RICH, Maroc (AP) - "Je n'ai jamais vu autant de monde, c'est un vrai bonheur de se retrouver tous ensemble", lance Jacques Bensimon, le regard malicieux, en voyant converger des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants autour du tombeau de Rabbi Itzhak Abessehra.
Pendant trois jours, quelque 600 juifs marocains ou d'origine marocaine, venus des quatre coins du royaume et de la planète, se sont donné rendez-vous début février autour du mausolée construit près de Rich (630km au sud de Rabat), une bourgade isolée dans les contreforts désertiques de l'Atlas. Une zone caillouteuse complètement isolée, où le défunt roi Hassan II avait fait construire, à quelques dizaines de kilomètres de là, le bagne militaire secret de Tazmamart.
Autour du tombeau et de la synagogue qui le jouxte, les familles les plus assidues à cette "hilloula" (pèlerinage) ont fait construire une dizaine de maisons, occupées trois jours par an mais dans lesquelles chacun -famille, amis ou amis d'amis- est le bienvenu.
Rabbi Ytzhak Abessehra, décédé en 1921, est l'un des 600 saints du judaïsme marocain. "C'était un homme saint qui buvait beaucoup de mahia (alcool de figue distillé au Maroc). C'est pour célébrer sa mémoire que l'on boit en chantant autour de sa tombe", explique Jacques Bensimon. Agé de 48 ans, ce commerçant de Casablanca est l'un des 3.000 juifs encore présents au Maroc alors que la communauté, présente dans le royaume depuis plus de 2.000 ans, a compté jusqu'à 300.000 membres en 1948.
Avec la Turquie, le Maroc est le dernier pays musulman du pourtour méditerranéen où vit encore une communauté juive active et relativement intégrée en dépit d'un exode massif et régulier encouragé et financé par l'Agence juive internationale.
Témoin de la liberté religieuse qui caractérise historiquement le Maroc, malgré les récents appels antisémites ou anti-occidentaux lancés par certains prêcheurs islamistes salafistes, les derniers juifs marocains jouissent toujours de la protection traditionnelle des sultans et souverains de la dynastie alaouite.
Le portrait du roi Mohammed VI surplombe d'ailleurs la porte d'entrée de la maison de Marcel Azeroual, qui dirige l'organisation du pèlerinage et assure que "les juifs du Maroc sont mieux lotis que les juifs de France".
Alain B., 42 ans, venu de Paris, estime qu'il y a "plus de 10 millions de musulmans en France" (contre cinq millions officiellement: NDLR) et il confirme: "à Paris, et même dans les quartiers résidentiels, il y a une réelle montée de l'antisémitisme".
La nuit commence à tomber sur la "hilloula" éclairée par la pleine lune et placée sous étroite surveillance de la gendarmerie royale. Venu des grandes villes marocaines, de France, d'Israël mais aussi du Canada ou des Etats-Unis, qui font figure de nouveaux eldorados du judaïsme marocain, des dizaines de pèlerins de toutes conditions sociales commencent à illuminer le tombeau de marbre avec des milliers de bougies qui brûlent en brasier.
Des chants traditionnels juifs s'élèvent dans la nuit désertique et glaciale. La foule se presse pour boire un verre à l'éternelle santé du saint et formuler un voeu de bonheur.
"Je suis avant tout croyant et Rabbi Itzhak, c'est un saint qui a fait plein de miracles", souligne Charlie Dayan, vêtu d'un blouson de cuir aux insignes multicolores de l'armée de l'air américaine qui tranche avec les tenues austères des barbus orthodoxes loubavitchs. Certains, venus d'Israël ou du Canada ne parlent ni arabe, ni français et séjournent pour la première fois au Maroc dont la tradition de pèlerinage est unique dans le monde du judaïsme.
Confrontés à l'exode des jeunes générations, de nombreux juifs marocains "profitent de ces occasions pour rencontrer l'âme soeur", confie Eshud Ouaknine, 41 ans, issu d'une très ancienne famille juive et célibataire.
