Témoignage :
Abdelhadi Ben Rahalat, l'amertume d'un ancien "goumier" marocain
RABAT (AP) - Dix anciens combattants marocains ayant participé aux campagnes de France, de Tunisie ou d'Italie, doivent être décorés lors des cérémonies du débarquement de Provence. Parmi eux, Abdelhadi Ben Rahalat, choisi pour être personnellement décoré par le président français Jacques Chirac.
A 81 ans, Abdelhadi l'ancien "goumier" se souvient, larmes aux yeux, de cette guerre dans laquelle il s'était engagé, à 16 ans, avec deux de ses frères, dont l'un est mort en Italie, au Monte Cassino.
"Je suis content et triste à la fois de participer à cette commémoration", dit-il à l'Associated Press. "Content d'être décoré, mais triste car la majorité des anciens combattants est morte ou a été délaissée dans des conditions affligeantes".
"C'est le Moqaddem (le représentant de l'autorité, NDLR) qui est venu nous dire de nous engager dans l'armée française, suite à l'appel lancé dans les mosquées par le roi Mohammed V", grand-père de l'actuel roi Mohammed VI, pour aider la France.
Sur les 120.000 combattants marocains engagés dans l'armée française, il ne sont plus qu'environ 30.000 encore en vie. Parmi eux, quelque 2.000 goumiers et tirailleurs ayant participé au débarquement de Provence: le général Juin voulait recruter des Marocains de l'Atlas et du Rif, habitués à des conditions de vie similaires à celles des montagnes d'Italie ou de France.
Parti d'Alger avec le 6ème régiment des Goumiers, sous les ordres du commandant italien Moriot, le jeune Abdelhadi, originaire du Rif, participera donc aux campagnes d'Italie, de Provence et d'Alsace.
"On a réussi à libérer Marseille, puis Toulon, après des combats de rue à la baïonnette et à l'arme légère. Ensuite, nous sommes partis vers l'Alsace. Toute ma compagnie avait été décimée et je suis resté seul avec 45 militaires dont j'ai pris alors le commandement. En Alsace, un coup de mortier m'a coupé la main droite".
Le retour au Maroc, en 1946, sera difficile, entre amertume et sentiment d'ingratitude: "Pendant la guerre, c'est aux Marocains qu'on ordonnait d'aller sur les fronts dangereux mais plus tard, c'est aux Français qu'on décernera les médailles. Au Maroc, sous le protectorat français, on souffrait du racisme. Les pensions n'étaient pas suffisantes et on refusait de nous accorder des visas pour la France", soupire-t-il.
Handicapé, abandonné à son sort, Abdelhadi Ben Rahalat reprend ses études et intègre la fonction publique, devenant chef de service des portefeuilles à la Banque du Maroc.
Aujourd'hui, après la revalorisation décidée par la France, il touche environ 225 euros par trimestre de "Retraite du combattant". Mais l'augmentation reste selon lui insuffisante, la retraite du combattant marocain représentant le tiers seulement de celle touchée par les Français: "Nos pensions doivent être alignées sur celles perçues par les Français, car nous avons combattu côte à côte".
L'Association des anciens combattants mène également un autre combat, cherchant à ce qu'environ 4.000 veuves bénéficient de reversions des pensions. Actuellement, elles ne sont accordées qu'aux veuves mariées avant la Libération. Son président, Mohamed El Azouzi, rappelle que le ministre français aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, a promis "de trouver une solution à ce problème".
Pour Hamid Ben Rahalat, fils d'ancien combattant et président de "l'Union des anciens combattants franco-marocains, fils et descendants", ces vétérans "n'ont personne pour défendre leurs intérêts": il existe bien un Haut Commissariat des anciens résistants, mais rien pour les anciens combattants. "Certains n'ont même pas de quoi manger ou se soigner. Ils ont donné leur jeunesse et leur sang dans la guerre. La France doit, pour sa part, leur donner les moyens de mourir dignement", ajoute-t-il.
