S'il est un thème sur lequel les autorités marocaines devront inéluctablement se pencher, c'est bien le patrimoine culturel et cultuel national devant être exporté vers la communauté marocaine émigrante. C'est un sujet sensible, souvent mis en exergue mais jamais rigoureusement traité. Une pléiade d'institutions prétend en détenir la paternité ou l'exclusivité, sans vraiment y consacrer l'attention scientifique, ni les moyens logistiques nécessaires à sa diffusion.
On s'en sert comme moyen de propagande ou de pression, sans pour autant produire un concept ou donner une idée précise de ce que devraient être les labels culturel et cultuel marocains, à destination de l'émigration.
Afin d'être pragmatique et agissant en matière de rayonnement civilisationnel, il faudrait d'abord s'interroger sur ce qu'on voudrait propager, en concevoir un modèle, pour finalement en déterminer le mode véhiculaire. Un calendrier avec planning, définition, réalisation et propagation des normes et valeurs à dispenser, est une obligation majeure et une opération incontournable, dans tout processus de transmission culturelle et cultuelle; si l'on aspire à conférer à ce volet, très important de l'émigration, toute la rigueur scientifique qu'il requiert.
Cependant, dans toute démarche méthodique tendant à définir le label culturel marocain, pour n'aborder que cette section de ce dossier multidimensionnel, réside la difficulté de se heurter à plusieurs revendications, dues principalement aux spécificités constitutives de l'environnement culturel national.
Des voies s'élèveront pour légitimement rappeler que ce produit doit refléter l'esprit et la forme de ce qui est désormais communément convenu d'appeler la mosaïque culturelle marocaine, composée de plusieurs entités, toutes aussi enrichissantes les unes que les autres. Afin de parvenir à des choix consensuels où toutes les spécificités s'y retrouveront, on sera inévitablement amené à faire abstraction des velléités étroitement régionalistes.
En adhérant à cette démarche, chacun souscrira implicitement à la suprématie de l'intérêt national. Présenter le patrimoine culturel marocain, sous un état recevable et fidèle, deviendrait, dans ce cas de figure, un devoir civique. Néanmoins, les sciences humaines n'ayant pas encore pu, sans équivoque, accéder au statut rationnel qu'on veuille bien leur accorder, on risque d'être confronté à des choix difficiles, engendrés par des divergences de fond et de forme, sur le contenu qu'on allouerait au patrimoine culturel national, et sur la méthodologie adoptée dans l'élaboration de ce label, désormais commun à tous.
C'est ainsi que des interrogations s'élèveront pour s'enquérir de la procédure de mise en chantier du travail d'identification et des critères et paramètres retenus dans l'acte de catégorisation de la culture marocaine. Seront-ils régionaux ou nationaux? Devront-ils occulter ou mettre en exergue nos différences? Auront-ils un caractère administratif ou populiste?
Nul doute que cette première étape s'annonce difficile car toute spécificité culturelle marocaine a droit d'existence et de manifestation au sein de l'entité d'ensemble qu'est le patrimoine national. Cependant, comparée au travail de lifting que requiert tout produit culturel à destination de la communauté marocaine de l'étranger, cette phase ne peut faire figure d'écueil majeur. En effet, le chalenge que suscite la conception d'un tel produit est double et s'apparente plutôt à un exercice d'équilibriste.
Il s'agira de faire configurer l'équilibre culturel marocain local dans un label, destiné à une communauté cosmopolite et éparse; vivant dans des contextes multilingues, multiculturels et multi-ethniques. Il faut donc que ce produit réponde à la fois aux aspirations des Marocains de l'intérieur, et à ceux de leurs concitoyens de l'extérieur. Une image en cinq dimensions de la culture marocaine, compte tenu du calibrage souhaité par la communauté marocaine à l'étranger, et certainement aussi par les pays de résidence, s'avérerait, dans ce cas précis, d'une importance capitale.
Spécialement en cette période post 11 septembre où tout ce qui est arabe et musulman est aisément assimilé au terrorisme. Pour que ce label soit donc accepté et adopté par tous, il faut qu'il soit modelé, dosé et propagé en fonction d'éléments qui, à première vue, paraissent incontournables.
