Les détails d’une loi draconiennne sur les partis
Attendue depuis des décennies, la loi à venir sur les partis politiques devrait chambouler le paysage politique marocain.
Tout laisse à croire que la prochaine mouture du projet de loi sur les partis devrait réorganiser le champ politique. Initialement, ce projet de loi devait être présenté par « le défunt » ministère des Droits de l'Homme, avant que les événements tragiques du 16 mai 2003 ne viennent changer la donne, poussant les responsables du ministère de l'Intérieur à récupérer ce projet et à en proposer, plus tard, un premier jet. Le but, lancer la mise à niveau des partis politiques. Quelques semaines plus tard, le Souverain monte au créneau et insiste sur la nécessité de la réforme. Après le discours du Trône du 23 juillet dernier, les choses se précisent. Le ministère de l'Intérieur remet sa copie au lendemain de l'ouverture du Parlement. L'objectif, l'adoption de cette loi avant la fin de l'année.
En quelques semaines seulement, les choses se précipitent. Les élus devront amender cette loi qui sera votée par les deux chambres. Cependant, certains articles laissent perplexes plus d'un. D'abord, le projet de loi met en avant des conditions « draconiennes » pour la création de partis. Il requiert également, lors de l'étape de constitution d'une formation politique, une déclaration signée par 1000 membres fondateurs répartis, en fonction de leur résidence effective, dans au moins la moitié des régions du Royaume. Mais aussi un minimum de 1500 personnes pour que le congrès constitutif du parti soit valablement réuni. De plus, les partis devront présenter un programme bien précis et tenir leur congrès dans les délais prévus par leurs statuts. En d'autres termes, l'Etat veut mettre fin à l’effritement de la classe politique et obliger l'élite politique à instaurer une démocratie interne. Si l'approche a été bien reçue par les grands partis, certaines voix dénoncent cette manœuvre jugée « anticonstitutionnelle ». Pour l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur Abdallah Saâf, « cette initiative législative inspire deux observations : le choix de l'Etat de mettre fin à l'émiettement du champ politique et sa volonté de façonner les partis politiques. Sur ces deux point, il faut relever que cette démarche risque de biaiser le jeu démocratique. Il fallait dans un premier temps permettre à toutes les tendances de s'exprimer, surtout après avoir vécu depuis l'indépendance, sous un régime « contrôleur » des politiques ». Cette première étape allait permettre au champ politique de s'autoréguler. Dans la même ligne, le député du PJD Lahcen Daoudi rappelle que « la loi met des freins à toute initiative de création de parti. Mais le plus grave à nos yeux est le rôle du ministère de l'Intérieur qui se substitue à la justice ».
Le problème du financement
En effet, la loi permet à ce denier d'intervenir dans le processus de constitution et de fonctionnement des partis politiques. Pis, l'article 42 donne des prérogatives au ministre de l'Intérieur qui peut ordonner la suspension d'un parti. Ce point reste le plus contesté. Et pour cause, les politiques estiment que cette démarche permettra à l'Etat de contrôler indirectement le fonctionnement interne des partis. Un autre volet soulève également, la réaction des politiques : le financement des partis. Dès la publication de cette loi dans le bulletin officiel, les partis marocains seront obligés de certifier leurs comptes. Une manière directe d'interdire tout financement d'un parti par un pays étranger. « Il nous serait difficile d'imposer à nos adhérents de payer leurs cotisations avec des chèques. Nous devrons nous adapter à cette nouvelle donne. Mais d'un autre côté, cette loi est intéressante puisqu'elle interdit à toute formation d'utiliser la religion à des fins politiques », résume le secrétaire général du PPS, Ismail Alaoui.
Pression sur les islamistes
Une approche partagée par l'ensemble des partis représentés au Parlement. Même le PJD de Saâdedine Othmani se dit satisfait de cette approche. Même si la loi interdit aux partis de se réclamer d'une race éthnique, d'une langue ou d'une religion, Lahcen Daoudi précise « le PJD n'a pas de problème. Notre parti est ouvert à tout le monde ». Reste à savoir si l'Etat n'utilisera pas cet article de loi pour faire pression sur les islamistes. Cela dit, les responsables de l'USFP n'ont toujours pas pris position. Mais le député Ahmed Zaïdi réagit en précisant : « nous sommes satisfaits puisque c'est un texte modéré. Cela dit, nous travaillerons au sein du Parlement pour l'améliorer ». Ce qui est sûr, c'est que la classe politique adoptera cette loi, initiée et voulue par le Souverain, même si elle essayera de minimiser son impact. En d'autres termes, garder un statu0-quo qui bénéficie aux éléphants de la classe politique.
Mouaad Rhandi
lejournal-hebdo.com