Lixus ( Maroc) (1)
Ce mythe des frères ennemis a été immortalisé par un culte rendu annuellement par les Tyriens. Mais sous la plume des auteurs gréco-latin ce récit tyrien a reçu sans doute une touche grecque similaire à celle du rôle joué par l’oracle de Delphes dans la colonisation de la Méditerranée par les grecs. Cependant le récit de la fondation de Tyr et le sanctuaire de Melqart tel que Hérodote la rapporté (Hérodote : Livre II.44) provient sans doute d’un récit original dans lequel Melqart joue un rôle central. La fondation de Carthage est centrée sur les « sacra » c'est à dire les reliques ,de Melqart emportés par Elissa comme le signale Diodore de Sicile dans sa « Bibliotheque historique XX 14,2 » et qu'il a identifié a Héraclès auprès des colons tyriens en Afrique du Nord. Cette tradition d’emporter les « sacra » de Melqart pour inaugurer une nouvelle colonie tyrienne montre l’attachement des Tyriens à leur divinité protectrice et au soutien et protection qu’ils cherchent auprès d’elle. Même si la ruse développé par Elissa lors de la création de Carthage a été stigmatisée par les auteurs gréco-romains comme symbolisant la fourberie des Tyriens, elle est pour nous Amazighes aujourd’hui comme dans l’antiquité un trait de génie et un motif de fierté de notre hospitalité légendaire.
Elissa en débarquant à Byrsa, s’enhardit à sacrifier un taureau devant l’Aguelid amazighe auprès duquel s’était rendue pour lui demander une terre d’asile. L’aguelid amazighe lui répondit qu’elle aurait l’étendue ce que pouvait contenir la peau de la victime sacrifiée. Elissa s’ingénia à lacérer la peau pour en faire un fin lacet avec laquelle elle décrivit un arc de cercle sur la côte de Byrsa. Pris à son mot d’honneur l’Aguelid amazighe lui donna l’hospitalité. Les Romains ont vu dans cet acte d’Elissa une perfidie, les Amazighes ont vu un acte de bonté initiant une hospitalité qui est devenue légendaire. Les Amazighes tout au long de leur histoire ont offert l’hospitalité, aide et soutien aux réfugiés, exilés et autres hommes en détresse y compris ceux qui prétendaient être arabes ou chérifs (Idrissides) ou persécutés politiques par le khalifat islamique notamment les Ibadites.
Cependant la colonisation grecque diffère de la colonisation tyrienne dans la nature de ses rapports avec les peuples autochtones. Les grecs vivaient en colonie isolée du peuple autochtone au point que la ville de Cyrène qu’Hérodote a décrit comme le modèle de la colonisation grecque est passée inaperçue à l’archéologie. Aucune preuve archéologique remontant à l’époque décrite par Hérodote n’a été révélée par l’archéologie jusqu’à présent. Les seules preuves sont carthaginoises.
Les Tyriens et ceci a été sans doute à l’origine des succès spectaculaires de leurs colonies avaient établi des rapports sociaux avec le peuple autochtone qui leur a offert l’ endroit pour fonder leur colonie. Les Tyriens en s’installant à Carthage avaient construit dès le début un sanctuaire pour Melqart. Ce sanctuaire terre sacrée et neutre servait à la rencontre des Amazighes et des Tyriens dans la paix et le respect. Quand ces Tyriens s’étaient affranchis de Tyr, en devenant Carthaginois, ils continuaient à envoyer des offrandes au Temple de Melqart à Tyr. C’était Melqart qui exprimait la divinité de Tyr auprès des colons aussi lointains qu’à Carthage ou en Espagne et cette divinité ne soulevait aucune contestation auprès des Amazighes. La dimension coloniale d’une divinité comme Melqart allait mieux passer inaperçue que celle d’un Empereur ou un Khalife. Les Amazighes allaient rejeter l’Empereur de Rome dès qu’il annexa les démembrements du royaume de Numidie et de Maurétanie et se réfugièrent dans la religion chrétienne pour contester son pouvoir. Une fois que l’empereur Constantin approuva le christianisme pour amadouer les Amazighes, ces derniers déclarèrent l’Eglise catholique comme hérésie et créèrent leur propre christianisme appelé Donatisme par leurs rivaux.
