Ungal amazigh ( roman amazigh ).

Agraw_n_Bariz

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Ungal amazigh ( le roman amazigh ).


De plus en plus de romans sont publiés en Tamazight. Leurs auteurs écrivent de mieux en mieux. Ils sont même primés. Leurs aînés étaient portés sur le militantisme politique. Et eux, les nouveaux venus, sur le social et le religieux. Mais qui le sait ? Pas grand monde, pour l’instant.

“Le roman est une histoire feinte, écrite en prose, où l’auteur cherche à exciter l’intérêt par la peinture des passions, des mœurs, ou par la singularité des aventures”.

La définition que donne le littré du roman correspond parfaitement à l’Aghrum n Ihaqqaren (Le pain des corbeaux) de lhoussain Azergui. Aghrum n ihaqqaren est le nom d’une plante, d’un champignon empoisonné qui tue les humains et le bétail. Les Rifains l’appellent “Aghrum n tbaghra”. Dans son roman, l’auteur, lui-même journaliste, s’intéresse à “l’autocensure qu’exercent les journalistes sur eux-mêmes, de peur d’être assassinés, comme c’est le cas en Algérie durant les années noires, ou d’être emprisonnés ou licenciés. L’autocensure est semblable à un champignon qui tue les personnes qui le consomment. Il les tue doucement, mais sûrement.

C’est ce qui arrive d’ailleurs au personnage de mon roman. La censure est devenue pour lui une sorte de cauchemar qui le torture et finit par le tuer”. Le roman de lhoussain Azergui a reçu le prix international de la création littéraire amazighe en 2004 (Espagne/Université de Grenade). “Ce roman est né dans la douleur, le questionnement. C’est d’ailleurs le cas de la plupart des romans amazighen publiés depuis les années 90”, explique Azergui.

De la souffrance politique à la misère sociale C’est Ali Ikken qui a ouvert le bal avec Asekkif n Inzaden (La soupe de poils). Ce roman pionnier raconte les souffrances d’un groupe de militants incarcérés en 1994 au cours des événements de Goulmima. L’auteur, Ali Ikken, fait partie des enseignants qui ont été condamnés à trois ans de prison en 1994 avant d’être graciés par Hassan II.

Ce premier roman amazigh marocain a décroché le premier prix de création littéraire de Mouloud Mameri à Tizi Ouzou en 1995. Emboîtant le pas à Ikken, une nouvelle génération de romanciers va se lancer dans l’écriture romanesque avec une même constante, la peinture d’un vécu plutôt morose, axée le plus souvent sur des conflits identitaires ou sur un exil douloureux. Quand Mohamed Bouzaguou s’attelle à écrire son premier roman en 2001, il n’échappe pas à la tentation de raconter l’histoire de l’un de ses compatriotes, Omar Reddad en l’occurrence, piégé par sa candeur et qui se retrouve sur Les marches de l’échafaud (Ticri Gh tama n tsarrawt).

Dans Jar u jar (Entre ça et ça), le même Bouzaguou récidive en présentant cette fois-ci un roman qui se veut “un véritable miroir du quotidien rifain”. Tout y passe, la misère, le chômage, les affres d’une jeunesse perdue entre l’eldorado européen et “un Maroc du centre” plutôt repu. La dimension sociale de son œuvre, ancrée dans le Rif, se manifeste dans sa relecture de la confrontation entre un Rif rustique et primitif et une autre partie du Maroc alignée sur le modèle occidental. Il propose ainsi un questionnement sur la problématique identitaire des Rifains pour repenser les rapports interculturels dans notre société.

Naissance tardive et diffusion confidentielle.

Dans un autre registre, en 2004, Akounad Mohamed s’attaque, quant à lui, à la délicate question de l’exploitation de la religion à des fins politiques. Dans Tawargit d Imik (Un petit peu de rêve), l’auteur suit, pas à pas, les pérégrinations d’un fqih dans un douar reculé à Souss. Pour l’auteur, la suprématie imposée de la langue arabe n’est que le corollaire de la hiérarchie des positions dans le champ social. “Akunad explique, à travers son personnage, que pour protéger ses intérêts, le pouvoir se mure dans la forteresse d’une langue inaccessible pour le commun des amazighen.

