Les Amazighs dénoncent leur exclusion de l'audiovisuel
LE MATIN 16.10.2006 | 16h16
Le Comité pour la défense de l'amazigh à la télévision a vivement critiqué l'attitude du gouvernement qui a failli, selon lui, à ses engagements en limitant la présence des productions amazighes dans les médias audiovisuels publics.
“ Le ministère de la Communication continue à user de toutes formes de tergiversations et d'atermoiements pour se dérober aux engagements qu'il a pris dans la convention signée avec l'Institut royal de la culture amazighe et en vertu de laquelle 30% des productions nationales des deux chaînes doivent être en amazigh ”, a souligné Ahmed Assid, chercheur à l'Ircam.
Cette convention, qui peine à se transformer en actions tangibles, est le fruit, rappelons le, de longues tractations entre le mouvement amazigh et les pouvoirs publics. Elle est intervenue dans la foulée des changements politiques et juridiques qui ont marqué la position de l'Etat marocain par rapport à la question de l'amazighité et dont le point d'orgue a été le discours de S.M. le Roi Mohammed VI à Ajdir et la promulgation du Dahir instituant l'Institut royal de la culture amazighe en 2001 (Ircam).
Mais, début 2006, les choses ont connu une évolution favorable avec la signature d'un cahier des charges entre la Haca d'une part et la SNRT et la Soread d'autre part pour la production d'une grille de programmes comprenant des bulletins d'information, des documentaires, des fictions et même des émissions pour enfants en amazigh. Mais, selon M. Assid, “ dix mois après, le bilan est nul et le résultat est zéro.
A chaque fois le ministère nous sort un prétexte pour justifier le non-respect de ses engagements ”.
Le militant amazigh qui semble ne pas mâcher ses mots n'a pas caché d'ailleurs sa “grande déception” de la réunion consacrée à la question qui a eu lieu vendredi dernier, au ministère de la Communication entre des représentants de l'Ircam et les directeurs des deux chaînes.
Il a indiqué que le ministère a justifié le retard enregistré dans l'application des accords passés entre les deux parties par le manque de temps. “ C'est un prétexte fallacieux parce qu'en moins de dix mois plusieurs émissions ont été réalisées avec une célérité extraordinaire. Donc, dire qu'il faut plus de temps n'est pas une excuse qui tient la route ” a-t-il rétorqué.
Autre prétexte invoqué par le ministère et que le militant amazigh réfute, celui ayant trait au manque de moyens pour le lancement d'une chaîne amazighe. Le Comité trouve qu'il est “ illogique de parler de manque de moyens alors qu'on vient de lancer deux chaînes (Arriadia, Assadissa) ”.
Même le prétexte de la médiocrité des productions amazighes semble peu convaincant selon le chercheur de l'Ircam, puisque “les programmes en arabe brillent par leur médiocrité légendaire et pourtant on en produit à tour de bras ”.
Le militant amazigh qui est aussi membre du Comité a dénoncé ainsi ce qu'il a appelé une politique de discrimination systématique à l'égard de l'amazigh, précisant qu'il y a “ des obstacles dressés intentionnellement par des mentalités rétrogrades et qui sont le produit d'une certaine formation politique, éducative et idéologique ”.
S'agissant de l'initiative prise par la deuxième chaîne et qui consiste à doubler certaines émissions en amazigh, le Comité estime qu'il s'agit là d'une initiative qui n'a rien à voir avec les engagements contenus dans le cahier des charges et qui ne résout aucunement le problème.
D'abord parce que “ la qualité de ces émissions doublées laissent à désirer ”, ensuite parce qu'elles sont programmées à des moments de la journée où personne ne regarde la télévision et enfin et c'est le plus important, selon M. Assid, parce que le doublage prive l'artiste, le metteur en scène et le scénariste amazighs de leur droit à la création, ce qui va à l'encontre des efforts visant la promotion de cette composante de la culture marocaine.
Pour “ réparer cette injustice ”, le Comité pour la défense de l'amazighité à la télévision ne compte pas rester les bras croisés. Il entend ainsi intenter des procès dans plusieurs tribunaux du Royaume aux personnes responsables de cette situation. Il entend également mener une vaste campagne de communication et de sensibilisation auprès de l'opinion publique, des associations de droits de l'Homme et des médias.
Il compte en outre lancer une pétition pour collecter les signatures et même interpeller les députés. Et pour finir, le Comité veut organiser un sit-in pour attirer l'attention sur ses revendications.
Abdelwahed Rmiche | LE MATIN