La thématique de l'amour dans la poésie amazighe (Métaphore et comparaison)
Le thème de l'amour prend diverses postures dans la poésie amazighe de l'Atlas central. Il peut se présenter sous la figure de la fatalité comme il peut faire de l'amoureux un «espace» mouvementé, un lieu de déchainement de la passion, le théâtre d'un déchirement et d'une soufrance continuelle. Dans ce dernier cas de figure, l'aède puise ses images dans le registe de la guerre: son coeur est la cible d'attaques aussi meurtrière que répétitives émanant de l'être chéri.
[lib align=right]tayri.jpg[/lib]Son coeur et ses entrailles sont le théâtre d'une guerre où il s'avoue vaincu d'avance. Il utilise une métaphore et nous dit :
llant tteyyarat g jaj inw ilin diks
Lanfad lla katen digi wr ufigh ca n
Ttalb isexsayen leâdab a g tasa nw
En mon coeur bourdonnent les avions, y tonnent
sans cesse les canons; aucun clerc ne peut
apaiser en moi ce tourment.
A l'image puissé du registre de la guerre, se conjuguent d'autres empruntées aux catastrophes naturelles, particulièrement l'incendie. C'est ce que le poète nous dit dans le vers, ci-après, et où il compare ses chagris d'amour à un incendie incontrolable et nourrie par le vent ou à des coups de fouets douloureux:
zzigh da tteggan imurag usmun amm
Imechaden amm lâafit nn d izzeâ ssihl.
N'est-ce pas que les chagrins d'amours agissent
tels des fouets, tel le feu avivé par l'alizé.
Dans le même ordre d'idée, et se comparant à une aire de fantasia, théâtre d'une violence extrême, le poète est meurtri,piétiné. L'amour ici prend la figure de sept chevaux sauvages qui se livrent à des cavalcades incessantes. Il nous dit:
Iga wmarg digi sebâa d iysan iqqen
asen d uzlan da cellen digi s tefrawt.
La nostalgie agite mon coeur tels Sept
chevaux par elle, éperonnés, s'y livrent
à de quotidiennes chevauchée.
Une autre image qui s'inscrit dans la même perspective est celle de l'amoureux qui se compare à un champ et son sentiment d'amour en boureau laboureur. L'amour ressenti est incarné par un attelage extravagant qui tire une araire au soc gigantesque, sur un terrain fait de sable. Il nous dit:
Iga wmareg digi tayuga yleghman
Yuts imassen useânin Lgherb ag as textar
tagursa, ikerz ccidan igidu g tasa nw
L'amour m'habite tel un attellage de chameaux
traînant un araire au soc provenant du Gharb
C'est le diable qui de mon coeur laboure les sables.
Ces quelques vers, puisés de l'ouvrage d'Arsène Roux, établie par Michael Peyron, et traitant de la poésie amazighe du Maroc central, nous permette de constater que la comparaison et la métaphore constituent des figures centrals utilisées par le poète pour traduire sa souffrance, morale et physique, inhérente au sentiment d'amour qui l'habite, qui le «broie» et transforme son quotidien en cauchamard.
La recherche de l'expression extrème pour traduire une situation vécue est à relier au phénomène de “concurrence” entre les poètes qui rivalisent en images por témoigner de leur maitrise du sujet traité, de la langue et surtout pour confirmer le statut socioculturelle e l'aède: un maitre du verbe.
Moha Ou Saïd
Lematin