Surpris tant par la chaleur de l'ambiance, par le niveau de l'organisation et le nombre de participants, Saïd, un des très rares Marocains musulmans présents au pèlerinage, exprime quant à lui sa surprise: "Nous, les Marocains, on ignore tout de ces fêtes. D'ailleurs, personne ne sait exactement comment vivent nos juifs." AP
Pendant trois jours, quelque 600 juifs marocains ou d'origine marocaine, venus des quatre coins du royaume et de la planète, se sont donné rendez-vous début février autour du mausolée construit près de Rich (630km au sud de Rabat), une bourgade isolée dans les contreforts désertiques de l'Atlas. Une zone caillouteuse complètement isolée, où le défunt roi Hassan II avait fait construire, à quelques dizaines de kilomètres de là, le bagne militaire secret de Tazmamart.
Autour du tombeau et de la synagogue qui le jouxte, les familles les plus assidues à cette "hilloula" (pèlerinage) ont fait construire une dizaine de maisons, occupées trois jours par an mais dans lesquelles chacun -famille, amis ou amis d'amis- est le bienvenu.
Rabbi Ytzhak Abessehra, décédé en 1921, est l'un des 600 saints du judaïsme marocain. "C'était un homme saint qui buvait beaucoup de mahia (alcool de figue distillé au Maroc). C'est pour célébrer sa mémoire que l'on boit en chantant autour de sa tombe", explique Jacques Bensimon. Agé de 48 ans, ce commerçant de Casablanca est l'un des 3.000 juifs encore présents au Maroc alors que la communauté, présente dans le royaume depuis plus de 2.000 ans, a compté jusqu'à 300.000 membres en 1948.
Avec la Turquie, le Maroc est le dernier pays musulman du pourtour méditerranéen où vit encore une communauté juive active et relativement intégrée en dépit d'un exode massif et régulier encouragé et financé par l'Agence juive internationale.
Témoin de la liberté religieuse qui caractérise historiquement le Maroc, malgré les récents appels antisémites ou anti-occidentaux lancés par certains prêcheurs islamistes salafistes, les derniers juifs marocains jouissent toujours de la protection traditionnelle des sultans et souverains de la dynastie alaouite.
Le portrait du roi Mohammed VI surplombe d'ailleurs la porte d'entrée de la maison de Marcel Azeroual, qui dirige l'organisation du pèlerinage et assure que "les juifs du Maroc sont mieux lotis que les juifs de France".
Alain B., 42 ans, venu de Paris, estime qu'il y a "plus de 10 millions de musulmans en France" (contre cinq millions officiellement: NDLR) et il confirme: "à Paris, et même dans les quartiers résidentiels, il y a une réelle montée de l'antisémitisme".
La nuit commence à tomber sur la "hilloula" éclairée par la pleine lune et placée sous étroite surveillance de la gendarmerie royale. Venu des grandes villes marocaines, de France, d'Israël mais aussi du Canada ou des Etats-Unis, qui font figure de nouveaux eldorados du judaïsme marocain, des dizaines de pèlerins de toutes conditions sociales commencent à illuminer le tombeau de marbre avec des milliers de bougies qui brûlent en brasier.
Des chants traditionnels juifs s'élèvent dans la nuit désertique et glaciale. La foule se presse pour boire un verre à l'éternelle santé du saint et formuler un voeu de bonheur.
"Je suis avant tout croyant et Rabbi Itzhak, c'est un saint qui a fait plein de miracles", souligne Charlie Dayan, vêtu d'un blouson de cuir aux insignes multicolores de l'armée de l'air américaine qui tranche avec les tenues austères des barbus orthodoxes loubavitchs. Certains, venus d'Israël ou du Canada ne parlent ni arabe, ni français et séjournent pour la première fois au Maroc dont la tradition de pèlerinage est unique dans le monde du judaïsme.
Confrontés à l'exode des jeunes générations, de nombreux juifs marocains "profitent de ces occasions pour rencontrer l'âme soeur", confie Eshud Ouaknine, 41 ans, issu d'une très ancienne famille juive et célibataire.
Surpris tant par la chaleur de l'ambiance, par le niveau de l'organisation et le nombre de participants, Saïd, un des très rares Marocains musulmans présents au pèlerinage, exprime quant à lui sa surprise: "Nous, les Marocains, on ignore tout de ces fêtes. D'ailleurs, personne ne sait exactement comment vivent nos juifs." AP