Certes, dans toute approche multilatérale, démocratique et transparente, il y des conditions dont le caractère indispensable ne tolère aucun déni, mais cet état de consécration ne leur permet pas pour autant de s'ériger en entrave, à une quelconque expression de la souveraineté culturelle du Maroc. Et s'il y a une chose dont le label culturel national doit malgré tout principalement s'en revendiquer, c'est, aussi évident que cela pourra paraître, la spécificité.
En effet, à quoi cela sert-il de prétendre à une identité culturelle unique et établir, dans la même foulée, plusieurs types de produits, adaptés aux vœux des différentes communautés marocaines à l'étranger ou à ceux de leurs pays de résidence? En agissant de la sorte, on porte atteinte à l'intégrité culturelle marocaine, de même, qu'on risque de semer la perplexité parmi les enfants d'origine marocaine, à travers le monde, et de creuser, encore un peu plus, le fossé culturel séparant ces mêmes enfants, de leurs compatriotes au Maroc.
En prophylaxie à toute dispersion identitaire, il est fortement préconisé de ne pas culturellement différencier les enfants marocains à travers le monde car, même s'ils vivent dans des pays distincts, côtoient des cultures différentes, ils restent tout de même amarrés au pays par ce lien indéfectible qu'est "la marocanité". Et cette qualité n'est pas abstraite, ni se limite à la détention d'un passeport ou à la possession d'un bien au pays; c'est une condition commune et une responsabilité partagée qui puisent leur raison d'être dans l'identité culturelle nationale. Unie dans sa manifestation et diverse dans sa composition, elle constitue l'exception marocaine, générée d'apports arabe, amazighe, tachelhite, tarifite et hassanite. Elle ne peut se conjuguer ni se manifester qu'en apothéose osmotique de ces composantes culturelles.
Toutefois, cette diversité culturelle ne doit, en aucun cas, servir de prétexte à une quelconque tentative de fragmentation de l'identité nationale ou à la remise en cause de la langue officielle de la religion, de l'administration et des médias. En effet, nul ne peut ni doit remettre en question le statut de la langue arabe classique. Elle est dénominateur commun aux Marocains et lien panarabe. Elle nous unit entre nous et nous lie à la nation du " dhadh ". Elle fait du Marocain ce qu'il est : un être unique dans sa spécificité et universel dans phonation.
C'est d'ailleurs grâce à cette propriété fédératrice que cette langue a acquis ses lettres de pérennité. Afin qu'elle puisse également servir d'élément de synergie et de symbiose, auprès des Marocains du monde, elle ne doit pas être dispensée dans son état cachectique. Elle est assignée à véhiculer en son sein le patrimoine culturel marocain, de façon à faire fonction de vecteur identitaire. Cette mission lui permettra de satisfaire au besoin culturel qu'éprouvent les jeunes marocains à travers le monde, en remplissant notamment une vacuité dans laquelle peuvent perfidement se déverser immondices et vibrions sociaux.
De par cette fonction, la langue arabe accédera au statut tant convoité de rempart contre les enseignements ne prêchant pas le respect et l'amitié entre les peuples. En abordant cette question de l'enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine, on devait inéluctablement disserter sur les ressources humaines et matérielles, mises au service de cette langue. On sera donc amené à traiter sommairement du cadre, de la fonction et des compétences des enseignants, ainsi que des moyens didactiques mis à leur disposition.
L'enseignement de l'Arabe est divisé en deux grandes catégories distinctes mais complémentaires : l'intégré et le parallèle. Si le premier représente l'indéniable avantage d'être dispensé dans le cadre de conventions culturelles bilatérales, engageant le Maroc et différents pays de résidence, il n'en demeure pas moins qu'il souffre de dénutrition culturelle. En effet, laïcité oblige, l'arabe dispensé dans ce cadre précis est formulé dans son expression la plus démunie.
Il est vidé de sa substance culturelle et se contente d'une manifestation purement technique. Les enseignants le dispensant sont presque tous issus du ministère marocain de l'enseignement et de l'éducation et bénéficient d'une situation administrative évolutive. Ils sont donc sécurisés sur le plan social mais restreints sur le plan professionnel. Par contre, les enseignants parallèles bénéficient d'une liberté totale dans l'exercice de leur fonction.
