Les Marocains ont massivement boudé les urnes lors des élections législatives
LE MONDE | 08.09.07 | 13h36
http://www.lemonde.fr
RABAT, SALÉ, AKRACH ENVOYÉE SPÉCIALE
Les salles de classe paraissent étrangement nues. On a retiré des murs tous les dessins qui fleurissent d'habitude dans les écoles primaires. Gazelles, chameaux, éléphants, lions, roses, épis de blé... Tout a disparu. "Cela nous a donné du boulot ! Mais on risquait de se voir accuser de faire de la publicité pour tel ou tel parti", explique le président d'un bureau de vote. La moitié de la population marocaine étant analphabète, les 33 partis en compétition pour les élections législatives du vendredi 7 septembre ont en effet orné leurs bulletins de vote de sigles - le plus souvent un animal - pour faciliter les choses. Mais rien n'y a fait : les Marocains ont massivement boudé les urnes.
Dans la médina de Rabat et dans celle de Salé, c'est la cohue, en cette fin de matinée. Les gens font leurs courses en prévision du ramadan, qui commence jeudi. Voter ? Bien peu semblent s'en soucier. A Takkadoum et El-Youssoufia, quartiers populaires situés en périphérie de la capitale, règne la même indifférence. Dans les écoles transformées en centres de vote, présidents, assesseurs et représentants des partis s'ennuient ferme. L'après-midi s'écoule, interminable. Pas d'incident. Mais partout, on attend l'électeur.
Akrach, à une dizaine de kilomètres de la capitale, est le symbole de l'"autre Maroc", celui du Moyen Age. Quelque 700 personnes vivent là, dans une décharge à ciel ouvert, tirant leurs revenus du tri des ordures. L'odeur est pestilentielle et la misère indescriptible.
Paradoxalement, on vote ici un peu plus qu'ailleurs. Les femmes, surtout. En djellaba et foulard, le front marqué au henné, elles arrivent une à une, un enfant dans les bras. "Elles veulent que leur situation change. Elles, au moins, elles ont compris", observe Saadia Belmir. Cette magistrate fait partie des quelque 3 000 observateurs marocains et internationaux chargés de surveiller le bon déroulement du scrutin à travers le royaume. Une première. Avec son collègue Abdelkader Alami, président de la Ligue marocaine pour la défense des droits de l'homme, Mme Belmir entre à l'improviste dans les centres de vote, pose des questions, observe, vérifie. Rien à signaler. Un seul problème : les électeurs ne sont pas au rendez-vous... A Souissi, le quartier chic de Rabat, c'est encore pire. Les bureaux de vote sont restés quasi déserts toute la journée.
Vendredi soir, à 20 heures, quand Chakib Benmoussa, ministre de l'intérieur, est apparu à la télévision pour annoncer un taux de participation historiquement bas - autour de 41 % -, les Marocains tentaient de se consoler : "Au moins, on nous dit la vérité. C'est déjà un succès !" Les résultats officiels ne devaient être communiqués que dimanche.
Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du 09.09.07
LE MONDE | 08.09.07 | 13h36
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RABAT, SALÉ, AKRACH ENVOYÉE SPÉCIALE
Les salles de classe paraissent étrangement nues. On a retiré des murs tous les dessins qui fleurissent d'habitude dans les écoles primaires. Gazelles, chameaux, éléphants, lions, roses, épis de blé... Tout a disparu. "Cela nous a donné du boulot ! Mais on risquait de se voir accuser de faire de la publicité pour tel ou tel parti", explique le président d'un bureau de vote. La moitié de la population marocaine étant analphabète, les 33 partis en compétition pour les élections législatives du vendredi 7 septembre ont en effet orné leurs bulletins de vote de sigles - le plus souvent un animal - pour faciliter les choses. Mais rien n'y a fait : les Marocains ont massivement boudé les urnes.
Dans la médina de Rabat et dans celle de Salé, c'est la cohue, en cette fin de matinée. Les gens font leurs courses en prévision du ramadan, qui commence jeudi. Voter ? Bien peu semblent s'en soucier. A Takkadoum et El-Youssoufia, quartiers populaires situés en périphérie de la capitale, règne la même indifférence. Dans les écoles transformées en centres de vote, présidents, assesseurs et représentants des partis s'ennuient ferme. L'après-midi s'écoule, interminable. Pas d'incident. Mais partout, on attend l'électeur.
Akrach, à une dizaine de kilomètres de la capitale, est le symbole de l'"autre Maroc", celui du Moyen Age. Quelque 700 personnes vivent là, dans une décharge à ciel ouvert, tirant leurs revenus du tri des ordures. L'odeur est pestilentielle et la misère indescriptible.
Paradoxalement, on vote ici un peu plus qu'ailleurs. Les femmes, surtout. En djellaba et foulard, le front marqué au henné, elles arrivent une à une, un enfant dans les bras. "Elles veulent que leur situation change. Elles, au moins, elles ont compris", observe Saadia Belmir. Cette magistrate fait partie des quelque 3 000 observateurs marocains et internationaux chargés de surveiller le bon déroulement du scrutin à travers le royaume. Une première. Avec son collègue Abdelkader Alami, président de la Ligue marocaine pour la défense des droits de l'homme, Mme Belmir entre à l'improviste dans les centres de vote, pose des questions, observe, vérifie. Rien à signaler. Un seul problème : les électeurs ne sont pas au rendez-vous... A Souissi, le quartier chic de Rabat, c'est encore pire. Les bureaux de vote sont restés quasi déserts toute la journée.
Vendredi soir, à 20 heures, quand Chakib Benmoussa, ministre de l'intérieur, est apparu à la télévision pour annoncer un taux de participation historiquement bas - autour de 41 % -, les Marocains tentaient de se consoler : "Au moins, on nous dit la vérité. C'est déjà un succès !" Les résultats officiels ne devaient être communiqués que dimanche.
Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du 09.09.07