Les berbères sont cool : ils ont zidane, idir, un beau drapeau… parfois, ils sont même blonds.
Nom : Boualem
Prénom : Zakaria
Né en 1976 à Guercif
Signe particulier : Marocain à tendance paranoïaque
C’est à la cantine de la banque que nous retrouvons Zakaria Boualem, héros avorté du Maroc moderne. Installé juste au-dessus de son assiette, l’homme médite sur sa condition, en mâchouillant consciencieusement un steak de marque Adidas. Lorsqu’il relève les yeux, c’est pour découvrir qu’une jeune demoiselle s’est installée en face de lui. Le charme légendaire des gens de l’Oriental n’y est pour rien et le manque de place dans la cantine pour beaucoup. La demoiselle en question répond au délicat prénom de Aouatef alias les sentiments. Et de sentiments, la belle en a déclenché beaucoup depuis son arrivée dans la banque il y a quelques semaines. Sa seule appartenance au sexe féminin non voilé en a fait un objet de fantasme collectif. En plus, Aouatef travaille au département Marketing et Communication, réservoir inépuisable bien connu de demoiselles de classe mondiale. Plus précisément, elle travaille sur la "com interne", une sorte de ministère de l’Intérieur et de la communication local. Elle est donc grassement payée pour trouver des slogans aussi débiles que "nous sommes au service du client", ou encore "les hommes et les femmes de la banque ont pour objectif la qualité de service dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant avec les acteurs de l’économie nationale". Bref, un tissu de niaiseries auquel personne ne croit, et surtout pas Zakaria Boualem.
- Tu es Berbère ?
- Qui, moi ?!
La question de Aouatef arrive comme un petit mot sympa en plein journal télévisé de la TVM. Complètement hors sujet.
- Oui, toi. Tu es Berbère ?
- Heu non, je suis de Guercif. C’est dans le Far Est marocain. Là où les gens dansent en secouant les épaules. C’est très joli, d’ailleurs.
- Mais tu descends d’où ?
- Heu… du quatrième étage, direction de l’informatique. Un peu avant, je suis descendu du train qui vient de Guercif.
- Et tu n’es pas Berbère ?
- Non.
- Tu as tort : on est tous des Berbères. Tous les Marocains sont des Berbères. Si tu dis que tu n’es pas Berbère, c’est que tu es arabe. Donc tu nous a envahis, colonisés culturellement. Tu as pillé nos richesses, volé notre identité, et…
- Non, je ne suis pas arabe, juste Marocain. En plus, j’ai envahi personne, moi. Je voudrais bien envahir l'Europe, à la limite. Mais tout seul, parce que sinon, si on y va tous, ça va devenir comme ici, et ça servira plus à rien.
Ladite Aouatef se lance alors dans un discours violent où elle explique qu'elle est Berbère jusqu’à la moelle épinière, et que des gens comme Zakaria Boualem, qui refusent l’évidence de leur condition de Berbère, contribuent à perpétrer une imposture infâme. Le problème, c’est que Aouatef est une fassie BCBG, pur produit de Lyautey Anfa. En plus de vingt ans à Casablanca, elle est toujours incapable de demander son chemin en arabe. Incapable de communiquer avec le moindre darijophone sans se draper dans un accent de Neuilly. Dans ces conditions, l’entendre parler d’imposture a quelque chose de surréaliste. Zakaria Boualem ne comprend pas. Je sais, ça arrive souvent, que notre héros ne comprenne pas, mais je n’y peux rien, c’est notre pays qui est incompréhensible.
Puis, soudain, il comprend. Il comprend que Aouatef Bennis est mal dans sa peau de Marocaine. Globalement, elle n’est pas fière de son identité. Vu d’Occident, elle est placée dans le même sac que l’Arabie Saoudite, Al Qaïda et le colonel Khaddafi. Effectivement, ça n'a rien de glorieux. Du coup, cette histoire de berbérité lui a semblé une solution idéale. C’est vrai, quoi. Les Berbères sont cool : ils ont Zidane, Idir, ils ont un beau drapeau. Ils sont parfois même blonds. Ils respectent les femmes et ne posent pas de bombes. Qu’importe si Aouatef ne parle pas un traître mot de tachelhit, de tamazight ou de tarifit. Qu’importe si ses seuls séjours en pays berbère se limitent à quelques virées touristiques à Ouarzazate dans un 4X4 climatisé, il lui suffit d’idéaliser. Elle s'est autoproclamée Kabyle et elle se sent mieux dans sa carte nationale plastifiée. Soit. C’est sa réponse à la schizophrénie ambiante.
