« L’école : instrument de promotion pour l’exode vers la ville.
« Le développement de l’institution scolaire à Ghoujdama correspondait généralement à celui des zones rurales dans le reste du pays. Au moment même où un dahir royal instituait l’école obligatoire pour tous les enfants garçons ou filles- « l’enseignement est obligatoire pour ls enfants marocains des deux sexes depuis l’année où ils atteignent l’âge de 7ans jusqu’à 13 révolus »( Boufatma :282)-, une deuxième école fut créée à souq Larbâ. Ljmaât de la localité des Aït Iktel a agrandi l’établissement en construisant à ses frais une deuxième classe et le logement de l’instituteur. D’autres écoles furent édifiées dans différentes localités de la tribu, surtout dans la zone du Dir. On dénombre actuellement trente et une classe répartie en différente écoles satellites du groupement scolaire crée au barrage de Moulay Youssef à Aït Adel.
Ces classes comptaient en 1989, 982 élèves sur une population totale de 19 392 habitants ( Aït Ourir, 3, 1989 : 13). Cette année-là on a constaté que 59 élèves ont accédé à l’enseignement secondaire et 10 à l’enseignement supérieur. Si l’on croit les propos de C. Crépeau, ces résultats distinguent les Ghoujdama des régions voisines, notamment des régions montagnardes : « Dans beaucoup d’écoles primaires de l’Ounein et du pays Id Daoud ou ali aucun succès au certificat d’études primaires n’a été enregistré depuis quelques années » (1986 : 254).
Bien sur la patrie nord de la tribu ( les fractions des Aït Saâdelli et des Aït hsen) totalise plus de 70% des équipements scolaires, en raison de la proximité de la route goudronnée et des centres administratifs et économiques ( souq Larbâ, le barrage Moulay Youssef, et enfin le Cercle des Aït Ourir). Il est vrai que le pourcentage des effectifs scolarisés est encore loin d’atteindre la moyenne nationale dans les zones rurales, qui est de 15% environ. Dans d’autres régions ils s’élevait en 1979 à 20% ( Boufatma : 286) ; A Ghoujdama, en 1989, il était de 5% de la population totale ( Aît Ourir, 3, 1989 : 7).
Malgré quelques réticences observées dans les premiers temps, la population n’a jamais refusé l’institution scolaire. Il est vrai que l’école est toujours ici , une revendication de premier ordre . La plupart des établissements ne peuvent assurer la scolarité à tous les enfants qui la réclament. L’on ne peut donc affirmer que les familles s’en désintéressent ( Crépeau, 1986 : 254) ou que les « établissements sont sous utilisés par manque d’élèves ( Zouggari, 1988 : 82) ; En 1989, on comptait 32 élèves par classe. Par ailleurs, on note la dégradation des locaux, le manque d’équipement pédagogique et surtout l’inadaptation des instituteurs qui n’apprécient guère l’inconfortable vie rurale. L’absentéisme des maitres souvent avec la complicité de leurs supérieurs pouvait durer jusqu’à quatre mois, décourage de nombreux parents de cette institution qu’ils croient, du reste, incontournable. En 1984, le président de la commune, avait prié le délégué provincial de l’Education nationale de mettre un terme à ce phénomène . Si en fait, l’école n’est ni équipée ni conçue pour s’adapter en milieu rurale comme l’avancent certains, d’ailleurs avec raison ( Zouggari, 1988 : 8 3), la population de Ghoujdama l’a adaptée à sa manière. En effet l’école n’est plus perçue comme l’unique soutien aux problèmes de sous-développement ; la scolarisation n’est plus pour les parents un investissement pour obtenir un travail dans la fonction publique. C’est plutôt une institution qui prépare l’enfant à affronter l’inévitable exode rural ou encore la terrible vie administrative régit par la « paperasse ». en l’espace de vingt ans, l’école moderne est devenue une nécessité pour l’adaptation des enfants à la vie actuelle surtout hors du village : ne personne scolarisée trouve plus facilement du travail qu’un illettré, et accède souvent aisément à des qualifications professionnelles. Même l’école coranique rivale , recrute ses meilleurs éléments parmi les élèves de l’école moderne qui assimile facilement le Livre sacré. Il en résulte que ces deux institutions ne sont plus en conflit mais complémentaires. La plupart des jeunes ayant appris le coran ces dernières années, sont passés par l’école moderne. Une fois de plus force est de constater combien cette institution intruse, missionnaire par excellence, assimilatrice, a été neutralisée et adoptée par le génie communautaire. »
Ali Amahan- Mutations sociales dans le Haut –Atlas, les Ghoujdama ( 1998)
Ce texte pour essayer d’illustrer un peu le rôle joué par l’école dans un village amazigh.
Je regrette que l’auteur n’ait pas été plus explicite sur la confrontation au sein de l’école entre les langues : amazigh/arabe et ses conséquences sur la vie des villageois. On comprend juste par les termes laconiques mais révélateurs « d’école, missionnaire et assimilatrice » que la mission première dévolue à l’école par le régime actuel est bien l’arabisation des populations autochtones.
« A été neutralisée et adoptée par le génie communautaire » : je n’ai pas compris ce que l’auteur a voulu dire, il se contente d’affirmer sans rien démontrer.
Agerzam a dit:
« Malheureusement, la situation d'exclusion du tamazight au Maroc est telle que si ces gens veulent s'en sortir, il est préférable pour eux de savoir lire et pratiquer l'arabe.
Comment alors sortir de ce cercle vicieux ?!
Ne pas leur apprendre l'arabe, mais contribuer au maintien de leur isolement ?
Leur apprendre pour qu'ils aient accès à...à quoi au juste ? »
ils auraient accès… au jargon administratif, de ce fait l’état ne verrait plus aucune raison à satisfaire l’une des revendications du mouvement amazigh qui serait l’introduction d’interprètes au sein des services administratifs !
Néanmoins, l’école est nécessaire ou plus exactement l’éducation demeure indispensable : l’ignorance est un fléau.
L’école est nécessaire à nos villages, mais pas n’importe quelle école : il faut que cette dernière remplisse les missions élémentaires que l’on attend d’elle à savoir : apprendre à lire, écrire, permettre l’accès à tous les savoirs, et surtout donner aux enfants les moyens de pouvoir réfléchir et raisonner par eux-mêmes :
L’unique solution me semble t’il : une vaste réforme du système éducatif visant non seulement à enseigner de façon sérieuse la langue amazigh au sein de chaque école, à valoriser notre langue, à introduire la composante amazigh dans les manuels d’histoire, à sa place légitime, mais aussi à donner à l’école les moyens de pouvoir remplir ses missions élémentaires cités plus haut.
Donc non à une école assimilatrice, oui à un enseignement de qualité respectueux des valeurs humaines et culturelles de chaque peuple !