Le fqih, en tant que représentant local du pouvoir, doit absolument, sous peine d’exclusion, interdire à ce peuple l’accès au champ de la connaissance” rappelle cet étudiant en littérature de l’Université d’Agadir, auteur d’un mémoire sur ce roman. La publication timide de ces quelques romans ne doit pas faire oublier qu’aujourd’hui, il y a juste une dizaine de romanciers qui se partagent la dure tâche de lancer un genre littéraire inédit jusque-là chez les Imazighen. Actuellement au Maroc, il y a une production plus ou moins abondante en tamazight. Beaucoup d’ouvrages ont paru récemment, notamment des recueils de nouvelles et de poésie mais très peu de romans. Il n’en existe que neuf en Tamazight, d’une grande qualité, selon la plupart des spécialistes consultés.

“Ce n’est que depuis les années 90 que l’on a vu éclore quelques timides tentatives de création romanesque”, précise Ahmed Assid, chercheur à l’Ircam. Il lie ce retard à deux choses, la première, c’est que la littérature amazighe a eu du mal à passer de l’oral à l’écrit et la seconde est que la demande en ouvrages écrits dans cette langue est évidemment, jusqu’à présent, très faible. La langue amazighe n’a d’ailleurs été promue au rang de langue nationale qu’en 2001 par le dahir d’Ajdir du 17 octobre 2001. Toutefois, plusieurs problèmes entravent encore le développement du livre amazigh d’une manière générale et du roman en particulier, notamment la distribution. Celle-ci est déplorable. Cette littérature n’a pas encore réussi à drainer de lecteurs, vu sa jeunesse et le fait que les médias ne lui donnent aucune place.

Le constat s’impose de lui-même : le roman amazigh est coupé de ses lecteurs naturels. Estimant que le passage de l’oral à l’écrit “est aujourd’hui une réalité indéniable”, Azergui considère qu’il y a une absence délibérée de politique du livre en langue amazighe. “La presse, les pouvoirs publics et l’école, précise-t-il, n’ont jamais encouragé la lecture des écrits en langue amazigh. Les professeurs d’université eux-mêmes, ne se donnent pas la peine d’inviter un auteur pour débattre de son livre”. Même constat négatif chez Mohamed Bouzaghou, qui explique : “Personne n’assume la prise en charge de la distribution du roman amazigh, ce qui fait que les gens qui écrivent de très belles choses dans cette langue ne pensent pas à éditer leurs romans et ceux qui ont le courage de le faire se contentent de le distribuer eux-mêmes par leurs propres moyens”.

D’une manière générale, il semble que la plupart des romans amazighen servent en fait d’alibi pour une écriture qui tente de relater le vécu de tout un peuple longtemps “empêché” de parler et d’écrire dans sa langue natale. Les romans partent en général de faits réels pour s’attarder sur la lutte des amazighen contre la censure, l’exclusion ou encore l’islamisme rampant. Ce qui pourrait déranger, c’est que par-delà le texte littéraire, les auteurs semblent céder facilement à la tentation de régler leurs comptes avec la société arabe et le monde politique en général, ce qui pose un problème de fond, à savoir comment sortir de la littérature engagée, une littérature essentiellement à portée revendicatrice ou militante.

Par Abdellatif El Azizi.

Source : telquel.
 
Romanciers. La nouvelle garde

“Je n’ai que l’idée que je me fais de moi-même pour me soutenir sur les mers du néant”, disait Montherlant... Un peu dépassé comme credo ? Ce n’est pas l’avis de la nouvelle garde des romanciers amazighen. Ces jeunes loups de cette littérature se font une idée tellement noble de leur culture et de leur identité qu’ils comptent bien en payer le prix pour “l’émergence d’une véritable tradition romanesque amazighe au Maroc”. On assiste ainsi à la naissance d’une génération d’auteurs qui écrivent dans une langue soignée. Ils sont pour l’instant, près d’une dizaine de romanciers qui font de la pratique de ce genre littéraire une véritable profession de foi. “Ecrire en tamazight n’est pas un fait anodin, ni dépourvu de sens. Je considère ce fait comme une forme de résistance à toutes les politiques qui visent notre extermination pure et simple. J’écris en tamazight parce que c’est la seule langue qui me permette de dire ce que je ressens au fond de moi. C’est une très belle langue. S’investir dans le roman nous permettra d’ailleurs de la préserver”, explique l’auteur de Aghrum n Ihaqqaren (Le pain des corbeaux), lhoussain Azergui, qui tente tant bien que mal de concilier son métier de journaliste avec sa passion de l’écriture amazighe.

Par Abdellatif El Azizi.

Source : telquel
 
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