Zakaria Boualem décide de profiter de la situation et lance, avec des mots de velours : "Mani s teddit a yazenkod ? Idd anmoun a tasanu !". Faut bien s'adapter…
Nom : Boualem
Prénom : Zakaria
Né en 1976 à Guercif
Signe particulier : Marocain à tendance paranoïaque

C’est à la cantine de la banque que nous retrouvons Zakaria Boualem, héros avorté du Maroc moderne. Installé juste au-dessus de son assiette, l’homme médite sur sa condition, en mâchouillant consciencieusement un steak de marque Adidas. Lorsqu’il relève les yeux, c’est pour découvrir qu’une jeune demoiselle s’est installée en face de lui. Le charme légendaire des gens de l’Oriental n’y est pour rien et le manque de place dans la cantine pour beaucoup. La demoiselle en question répond au délicat prénom de Aouatef alias les sentiments. Et de sentiments, la belle en a déclenché beaucoup depuis son arrivée dans la banque il y a quelques semaines. Sa seule appartenance au sexe féminin non voilé en a fait un objet de fantasme collectif. En plus, Aouatef travaille au département Marketing et Communication, réservoir inépuisable bien connu de demoiselles de classe mondiale. Plus précisément, elle travaille sur la "com interne", une sorte de ministère de l’Intérieur et de la communication local. Elle est donc grassement payée pour trouver des slogans aussi débiles que "nous sommes au service du client", ou encore "les hommes et les femmes de la banque ont pour objectif la qualité de service dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant avec les acteurs de l’économie nationale". Bref, un tissu de niaiseries auquel personne ne croit, et surtout pas Zakaria Boualem.
- Tu es Berbère ?
- Qui, moi ?!
La question de Aouatef arrive comme un petit mot sympa en plein journal télévisé de la TVM. Complètement hors sujet.
- Oui, toi. Tu es Berbère ?
- Heu non, je suis de Guercif. C’est dans le Far Est marocain. Là où les gens dansent en secouant les épaules. C’est très joli, d’ailleurs.
- Mais tu descends d’où ?
- Heu… du quatrième étage, direction de l’informatique. Un peu avant, je suis descendu du train qui vient de Guercif.
- Et tu n’es pas Berbère ?
- Non.
- Tu as tort : on est tous des Berbères. Tous les Marocains sont des Berbères. Si tu dis que tu n’es pas Berbère, c’est que tu es arabe. Donc tu nous a envahis, colonisés culturellement. Tu as pillé nos richesses, volé notre identité, et…
- Non, je ne suis pas arabe, juste Marocain. En plus, j’ai envahi personne, moi. Je voudrais bien envahir l'Europe, à la limite. Mais tout seul, parce que sinon, si on y va tous, ça va devenir comme ici, et ça servira plus à rien.
Ladite Aouatef se lance alors dans un discours violent où elle explique qu'elle est Berbère jusqu’à la moelle épinière, et que des gens comme Zakaria Boualem, qui refusent l’évidence de leur condition de Berbère, contribuent à perpétrer une imposture infâme. Le problème, c’est que Aouatef est une fassie BCBG, pur produit de Lyautey Anfa. En plus de vingt ans à Casablanca, elle est toujours incapable de demander son chemin en arabe. Incapable de communiquer avec le moindre darijophone sans se draper dans un accent de Neuilly. Dans ces conditions, l’entendre parler d’imposture a quelque chose de surréaliste. Zakaria Boualem ne comprend pas. Je sais, ça arrive souvent, que notre héros ne comprenne pas, mais je n’y peux rien, c’est notre pays qui est incompréhensible.
Puis, soudain, il comprend. Il comprend que Aouatef Bennis est mal dans sa peau de Marocaine. Globalement, elle n’est pas fière de son identité. Vu d’Occident, elle est placée dans le même sac que l’Arabie Saoudite, Al Qaïda et le colonel Khaddafi. Effectivement, ça n'a rien de glorieux. Du coup, cette histoire de berbérité lui a semblé une solution idéale. C’est vrai, quoi. Les Berbères sont cool : ils ont Zidane, Idir, ils ont un beau drapeau. Ils sont parfois même blonds. Ils respectent les femmes et ne posent pas de bombes. Qu’importe si Aouatef ne parle pas un traître mot de tachelhit, de tamazight ou de tarifit. Qu’importe si ses seuls séjours en pays berbère se limitent à quelques virées touristiques à Ouarzazate dans un 4X4 climatisé, il lui suffit d’idéaliser. Elle s'est autoproclamée Kabyle et elle se sent mieux dans sa carte nationale plastifiée. Soit. C’est sa réponse à la schizophrénie ambiante.
Zakaria Boualem décide de profiter de la situation et lance, avec des mots de velours : "Mani s teddit a yazenkod ? Idd anmoun a tasanu !". Faut bien s'adapter…