Contre le Khalife, les Amazighes préférèrent les Ibadites et les chiites zaydites (Idrissides) pour contester son autorité et sa légitimité. Partout dans la méditerranée dans les colonies fondées par les Tyriens et par les Carthaginois, c’était le sanctuaire de Melqart qui servait de noyau neutre et sacré pour la rencontre des peuples autochtones et des tyriens. C’était aussi pour favoriser les contacts en toute impunité avec les peuples autochtones comme le signale Justin dans son « Epitome des histoires philippiques de Trogue Pompée XVIII 4,15 ;XLIV 5,2 ».
La ville créée par les Tyriens qu’elle fut Carthage ou Gadès ou Lixus avait un caractère sacré de rencontre avec les autres peuples pour initier des échanges. L’aspect sacré de la ville fournit un garant à la création de la ville, un garant aux bonnes relations avec le peuple autochtone et finalement un garant aux relations avec le reste du Monde car les Tyriens et plus tard les Carthaginois avaient une flotte maritime qui favorisaient les échanges. Cet aspect sacré de la ville est à l’origine de la réaction amazighe quand Carthage fut brûlée et ruinée par les Romains. La réaction fut rapide sur deux niveaux. Le premier niveau fut physique, il a fallu reconstruire la ville quant au second il fut intellectuel et social, la langue néo-punique se répandit chez les Amazighes comme une résistance symbolique à la romanisation et même au siècle de Saint-Augustin celui-ci exigeait des ses prêtres évangélistes de maîtriser le néo-punique devenu sous sa plume «le Chanani» pour contrebalancer la domination des amazighes [(Donat|donatistes]] opposés à Byzance, à l’Empire et l’Eglise adoptée par l’Empereur.
A Carthage Melqart prenait le titre de « miqim elim » c’est à dire en punique « ressusciteur de la divinité » qui correspond sans doute à un culte où l’on célébrait son « egersis » (culte pour marquer la sortie des reliques de Melqart de Tyr et leur repos/dépôt à Carthage) auquel participaient Carthaginois et Amazighes. Melqart figure aussi dans le serment d’Hannibal comme l’a mentionné Polybe dans son « Histoire générale VII 9,2-3 ».
Les auteurs grecs ont assimilé Melqart à Héraclès (2) qui avait des sanctuaires tout autour de la Méditerranée y compris à Rome et même en Grande Bretagne comme l’attestent les « Inscriptiones Graecae, Berlin 1873, notamment le XIV ,2253 ». La longue cohabitation des Tyriens devenus Carthaginois a été à l’origine de la création d’une civilisation unique en Afrique du nord. Une Afrique du nord qui grâce à l’élément amazighe a su matérialiser la domination territoriale et maritime de Carthage. Numériquement faibles les premiers exilés tyriens ont dû se marier avec les autochtones pour vivre et survivre et durer sous la protection de Melqart.
C’est la même réaction qu’adoptèrent les Arabes en venant à la conquête de l’Afrique du nord. Numériquement faible, ils utilisèrent la stratégie de la « wilayate », l’alliance pour recevoir aide et assistance selon la Loi d’Allah qui avait remplacé Melqart. Il en est de même des Amazighes qui se mariaient avec des tyriennes au point qu’il était difficile d’établir des généalogies à Carthage. Le langage, le culte des Dieux de la Cité et surtout l’allégeance politique permettaient de classer les Carthaginois et les Amazighes en amis/alliés/partenaires ou en ennemis.
Le grand roi Numide Massinissa Ier avait une mère carthaginoise et en se battant contre Carthage il se battait contre ses oncles maternels. Il en de même pour les grands noms de famille de Carthage qui avait du sang amazighe qui coulaient dans leurs veines. Et pour conclure la démarche pacifique des Tyriens pour créer des comptoirs a porté ses fruits à travers le monde méditerranéen en favorisant les échanges des biens, des hommes , des techniques et des idées entres les hommes et entre les pays. Cet aspect religieux de la fondation de Carthage montre que la spiritualité amazighe depuis la haute antiquité a été à l’œuvre. Elle fut tolérante et tournée vers l’avenir. Elle su donner le premier humus où se développa une des grandes civilisation de l’antiquité et de l’humanité. La Constitution de Carthage jouissait d’un grand prestige chez les auteurs gréco-latins. Seul Aristote laissa à la postérité une description des institutions politiques de Carthage dans le Livre II de sa « Politique : Chapitre 11 ». C’est aussi le seul modèle non grec qu’Aristote a signalé dans son œuvre. D’après lui la Constitution de Carthage réunit les meilleures institutions de chacun des trois systèmes connus à l’époque : Au lieu du monarque Carthage procède à l’élection d’un suffète Au lieu de l’Aristocratie Carthage avait un Sénat. La démocratie était représentée à Carthage par l’Assemblée du Peuple.