Ils choisissent leur propre matériel didactique et enseignent la langue arabe dans toute sa teneur culturelle. Pourtant, leurs statuts ne sont pas conventionnellement définis et diffèrent d'un pays de résidence à l'autre. Initialement issus du ministère marocain des habous et des affaires islamiques, ils dépendent de la Fondation Hassan II, depuis 1992. Elle en a fait des nomades administratifs, sans cadre précis ni promotion salariale ou professionnelle.
Elle les utilise comme devanture culturelle, pour accéder à une quelconque crédibilité, sans pour autant s'intéresser à leur situation socioprofessionnelle, en dégradation continue. Ces enseignants possèdent donc des potentialités sur le plan culturel mais demeurent lésés sur le plan administratif et social. Et s'ils remplissent encore leur mission éducative, c'est beaucoup plus par patriotisme que par motivation professionnelle.
Qualifié de parent pauvre de la politique éducative marocaine à l'étranger, cet enseignement est en train de prendre sa revanche sur le sort qu'on lui toujours réservé, en s'imposant notamment comme alternative sérieuse, aux aléas engendrés par l'application de certaines conventions culturelles, très mal négociées.
Cependant, au lieu de le valoriser, l'ambassadeur du Maroc aux Pays-Bas, contrairement aux recommandations de tous les professionnels de la culture et suite à une interprétation très personnalisée de textes néerlandais, a mis un terme à la mission culturelle et pédagogique qu'occupaient les cadres de la fondation Hassan II, auprès des mosquées et associations culturelles marocaines.
Décision prise à un moment où cette mission était résolument engagée à impliquer activement la société civile marocaine dans le projet de règne qu'est l'initiative nationale de développement humain. Malencontreuse décision qui traduit l'absence de stratégie culturelle marocaine à destination de la communauté marocaine aux Pays- Bas; tout en soulevant le problème des compétences en matières culturelle et cultuelle au sein des représentations diplomatiques marocaines.
Quant aux manuels scolaires utilisés par les enfants marocains à l'étranger, ils sont devenus source de spéculations et méritent qu'on s'y atèle de plus près. En effet, combien de fois l'on a assisté à des voyages d'étude, dans les pays de résidence, qui, en fait, n'ont jamais dépassé leur cadre accessoire de visite d'agrément, au frais des contribuables. Les bénéficiaires n'ont jamais produit le moindre ouvrage scolaire, mais ont simplement ajouté une voix et un étai de circonstance à ceux qui leur ont permis de voyager et de gagner un peu d'argent, sur le dos de la communauté marocaine de l'étranger.
D'autres (ir)responsables, plus locaux, tentent, sans gène ni remord, de brader l'identité culturelle marocaine en adoptant des manuels de pays tiers, parce qu'offerts ou cédés à des prix défiant toute concurrence. Ils oublient que derrière ce mécénat, supposé désintéressé, se profile une stratégie d'endoctrinement, tendant à se substituer à nos préceptes et enseignements, basés sur le respect, la tolérance et l'amitié entre les peuples. Le Maroc regorge de publications scolaires, officielles de surcroît, qui ne demandent qu'à servir la cause culturelle nationale. Elles sont disponibles, claires, complètes et marocaines par-dessus tout.
Elles peuvent, pour autant qu'on y mette la volonté nécessaire, devenir référence, repère et cordon ombilical, reliant tous les enfants marocains à travers le monde. Quant à la cadence, au dosage et au lissage de leur contenu, ils sont confiés à la perspicacité des enseignants pratiquant dans les pays de résidence. Ils en possèdent la dextérité et connaissent parfaitement l'environnement scolaire et social dans lequel évoluent leurs pupilles.
En guise de conclusion, et si l'on devait résumer cet écrit, l'on dirait que la phase de conception et de production du label culturel national incombe aux Marocains de l'intérieur, celle de sa distribution à ceux de l'extérieur et sa posologie laissée à l'appréciation des consommateurs. Ils pourront savourer le produit à leur convenance. Qu'il soit nappé à la sauce française, hollandaise, italienne, allemande, espagnole, américaine, etc. sa consistance n'en pâtira pas pour autant.
