La voici enfin! La fameuse carte de la pauvreté actualisée s’est fait attendre. Promise pour l’été, puis pour septembre, elle ouvre l’actualité de ce début de Ramadan. Et elle n’est pas rose: en 2004, 4,3 millions d’entre nous sont extrêmement pauvres, soit 14,2% de la population(1).
Le haut-commissaire au Plan fait une lecture plus qu’optimiste: «l’évolution générale des conditions de vie (ndlr: eau potable et électricité) a été à l’origine d’une baisse du taux de pauvreté de 16,5% en 1994 à 14,2% en 2004», explique Ahmed Lahlimi. Mais en réalité l’évolution doit être nuancée: il y a toujours autant de pauvres qu’il y a dix ans. Puisqu’à l’époque nous étions moins nombreux: le taux de pauvreté affichait 16,5%, pour 26 millions de Marocains (recensement 94).
Selon le dernier recensement, il y a de moins en moins de pauvres en milieu urbain qu’en milieu rural. Nous n’en saurons pas plus, Lahlimi dit préférer présenter les informations au fur et à mesure. Selon le HCP, la baisse de la pauvreté a été accentuée en ville avec une chute de 2,5 points contre un point en milieu rural. Et toujours selon le HCP, depuis 1960 le taux a baissé de près de quatre fois… Sauf qu’à l’époque, nous étions 11,6 millions (recensement 1960), soit 6,5 millions de Marocains étaient pauvres. Pour résumer, en quatre décennies la population a presque triplé et la pauvreté a diminué d’un tiers.
Mais un taux moyen ne dit rien. La carte du Maroc montre bien qu’il y a beaucoup de régions très pauvres. Le rouge veut dire que dans ces régions, jusqu’à 40% et plus des gens sont extrêmement pauvres. Tel est le cas de tout le flanc Nord-Est du pays. C’est-à-dire à Oujda, Figuig, Errachidia, Zagora, Tata… des zones frontalières avec l’Algérie, celles appelées «le Maroc inutile», mais aussi destinations de rêves pour les touristes: incroyable paradoxe. Marrakech et Agadir sont elles aussi dans le rouge avec un degré de pauvreté alarmant: de 30 à 40%. Toujours au-dessus de la moyenne nationale, les régions du Centre et du Nord-Ouest comptent parmi elles 20 à 30% de pauvres. Ce n’est que dans le Sud, où la population est très faible et éparse que le taux recule d’un coup (moins de 10%). Autre donnée, en général corrélée avec celle de la pauvreté: la mortalité infantile. Elle est de 47,9‰, ce qui est beaucoup plus grave que les chiffres communiqués dans le bilan du gouvernement (40‰). La mortalité infantile était de 37‰ huit ans auparavant. En ville, 38,6 enfants de moins de cinq ans décèdent pour mille naissances vivantes et en campagne, 56,7 petits de moins de cinq ans meurent pour les mêmes proportions.
Ajouté au dernier indicateur qui donne 43% des Marocains de plus de dix ans analphabètes, le visage social que prend le Maroc de 2004 n’est pas très propre.
L'economiste