Il faut noter pour nous Amazighes qu’à la veille du protectorat Français au Maroc les Tribus amazighes aussi bien du Nord que du Sud ( Dadès, haut Guir, Souss, Ghoumara, Branès, Ait Waryaghel, Ait Warayen …etc) avaient établis depuis des temps immémoriaux des Constitutions tribales appelées Azref ou Izref qui dans leur contenu générale correspondent à la Constitution de Carthage. Le chef de la « tajmat « était élu pour une année, remplacer au besoin s’il faillit à sa mission de justice tribale. L’égalitarisme tribale fait qu’il n'y avait pas d’aristocratie (la classe de ceux qui sont bien nés) tribale mais il y avait une noblesse spirituelle accordé à tous les hommes pour leur dévotion et non pour leur ascendance chérifienne. Il est utile d'examiner le mythe de la création de Carthage afin de le confronter aux découvertes archéologiques.
L’historien Philistos de Syracuse (3), du IV siècle avant J.-C. rapporte un mythe de la fondation de Carthage qui diffère de celui connu par les auteurs classiques à savoir Elissa-Didon. Le fondateur mythique de Karkhedon c’est à dire Carthage serait un certain ZOROS ou AZOROS quelques dizaines d’années avant la guerre de Troie (Gsell :Histoire ancienne de l’Afrique du Nord Tome 1 page .374-375). Ce mythe n a réussi point et c est celui d’Elissa-Didon qui a eu le succès. Cependant Carthage devint la cité des Amazones dans une tradition juive transmise par le Talmud de Jérusalem (Baba Mesi ‘a 8c) et les textes parallèles (Bereshit rabba 33.1 ;Wayyiqra’ rabba 27). Selon donc ces sources moyens orientales qui datent du IVe et Ve siècle après J-C et peut-être du VIe à l’époque ou Iacob Sarrougi écrivait le Pseudo-Callisthene en Syrie, Alexandre le Grand parvenu à Carthage après avoir traverse les « Montagnes des Ténèbres » s’avança jusqu’à une autre ville dont le nom est « Afrique ».
Sans doute les auteurs arabes médiévaux auraient mal digérés ces mythes talmudiques juifs et ont dû les confondre avec ceux de Saif Dhu Yazan, le héros du Yémen qu’ils auraient du prendre pour Alexandre le grand au pays des « barbar ». Mais au-delà du mythe nous avons l’histoire qui nous donne la date de fondation de Carthage entre 814/812 avant J-C par des citoyens de la ville de Tyr. La situation de la ville permet la sécurité et les mouvements favorables en direction des autres directions .Sans doute c’est un gouverneur « skn » en punique qui dirigeait la ville jusqu’à son émancipation politique au VIII –VIIe siècles. Alors le « mlk »,roi, carthaginois prit la place du « skn » tyrien. Au cours du VIe siècle le « mlk » fut remplacé par un « spt » c’est à dire un juge ou « suffète ». L’archéologie a permis d’établir une chronologie fondée sur les sépultures des plus anciennes pour remonter au VIII siècle c’est à dire à un siècle de la date donnée par tous les historiens antiques (814-12 avant J-C)
Extrait de la Spiritualité amazighe par LallaYetto Kushel
Notes:
* (1) Rostovtzeff-F.E. Brown C.B Welles The excavations at Dura-Europos.Preliminary report of the Seventh and Eighth Seasons of Works.1933-1934 and 1934-1935, New Haven 1939.
* (2) C.Bonnet ,Melqart ,Namour-Louvain 1988.