En attendant, le vieux "goumier" Abdelhadi a un rêve: que "l'Histoire de la France soit juste envers nous, et qu'elle ne nous oublie pas. Je souhaite que la France érige un monument à notre mémoire". AP
:-fla :-fla
Abdelhadi Ben Rahalat, l'amertume d'un ancien "goumier" marocain
RABAT (AP) - Dix anciens combattants marocains ayant participé aux campagnes de France, de Tunisie ou d'Italie, doivent être décorés lors des cérémonies du débarquement de Provence. Parmi eux, Abdelhadi Ben Rahalat, choisi pour être personnellement décoré par le président français Jacques Chirac.
A 81 ans, Abdelhadi l'ancien "goumier" se souvient, larmes aux yeux, de cette guerre dans laquelle il s'était engagé, à 16 ans, avec deux de ses frères, dont l'un est mort en Italie, au Monte Cassino.
"Je suis content et triste à la fois de participer à cette commémoration", dit-il à l'Associated Press. "Content d'être décoré, mais triste car la majorité des anciens combattants est morte ou a été délaissée dans des conditions affligeantes".
"C'est le Moqaddem (le représentant de l'autorité, NDLR) qui est venu nous dire de nous engager dans l'armée française, suite à l'appel lancé dans les mosquées par le roi Mohammed V", grand-père de l'actuel roi Mohammed VI, pour aider la France.
Sur les 120.000 combattants marocains engagés dans l'armée française, il ne sont plus qu'environ 30.000 encore en vie. Parmi eux, quelque 2.000 goumiers et tirailleurs ayant participé au débarquement de Provence: le général Juin voulait recruter des Marocains de l'Atlas et du Rif, habitués à des conditions de vie similaires à celles des montagnes d'Italie ou de France.
Parti d'Alger avec le 6ème régiment des Goumiers, sous les ordres du commandant italien Moriot, le jeune Abdelhadi, originaire du Rif, participera donc aux campagnes d'Italie, de Provence et d'Alsace.
"On a réussi à libérer Marseille, puis Toulon, après des combats de rue à la baïonnette et à l'arme légère. Ensuite, nous sommes partis vers l'Alsace. Toute ma compagnie avait été décimée et je suis resté seul avec 45 militaires dont j'ai pris alors le commandement. En Alsace, un coup de mortier m'a coupé la main droite".
Le retour au Maroc, en 1946, sera difficile, entre amertume et sentiment d'ingratitude: "Pendant la guerre, c'est aux Marocains qu'on ordonnait d'aller sur les fronts dangereux mais plus tard, c'est aux Français qu'on décernera les médailles. Au Maroc, sous le protectorat français, on souffrait du racisme. Les pensions n'étaient pas suffisantes et on refusait de nous accorder des visas pour la France", soupire-t-il.
Handicapé, abandonné à son sort, Abdelhadi Ben Rahalat reprend ses études et intègre la fonction publique, devenant chef de service des portefeuilles à la Banque du Maroc.
Aujourd'hui, après la revalorisation décidée par la France, il touche environ 225 euros par trimestre de "Retraite du combattant". Mais l'augmentation reste selon lui insuffisante, la retraite du combattant marocain représentant le tiers seulement de celle touchée par les Français: "Nos pensions doivent être alignées sur celles perçues par les Français, car nous avons combattu côte à côte".
L'Association des anciens combattants mène également un autre combat, cherchant à ce qu'environ 4.000 veuves bénéficient de reversions des pensions. Actuellement, elles ne sont accordées qu'aux veuves mariées avant la Libération. Son président, Mohamed El Azouzi, rappelle que le ministre français aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, a promis "de trouver une solution à ce problème".
Pour Hamid Ben Rahalat, fils d'ancien combattant et président de "l'Union des anciens combattants franco-marocains, fils et descendants", ces vétérans "n'ont personne pour défendre leurs intérêts": il existe bien un Haut Commissariat des anciens résistants, mais rien pour les anciens combattants. "Certains n'ont même pas de quoi manger ou se soigner. Ils ont donné leur jeunesse et leur sang dans la guerre. La France doit, pour sa part, leur donner les moyens de mourir dignement", ajoute-t-il.
En attendant, le vieux "goumier" Abdelhadi a un rêve: que "l'Histoire de la France soit juste envers nous, et qu'elle ne nous oublie pas. Je souhaite que la France érige un monument à notre mémoire". AP
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