* Omar El Bacha est enseignant-chercheur. Amsterdam - Pays-Bas
Omar El Bacha | LE MATIN
On s'en sert comme moyen de propagande ou de pression, sans pour autant produire un concept ou donner une idée précise de ce que devraient être les labels culturel et cultuel marocains, à destination de l'émigration.
Afin d'être pragmatique et agissant en matière de rayonnement civilisationnel, il faudrait d'abord s'interroger sur ce qu'on voudrait propager, en concevoir un modèle, pour finalement en déterminer le mode véhiculaire. Un calendrier avec planning, définition, réalisation et propagation des normes et valeurs à dispenser, est une obligation majeure et une opération incontournable, dans tout processus de transmission culturelle et cultuelle; si l'on aspire à conférer à ce volet, très important de l'émigration, toute la rigueur scientifique qu'il requiert.
Cependant, dans toute démarche méthodique tendant à définir le label culturel marocain, pour n'aborder que cette section de ce dossier multidimensionnel, réside la difficulté de se heurter à plusieurs revendications, dues principalement aux spécificités constitutives de l'environnement culturel national.
Des voies s'élèveront pour légitimement rappeler que ce produit doit refléter l'esprit et la forme de ce qui est désormais communément convenu d'appeler la mosaïque culturelle marocaine, composée de plusieurs entités, toutes aussi enrichissantes les unes que les autres. Afin de parvenir à des choix consensuels où toutes les spécificités s'y retrouveront, on sera inévitablement amené à faire abstraction des velléités étroitement régionalistes.
En adhérant à cette démarche, chacun souscrira implicitement à la suprématie de l'intérêt national. Présenter le patrimoine culturel marocain, sous un état recevable et fidèle, deviendrait, dans ce cas de figure, un devoir civique. Néanmoins, les sciences humaines n'ayant pas encore pu, sans équivoque, accéder au statut rationnel qu'on veuille bien leur accorder, on risque d'être confronté à des choix difficiles, engendrés par des divergences de fond et de forme, sur le contenu qu'on allouerait au patrimoine culturel national, et sur la méthodologie adoptée dans l'élaboration de ce label, désormais commun à tous.
C'est ainsi que des interrogations s'élèveront pour s'enquérir de la procédure de mise en chantier du travail d'identification et des critères et paramètres retenus dans l'acte de catégorisation de la culture marocaine. Seront-ils régionaux ou nationaux? Devront-ils occulter ou mettre en exergue nos différences? Auront-ils un caractère administratif ou populiste?
Nul doute que cette première étape s'annonce difficile car toute spécificité culturelle marocaine a droit d'existence et de manifestation au sein de l'entité d'ensemble qu'est le patrimoine national. Cependant, comparée au travail de lifting que requiert tout produit culturel à destination de la communauté marocaine de l'étranger, cette phase ne peut faire figure d'écueil majeur. En effet, le chalenge que suscite la conception d'un tel produit est double et s'apparente plutôt à un exercice d'équilibriste.
Il s'agira de faire configurer l'équilibre culturel marocain local dans un label, destiné à une communauté cosmopolite et éparse; vivant dans des contextes multilingues, multiculturels et multi-ethniques. Il faut donc que ce produit réponde à la fois aux aspirations des Marocains de l'intérieur, et à ceux de leurs concitoyens de l'extérieur. Une image en cinq dimensions de la culture marocaine, compte tenu du calibrage souhaité par la communauté marocaine à l'étranger, et certainement aussi par les pays de résidence, s'avérerait, dans ce cas précis, d'une importance capitale.
Spécialement en cette période post 11 septembre où tout ce qui est arabe et musulman est aisément assimilé au terrorisme. Pour que ce label soit donc accepté et adopté par tous, il faut qu'il soit modelé, dosé et propagé en fonction d'éléments qui, à première vue, paraissent incontournables.