* (3) F.Jacoby, Fragmente der griechischen historiker Berlin-Leiden 1923-58
Article paru dans :Wikimazigh - Rapports des Amazighs avec les Carthaginois
Ce mythe des frères ennemis a été immortalisé par un culte rendu annuellement par les Tyriens. Mais sous la plume des auteurs gréco-latin ce récit tyrien a reçu sans doute une touche grecque similaire à celle du rôle joué par l’oracle de Delphes dans la colonisation de la Méditerranée par les grecs. Cependant le récit de la fondation de Tyr et le sanctuaire de Melqart tel que Hérodote la rapporté (Hérodote : Livre II.44) provient sans doute d’un récit original dans lequel Melqart joue un rôle central. La fondation de Carthage est centrée sur les « sacra » c'est à dire les reliques ,de Melqart emportés par Elissa comme le signale Diodore de Sicile dans sa « Bibliotheque historique XX 14,2 » et qu'il a identifié a Héraclès auprès des colons tyriens en Afrique du Nord. Cette tradition d’emporter les « sacra » de Melqart pour inaugurer une nouvelle colonie tyrienne montre l’attachement des Tyriens à leur divinité protectrice et au soutien et protection qu’ils cherchent auprès d’elle. Même si la ruse développé par Elissa lors de la création de Carthage a été stigmatisée par les auteurs gréco-romains comme symbolisant la fourberie des Tyriens, elle est pour nous Amazighes aujourd’hui comme dans l’antiquité un trait de génie et un motif de fierté de notre hospitalité légendaire.
Elissa en débarquant à Byrsa, s’enhardit à sacrifier un taureau devant l’Aguelid amazighe auprès duquel s’était rendue pour lui demander une terre d’asile. L’aguelid amazighe lui répondit qu’elle aurait l’étendue ce que pouvait contenir la peau de la victime sacrifiée. Elissa s’ingénia à lacérer la peau pour en faire un fin lacet avec laquelle elle décrivit un arc de cercle sur la côte de Byrsa. Pris à son mot d’honneur l’Aguelid amazighe lui donna l’hospitalité. Les Romains ont vu dans cet acte d’Elissa une perfidie, les Amazighes ont vu un acte de bonté initiant une hospitalité qui est devenue légendaire. Les Amazighes tout au long de leur histoire ont offert l’hospitalité, aide et soutien aux réfugiés, exilés et autres hommes en détresse y compris ceux qui prétendaient être arabes ou chérifs (Idrissides) ou persécutés politiques par le khalifat islamique notamment les Ibadites.
Cependant la colonisation grecque diffère de la colonisation tyrienne dans la nature de ses rapports avec les peuples autochtones. Les grecs vivaient en colonie isolée du peuple autochtone au point que la ville de Cyrène qu’Hérodote a décrit comme le modèle de la colonisation grecque est passée inaperçue à l’archéologie. Aucune preuve archéologique remontant à l’époque décrite par Hérodote n’a été révélée par l’archéologie jusqu’à présent. Les seules preuves sont carthaginoises.
Les Tyriens et ceci a été sans doute à l’origine des succès spectaculaires de leurs colonies avaient établi des rapports sociaux avec le peuple autochtone qui leur a offert l’ endroit pour fonder leur colonie. Les Tyriens en s’installant à Carthage avaient construit dès le début un sanctuaire pour Melqart. Ce sanctuaire terre sacrée et neutre servait à la rencontre des Amazighes et des Tyriens dans la paix et le respect. Quand ces Tyriens s’étaient affranchis de Tyr, en devenant Carthaginois, ils continuaient à envoyer des offrandes au Temple de Melqart à Tyr. C’était Melqart qui exprimait la divinité de Tyr auprès des colons aussi lointains qu’à Carthage ou en Espagne et cette divinité ne soulevait aucune contestation auprès des Amazighes. La dimension coloniale d’une divinité comme Melqart allait mieux passer inaperçue que celle d’un Empereur ou un Khalife. Les Amazighes allaient rejeter l’Empereur de Rome dès qu’il annexa les démembrements du royaume de Numidie et de Maurétanie et se réfugièrent dans la religion chrétienne pour contester son pouvoir. Une fois que l’empereur Constantin approuva le christianisme pour amadouer les Amazighes, ces derniers déclarèrent l’Eglise catholique comme hérésie et créèrent leur propre christianisme appelé Donatisme par leurs rivaux.
