Les tazotas, un patrimoine à protéger
Tazota : que signifie ce terme ? Quand est-il apparu pour la première fois ?
Ce toponyme , fréquent dans les Doukkala, pourrait être un mot berbère désignant des abris en pierres.
Il est difficile de dater son utilisation originelle.
Il est aussi difficile de savoir la date de construction des premières tazotas. Il n'y a pas hélas de datation sur les linteaux ou les pierres faîtières. Une seule famille archéologique permettant d'avoir plus de précisions.
En attendant celà, deux vieux habitants de la commune de Oulad Hamdane nous ont appris que des tazotas ont été construites par leurs grands-pères et servaient d'abris pour les céréales et le bétail. Ils continuent d'être utilisés pour les mêmes besoins. A côté de ces tazotas, on trouve des petits murets d'un mètre de hauteur construits en pierres également.
Dans la région, les tazotas sont accompagnées systématiquement de la construction de ces murets ou enclos en pierres appelés dans les Doukkala «Stara» . Ces murets sont destinés avant tout à servir le fellah de limite de sa «hata» (habitation et son champ environnant). On trouve aussi des «zriba» qui servent de bergeries, c'est une clôture faite généralement en pierres. La surface enclose peut varier de 100 m2 à 200 m2 environ. On y trouve parfois un petit potager où poussent quelques légumes ou fruits, (Bhira), un silo souterrain pour grain (Matmoura) , de la volaille ou du bétail, des arbres fruitiers (figuiers, conassiers, vignes … ), ces enclos sont liés au douar.
D'après l'enseignant chercheur Saïd Kamel, auteur d'un article sur «les significations des toponymes de la région Fès-Boulemane», «Tazota ou Tazôdâ» veut dire plateau. Le dictionnaire amazigh de l'ex délégué provincial du MEN à El Jadida, M. Hadachi estime que Tazudea veut dire construction mégalithique dans la région des Doukkala.
Les tazotas se trouvent dans la commune de Oulad à 30 km de la ville d'El Jadida sud, sur la route régionale 315 (El Jadida - Ouled Frej). Elles sont construites avec de la pierre plate, brute extraite de l'epierrement des champs , sans mortier. Les tazotas ont deux types de forme architecturale, sphériques, et trapézoïdales, elles comportent latéralement un ou deux escaliers pour monter sur le rebord du tronc de cône inférieur, et un seul pour monter au sommet du tronc de cône supérieur.
Elles ont également de 2,5 à 3 mètres de hauteur, l'épaisseur du mur est d'un mètre alors que l'épaisseur du mur avec linteau est de 1,5 mètre.
Les tazotas semblent remonter à l'origine de peuplement de la région.
Le climat , il n'était pas rigoureux dans les Doukkala, les tazotas ont d'ailleurs la prétention d'isoler aussi bien la chaleur que du froid, sur la paroi très peu inclinée , la pluie glisse facilement et c'est la raison pour laquelle elles ont certainement été érigées. Concernant l'orientation , l'unique ouverture est la porte et se trouve toujours du côté de l'est (le soleil y pénétre de bonne heure).
La porte est toujours petite, c'est en général un rectangle dont la hauteur va de 75 cm à 1 mètre, et la largeur de 60 cm à 80 cm.
Dans le souci de préserver ces monuments historiques considérés depuis longtemps comme l'un des exemples uniques au Maroc, et de contribuer de façon effective à la promotion et au développement du tourisme culturel dans notre province , il est temps de prendre en charge les vestiges dont elle dispose. En effet, la région des Doukkala est connue par sa diversité de son patrimoine architectural et ses biens culturels. De nombreux sites comme Ghar Khenzira (grotte préhistorique), à Tit, les tombeaux phéniciens de Moulay Abdallah, Lamjahdine, douar Tecni, Bettioua, Guerrando, Kasbah de Boulouane, Madinat Gharbia, et des sites, comme Mouchtaraya, Azemmour et Mazagao.
Razzia des pilleurs
L'élaboration d'une carte provinciale des sites et vestiges archéologiques est une initiative dont on ne parlera jamais assez. Elle est opportune. D'autant que ce patrimoine non répertorié (exemple les tazotas dans la région) de manière scientifique et presque abandonné à la décrépitude et à la razzia des pilleurs.
Que font les élus de nos communes, le département de la culture, les ONG et les associations sur ce chapitre ?
Confrontés à des problèmes plus urgents de développement, ils repoussent ce volet tout en oubliant que le développement est avant tout culturel et que la valorisation du patrimoine est la base de tout essor.
Or, ce n'est pas réellement d'investissement important que ces actions ont besoin, mais plutôt d'esprit d'initiative et d'imagination. Susciter l'enthousiasme des jeunes étudiants par le biais de la délégation de la culture ou du tourisme en organisant des journées de volontariat et faire surtout que cet intérêt et que ces actions soient soutenus et non pas sporadiques . Ces vestiges et ces richesses sont le reflet de notre passé. Les abandonner, c'est pas perdre une partie de nous-mêmes.
lematin.ma