Certes, dans toute approche multilatérale, démocratique et transparente, il y des conditions dont le caractère indispensable ne tolère aucun déni, mais cet état de consécration ne leur permet pas pour autant de s'ériger en entrave, à une quelconque expression de la souveraineté culturelle du Maroc. Et s'il y a une chose dont le label culturel national doit malgré tout principalement s'en revendiquer, c'est, aussi évident que cela pourra paraître, la spécificité.
En effet, à quoi cela sert-il de prétendre à une identité culturelle unique et établir, dans la même foulée, plusieurs types de produits, adaptés aux vœux des différentes communautés marocaines à l'étranger ou à ceux de leurs pays de résidence? En agissant de la sorte, on porte atteinte à l'intégrité culturelle marocaine, de même, qu'on risque de semer la perplexité parmi les enfants d'origine marocaine, à travers le monde, et de creuser, encore un peu plus, le fossé culturel séparant ces mêmes enfants, de leurs compatriotes au Maroc.
En prophylaxie à toute dispersion identitaire, il est fortement préconisé de ne pas culturellement différencier les enfants marocains à travers le monde car, même s'ils vivent dans des pays distincts, côtoient des cultures différentes, ils restent tout de même amarrés au pays par ce lien indéfectible qu'est "la marocanité". Et cette qualité n'est pas abstraite, ni se limite à la détention d'un passeport ou à la possession d'un bien au pays; c'est une condition commune et une responsabilité partagée qui puisent leur raison d'être dans l'identité culturelle nationale. Unie dans sa manifestation et diverse dans sa composition, elle constitue l'exception marocaine, générée d'apports arabe, amazighe, tachelhite, tarifite et hassanite. Elle ne peut se conjuguer ni se manifester qu'en apothéose osmotique de ces composantes culturelles.
Toutefois, cette diversité culturelle ne doit, en aucun cas, servir de prétexte à une quelconque tentative de fragmentation de l'identité nationale ou à la remise en cause de la langue officielle de la religion, de l'administration et des médias. En effet, nul ne peut ni doit remettre en question le statut de la langue arabe classique. Elle est dénominateur commun aux Marocains et lien panarabe. Elle nous unit entre nous et nous lie à la nation du " dhadh ". Elle fait du Marocain ce qu'il est : un être unique dans sa spécificité et universel dans phonation.
C'est d'ailleurs grâce à cette propriété fédératrice que cette langue a acquis ses lettres de pérennité. Afin qu'elle puisse également servir d'élément de synergie et de symbiose, auprès des Marocains du monde, elle ne doit pas être dispensée dans son état cachectique. Elle est assignée à véhiculer en son sein le patrimoine culturel marocain, de façon à faire fonction de vecteur identitaire. Cette mission lui permettra de satisfaire au besoin culturel qu'éprouvent les jeunes marocains à travers le monde, en remplissant notamment une vacuité dans laquelle peuvent perfidement se déverser immondices et vibrions sociaux.
De par cette fonction, la langue arabe accédera au statut tant convoité de rempart contre les enseignements ne prêchant pas le respect et l'amitié entre les peuples. En abordant cette question de l'enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine, on devait inéluctablement disserter sur les ressources humaines et matérielles, mises au service de cette langue. On sera donc amené à traiter sommairement du cadre, de la fonction et des compétences des enseignants, ainsi que des moyens didactiques mis à leur disposition.
L'enseignement de l'Arabe est divisé en deux grandes catégories distinctes mais complémentaires : l'intégré et le parallèle. Si le premier représente l'indéniable avantage d'être dispensé dans le cadre de conventions culturelles bilatérales, engageant le Maroc et différents pays de résidence, il n'en demeure pas moins qu'il souffre de dénutrition culturelle. En effet, laïcité oblige, l'arabe dispensé dans ce cadre précis est formulé dans son expression la plus démunie.
Il est vidé de sa substance culturelle et se contente d'une manifestation purement technique. Les enseignants le dispensant sont presque tous issus du ministère marocain de l'enseignement et de l'éducation et bénéficient d'une situation administrative évolutive. Ils sont donc sécurisés sur le plan social mais restreints sur le plan professionnel. Par contre, les enseignants parallèles bénéficient d'une liberté totale dans l'exercice de leur fonction.