Contre le Khalife, les Amazighes préférèrent les Ibadites et les chiites zaydites (Idrissides) pour contester son autorité et sa légitimité. Partout dans la méditerranée dans les colonies fondées par les Tyriens et par les Carthaginois, c’était le sanctuaire de Melqart qui servait de noyau neutre et sacré pour la rencontre des peuples autochtones et des tyriens. C’était aussi pour favoriser les contacts en toute impunité avec les peuples autochtones comme le signale Justin dans son « Epitome des histoires philippiques de Trogue Pompée XVIII 4,15 ;XLIV 5,2 ».
La ville créée par les Tyriens qu’elle fut Carthage ou Gadès ou Lixus avait un caractère sacré de rencontre avec les autres peuples pour initier des échanges. L’aspect sacré de la ville fournit un garant à la création de la ville, un garant aux bonnes relations avec le peuple autochtone et finalement un garant aux relations avec le reste du Monde car les Tyriens et plus tard les Carthaginois avaient une flotte maritime qui favorisaient les échanges. Cet aspect sacré de la ville est à l’origine de la réaction amazighe quand Carthage fut brûlée et ruinée par les Romains. La réaction fut rapide sur deux niveaux. Le premier niveau fut physique, il a fallu reconstruire la ville quant au second il fut intellectuel et social, la langue néo-punique se répandit chez les Amazighes comme une résistance symbolique à la romanisation et même au siècle de Saint-Augustin celui-ci exigeait des ses prêtres évangélistes de maîtriser le néo-punique devenu sous sa plume «le Chanani» pour contrebalancer la domination des amazighes [(Donat|donatistes]] opposés à Byzance, à l’Empire et l’Eglise adoptée par l’Empereur.
A Carthage Melqart prenait le titre de « miqim elim » c’est à dire en punique « ressusciteur de la divinité » qui correspond sans doute à un culte où l’on célébrait son « egersis » (culte pour marquer la sortie des reliques de Melqart de Tyr et leur repos/dépôt à Carthage) auquel participaient Carthaginois et Amazighes. Melqart figure aussi dans le serment d’Hannibal comme l’a mentionné Polybe dans son « Histoire générale VII 9,2-3 ».
Les auteurs grecs ont assimilé Melqart à Héraclès (2) qui avait des sanctuaires tout autour de la Méditerranée y compris à Rome et même en Grande Bretagne comme l’attestent les « Inscriptiones Graecae, Berlin 1873, notamment le XIV ,2253 ». La longue cohabitation des Tyriens devenus Carthaginois a été à l’origine de la création d’une civilisation unique en Afrique du nord. Une Afrique du nord qui grâce à l’élément amazighe a su matérialiser la domination territoriale et maritime de Carthage. Numériquement faibles les premiers exilés tyriens ont dû se marier avec les autochtones pour vivre et survivre et durer sous la protection de Melqart.
C’est la même réaction qu’adoptèrent les Arabes en venant à la conquête de l’Afrique du nord. Numériquement faible, ils utilisèrent la stratégie de la « wilayate », l’alliance pour recevoir aide et assistance selon la Loi d’Allah qui avait remplacé Melqart. Il en est de même des Amazighes qui se mariaient avec des tyriennes au point qu’il était difficile d’établir des généalogies à Carthage. Le langage, le culte des Dieux de la Cité et surtout l’allégeance politique permettaient de classer les Carthaginois et les Amazighes en amis/alliés/partenaires ou en ennemis.
Le grand roi Numide Massinissa Ier avait une mère carthaginoise et en se battant contre Carthage il se battait contre ses oncles maternels. Il en de même pour les grands noms de famille de Carthage qui avait du sang amazighe qui coulaient dans leurs veines. Et pour conclure la démarche pacifique des Tyriens pour créer des comptoirs a porté ses fruits à travers le monde méditerranéen en favorisant les échanges des biens, des hommes , des techniques et des idées entres les hommes et entre les pays. Cet aspect religieux de la fondation de Carthage montre que la spiritualité amazighe depuis la haute antiquité a été à l’œuvre. Elle fut tolérante et tournée vers l’avenir. Elle su donner le premier humus où se développa une des grandes civilisation de l’antiquité et de l’humanité. La Constitution de Carthage jouissait d’un grand prestige chez les auteurs gréco-latins. Seul Aristote laissa à la postérité une description des institutions politiques de Carthage dans le Livre II de sa « Politique : Chapitre 11 ». C’est aussi le seul modèle non grec qu’Aristote a signalé dans son œuvre. D’après lui la Constitution de Carthage réunit les meilleures institutions de chacun des trois systèmes connus à l’époque : Au lieu du monarque Carthage procède à l’élection d’un suffète Au lieu de l’Aristocratie Carthage avait un Sénat. La démocratie était représentée à Carthage par l’Assemblée du Peuple.
