Re : La Prose
TAMGHART
Incontestablement Imazighn se sont intéressés de très près aux explications de plusieurs phénomènes naturels comme en
témoignent certains mythes ou légendes présents dans leur culture. A titre de rappels, nous citons Tamghart ou Asudë n Tamghart, Tameghra n w uccen, Tadëuri n itri (étoile filante), Izgh, Taserdunt n isemdëal,Tazuzt n w akal( tremblement de terre) ...etc.
Pour répondre à l'appel de notre ami, même si je ne suis pas spécialiste ni de ce genre de sujet ni de la narration, je vais faire un effort pour partager ce que qui m'a été transmis par cette Mémoire Collective Amazighe qui reste la plus grande biliothèque et source de documentation n imazighn dès qu'il s'agisse de leur propre culture.
Pourquoi le mois de janvier compte-t-il 31 jours alors que férvier n'en compte que 29 (calendrier amazigh SVP)?
D'après Imazighn,une vieille Tamghart bien de chez nous, posséderait un veau, qu'elle entretenait. Pendant tout l'hiver elle le gardait à l'intérieur dans son Arh'anu n w alim, à l'abri du froid et des intempéries. Elle en prenait soin elle-même matins et soirs.
Cette année là,l'hiver était rude et donnait par ses gels et tempètes glaciales du fil à retordre aux citoyens des deux reignes de l'archéologique Tamazgha. Mais comme toute bonne maîtresse d'almessi, ayant acquise, entre autres éducation et savoir faire, le sens de la responsablité aussi bien individuelle que collective, elle était très respectée de ses voisines au point où son expérience de la vie en avait fait une référence sollicitée pour conseil, aide ou soutien.
Ainsi, Tamghart connaissait par coeur, et sans défaillence de mémoir, en aucun de ses jours vécus, les noms des jours amazighs, les noms des mois amazighes,les noms des saisons amazighes. Et qui sait quoi encore de ce qui,par manque de prise de conscience vis à vis de sa capitale
importance, ne nous ait pas été, tout simplement, transmis parmi leurs découvertes, inventions et savoir.
Un beau matin le ciel se dégagea enfin, le soleil vint embrasser la terre par ses nouveaux rayons chaleureux et chatouiller son joviale visage par cette brise de vent qui réveille tout jusqu'à la sève dans les nervures des feuilles persistentes de ces arbres qui ont pu imposer d'inscrire pour toujours, sans slogons ni banderolles, sans grèves ni sittings, sans accrochages ni arrestations, sans procès ni condamnations, parmi les articles de la constitution officielle de la belle nature cette terre, le droit de garder leur feuilles à jamais.
Que c'est bien de rester entier jusqu'au bout du dernier jour. Que c'est bien, de revenir à la vie, chuchotait Tamghart à elle-même. Elle savait pourquoi ce matin-là était si différent, mais prudente qu'elle était elle ne se fier jamais qu'à la preuve de trois dans ses calculs.
Elle refait, à deux reprise ces comptes. Et à chaque fois c'était exactement le premier jour du printemps. Elle revérifia une derniére fois. Rien à dire Tifsa ayd ikjemn.
Ferme, elle fît demi-tour et se dirigea vers son veau pour le faire sortir.C'était son premier nouvel acte de labeur de cette belle journée. Au portail de la demeure, le veau dont les règles de calcul et la base numérique, n'était régie que par la calculatrice, biologique,infaillible de son instint, refusa de franchir le péron du portail. Tamghart lui lança:<< Ttebay! ttebay teffegh tgerst.>>
Et comme le plus ford n'a pas toujours raison, c'est contre son gré que le veau mît, les pieds, ce jour-là, dehors.