Ils choisissent leur propre matériel didactique et enseignent la langue arabe dans toute sa teneur culturelle. Pourtant, leurs statuts ne sont pas conventionnellement définis et diffèrent d'un pays de résidence à l'autre. Initialement issus du ministère marocain des habous et des affaires islamiques, ils dépendent de la Fondation Hassan II, depuis 1992. Elle en a fait des nomades administratifs, sans cadre précis ni promotion salariale ou professionnelle.
Elle les utilise comme devanture culturelle, pour accéder à une quelconque crédibilité, sans pour autant s'intéresser à leur situation socioprofessionnelle, en dégradation continue. Ces enseignants possèdent donc des potentialités sur le plan culturel mais demeurent lésés sur le plan administratif et social. Et s'ils remplissent encore leur mission éducative, c'est beaucoup plus par patriotisme que par motivation professionnelle.
Qualifié de parent pauvre de la politique éducative marocaine à l'étranger, cet enseignement est en train de prendre sa revanche sur le sort qu'on lui toujours réservé, en s'imposant notamment comme alternative sérieuse, aux aléas engendrés par l'application de certaines conventions culturelles, très mal négociées.
Cependant, au lieu de le valoriser, l'ambassadeur du Maroc aux Pays-Bas, contrairement aux recommandations de tous les professionnels de la culture et suite à une interprétation très personnalisée de textes néerlandais, a mis un terme à la mission culturelle et pédagogique qu'occupaient les cadres de la fondation Hassan II, auprès des mosquées et associations culturelles marocaines.
Décision prise à un moment où cette mission était résolument engagée à impliquer activement la société civile marocaine dans le projet de règne qu'est l'initiative nationale de développement humain. Malencontreuse décision qui traduit l'absence de stratégie culturelle marocaine à destination de la communauté marocaine aux Pays- Bas; tout en soulevant le problème des compétences en matières culturelle et cultuelle au sein des représentations diplomatiques marocaines.
Quant aux manuels scolaires utilisés par les enfants marocains à l'étranger, ils sont devenus source de spéculations et méritent qu'on s'y atèle de plus près. En effet, combien de fois l'on a assisté à des voyages d'étude, dans les pays de résidence, qui, en fait, n'ont jamais dépassé leur cadre accessoire de visite d'agrément, au frais des contribuables. Les bénéficiaires n'ont jamais produit le moindre ouvrage scolaire, mais ont simplement ajouté une voix et un étai de circonstance à ceux qui leur ont permis de voyager et de gagner un peu d'argent, sur le dos de la communauté marocaine de l'étranger.
D'autres (ir)responsables, plus locaux, tentent, sans gène ni remord, de brader l'identité culturelle marocaine en adoptant des manuels de pays tiers, parce qu'offerts ou cédés à des prix défiant toute concurrence. Ils oublient que derrière ce mécénat, supposé désintéressé, se profile une stratégie d'endoctrinement, tendant à se substituer à nos préceptes et enseignements, basés sur le respect, la tolérance et l'amitié entre les peuples. Le Maroc regorge de publications scolaires, officielles de surcroît, qui ne demandent qu'à servir la cause culturelle nationale. Elles sont disponibles, claires, complètes et marocaines par-dessus tout.
Elles peuvent, pour autant qu'on y mette la volonté nécessaire, devenir référence, repère et cordon ombilical, reliant tous les enfants marocains à travers le monde. Quant à la cadence, au dosage et au lissage de leur contenu, ils sont confiés à la perspicacité des enseignants pratiquant dans les pays de résidence. Ils en possèdent la dextérité et connaissent parfaitement l'environnement scolaire et social dans lequel évoluent leurs pupilles.
En guise de conclusion, et si l'on devait résumer cet écrit, l'on dirait que la phase de conception et de production du label culturel national incombe aux Marocains de l'intérieur, celle de sa distribution à ceux de l'extérieur et sa posologie laissée à l'appréciation des consommateurs. Ils pourront savourer le produit à leur convenance. Qu'il soit nappé à la sauce française, hollandaise, italienne, allemande, espagnole, américaine, etc. sa consistance n'en pâtira pas pour autant.
* Omar El Bacha est enseignant-chercheur. Amsterdam - Pays-Bas
Omar El Bacha | LE MATIN