Il faut noter pour nous Amazighes qu’à la veille du protectorat Français au Maroc les Tribus amazighes aussi bien du Nord que du Sud ( Dadès, haut Guir, Souss, Ghoumara, Branès, Ait Waryaghel, Ait Warayen …etc) avaient établis depuis des temps immémoriaux des Constitutions tribales appelées Azref ou Izref qui dans leur contenu générale correspondent à la Constitution de Carthage. Le chef de la « tajmat « était élu pour une année, remplacer au besoin s’il faillit à sa mission de justice tribale. L’égalitarisme tribale fait qu’il n'y avait pas d’aristocratie (la classe de ceux qui sont bien nés) tribale mais il y avait une noblesse spirituelle accordé à tous les hommes pour leur dévotion et non pour leur ascendance chérifienne. Il est utile d'examiner le mythe de la création de Carthage afin de le confronter aux découvertes archéologiques.
L’historien Philistos de Syracuse (3), du IV siècle avant J.-C. rapporte un mythe de la fondation de Carthage qui diffère de celui connu par les auteurs classiques à savoir Elissa-Didon. Le fondateur mythique de Karkhedon c’est à dire Carthage serait un certain ZOROS ou AZOROS quelques dizaines d’années avant la guerre de Troie (Gsell :Histoire ancienne de l’Afrique du Nord Tome 1 page .374-375). Ce mythe n a réussi point et c est celui d’Elissa-Didon qui a eu le succès. Cependant Carthage devint la cité des Amazones dans une tradition juive transmise par le Talmud de Jérusalem (Baba Mesi ‘a 8c) et les textes parallèles (Bereshit rabba 33.1 ;Wayyiqra’ rabba 27). Selon donc ces sources moyens orientales qui datent du IVe et Ve siècle après J-C et peut-être du VIe à l’époque ou Iacob Sarrougi écrivait le Pseudo-Callisthene en Syrie, Alexandre le Grand parvenu à Carthage après avoir traverse les « Montagnes des Ténèbres » s’avança jusqu’à une autre ville dont le nom est « Afrique ».
Sans doute les auteurs arabes médiévaux auraient mal digérés ces mythes talmudiques juifs et ont dû les confondre avec ceux de Saif Dhu Yazan, le héros du Yémen qu’ils auraient du prendre pour Alexandre le grand au pays des « barbar ». Mais au-delà du mythe nous avons l’histoire qui nous donne la date de fondation de Carthage entre 814/812 avant J-C par des citoyens de la ville de Tyr. La situation de la ville permet la sécurité et les mouvements favorables en direction des autres directions .Sans doute c’est un gouverneur « skn » en punique qui dirigeait la ville jusqu’à son émancipation politique au VIII –VIIe siècles. Alors le « mlk »,roi, carthaginois prit la place du « skn » tyrien. Au cours du VIe siècle le « mlk » fut remplacé par un « spt » c’est à dire un juge ou « suffète ». L’archéologie a permis d’établir une chronologie fondée sur les sépultures des plus anciennes pour remonter au VIII siècle c’est à dire à un siècle de la date donnée par tous les historiens antiques (814-12 avant J-C)
Extrait de la Spiritualité amazighe par LallaYetto Kushel
Notes:
* (1) Rostovtzeff-F.E. Brown C.B Welles The excavations at Dura-Europos.Preliminary report of the Seventh and Eighth Seasons of Works.1933-1934 and 1934-1935, New Haven 1939.
* (2) C.Bonnet ,Melqart ,Namour-Louvain 1988.
* (3) F.Jacoby, Fragmente der griechischen historiker Berlin-Leiden 1923-58
Article paru dans :Wikimazigh - Rapports des Amazighs avec les Carthaginois