Tagrest qui n'avait pas encore fait beaucoup de chemin, avait tout vu et entendu. Offencée, elle ordonna à Nniyr de descendre de sa monture et lui dicta ce qu'il avait à faire. Nniyr se sépara de la caravane et fit demi-tour. Sans hésitation, il se dirigea vers le nouveau locataire de la maison qu'il venait de quitter. Au premier coup à sa porte, Kubrayr, après un traditionnel << Ee! matta wa en?>>, à voix nettement audible, ouvrît la porte.Nniyr et Kubrayr échangèrent quelques propos puis en vînrent
au vif du sujet et Nnyir qui, semblait-t-il, était pressé de rejoindre sa caravane demanda à Kubrayr:
- Ddigh ed ad i terdëld yan w ass ghas ad as neqq azegr ns i Tamghart raregh ak t.
- I mayd iran ad ak ed ikk uwrinn ak? Ma s tutged?
- Kw yan issen ussan ns awd ceyy. Max is teggwded ad ak yacck yan w ass nc ammas n wi nw?
- Ggwdegh âad.
- Han agris déart tadawt inw, llig akkw tenurzed g mayd i ed ittamman.
- Asy s k imajjyaln.
- Uhu. Ce i amezwaru.
- Asy ameggaru taleggwatt terared i t i ed ngh temuned d w abrid.
Voyant que les choses risquaient de se compliquer Nniyr tenda la main et prit, à titre de prêt, le dernier jour
du mois Kubrayr. Aussitôt le vent commençait à souffler, le ciel se couvriit vite d'épais nuages et la tempète fît rage dehors.
Tamghart, si attendri par la naissance de Tifsa, en rentrant après avoir bien fixé le pieu auquel elle avait attaché son veau, se rappela subitement les plus beaux souvenirs de sa jeunesse. Elle opta pour se faire un peu belle en ce premier jour de Tifsa.
Elle se cantonna au fond de sa maison, et de son Tissufra,accrochée au même coin du mur, sortit Tisitt et Tikfest et prépara un peu de Tazudëa. Si content que puisse être un être se mirant dans sa glace, Tamghart poussa un soupir et se mettait à fredonner:
- A fad nnem a tazzla d ilihan,
A fad nnem tarbatt lligh gigh,
A wa km i ed iruran a tizi nw,
A w ayd ittyen ighsan ixatarr s widda imezzëin.
Il ne se souciait de rien, ne se doutait de rien. Dehors personne ne remarqua rien. Le veau fut tué par la tempète.
Taghart qui s'était faite un peu belle fût allerté par sa chatte qui cherchait refuge près de l'âtre. Son maquillage n'eût point l'occasion de se faire ni remarquer ni apprécier par personne car les larmes avaient emporté et tazëult et izriran. Pire son visage était simplement plus sale que de coutume.
Depuis cet, historique, incident, la mémoire collective garda le nom de ce jour comme étant "ass n tasuttë n Tamghart". Nniyr après avoir accompli sa mission se hâta de rejoindre Tagerst pour lui annoncer la nouvelle et oublia de rendre à Kubrayr son jour. Ayant gardé ce jour toute l'année, il refusa, par la suite, de le rendre à son vrai propriétaire. Pretextant qu'étant donnée le tempérament des humains il se pourrait que, pour les mêmes fins, il aurait besoin de ce jour supplémentaire pour de
pareilles remises à l'ordre. D'ailleurs la règle dit que toute trouvaille gardé une année durant sans que son propiétaire se manifeste est vôtre.
Agris en tant qu'aval de ce prêt, fut alerté par Kubray, mais ne pût jamais s'acquiter de sa mission parce que en rendant chez Nniyr son coeur durcissait, en se rendant chez Kubrayn son coeur s'attendrissait.
Tamghart se rendît à l'évidence que les calculs mêmes attestés exacts, ne peuvent jamais renseigner sur ce qui pourrait se tramer derrière le dos de tout un chacun. En plus les vieux souvenirs peuvent déconnecter n'importe lequel des mortels du site de la réalité.Elle jura de ne jamais soupirer, car un soupir vient toujours d'un souvenir et se souvenir c'est déjà s'être retourné pour regarder derrière soi.Notre jeunesse c'est ce qui nous reste à vivre.
Par Awragh (
www.yafelman.com)