Merci schtrompf_i_mqorn pour ce texte de Azayku.
En voici un extrait :
" - L’impact de la géographie est réel.
En Afrique du Nord, on oublie souvent l’impact de la géographie sur l’activité humaine et l’influence des genres de vie sur la culture des hommes (44). C’est dire que la filiation biologique, sans être négligeable, bien entendu, n’est pas le seul facteur qui détermine la nomenclature sociale au sein d’un groupe humain donné. Il est évident qu’à chaque degré de développement d’une société correspond un système des critères et une échelle des valeurs. Par conséquent, nous estimons que la sédentarité et le nomadisme ne peuvent pas avoir les mêmes rapports avec l’environnement écologique et l’espace géographique. L’interférence des faits géographiques et sociaux ne saurait donc être la même dans les deux cas. Ainsi que les genres de vie différents entraînent nécessairement des modes d’organisation adéquats, le système des valeurs n’est jamais tout à fait identique dans les deux situations.
Les sources musulmanes nous présentent les Imsmûden, habitants de l’Atlas et de toute la partie Ouest du Maroc actuel (45), comme étant des paysans sédentarisés depuis de longs siècles (46). Sur ce point, Hérodote est, lui aussi, très explicite. Il y a, nous dit-il, « la Libye orientale (où) habitent les nomades, (qui) est basse et sablonneuse jusqu’au fleuve Triton, et celle à l’Occident de ce fleuve, habitée par les cultivateurs, (qui) est très montagneuse, très boisée… » (47) Or, le nom sous lequel nous connaissons ces cultivateurs à l’époque musulmane semble être très ancien.
En effet, les sources gréco-latines citent parmi les peuples anciens de ce qui est le Maroc actuel le peuple des Macanites (48) ou Macénites (49). On nous précise même l’emplacement exact de leur territoire : « Cette montagne (l’Atlas) se trouve au pays des Macénites, le long de l’océan vers l’Est… » (50) Au début de la deuxième moitié du deuxième siècle de l’ère chrétienne, ces Macénites ont constitué avec les Baquates une grande fédération qui menaçait Volubilis (51). Ces Macénites que R. Roget suppose être des Miknasa (52) seraient, à notre avis, les Maçamides (53), que les sources musulmanes situent dans les mêmes endroits, en précisant qu’ils habitaient déjà à l’époque antéislamique (54).
Si nous admettons que les Bacuatae, dont le pays est situé, d’après Ptolémée, au Nord de celui des Macénites (55), ont été les ancêtres des fameux Barghouata (56), on peut supposer que, déjà au IIe siècle, la confédération des Macénites (Masamid des auteurs musulmans) englobait toutes les populations du Haut-Atlas et des plaines situées au Sud du Bou-Regreg actuel (57). Même si d’autres informations incitent J. Desanges « à situer les Macénites non loin du cours supérieur du Bou-Regreg, sans doute à l’Est d’un axe Azrou-Khenifra, les Baquates devaient, comme le pense M. Frézouls, occuper le Nord du Moyen-Atlas. » (58) Rien n’empêche de penser que les Macénites s’étendaient vers le Sud et les Baquates vers le Sud-Ouest et occupaient en fin de compte toutes les plaines atlantiques situées au Nord de l’oued Oum-Rbiâ. (59)
En Afrique du Nord, il y eut donc deux grands genres de vie qui s’adaptaient parfaitement aux conditions géographiques et climatiques du pays. À notre avis, ces deux genres de vie malgré toutes les vicissitudes historiques déjà connues, ne s’annulaient pas, comme on l’a toujours souligné. Ils étaient complémentaires, au contraire. Étant donné que les nomades ont toujours eu tendance à devenir sédentaires, l’un des deux modes de vie s’est lentement substitué à l’autre.
Les nomades en ce sens étaient toujours, en Afrique du Nord, une sorte de réserve humaine qui assurait la continuité de l’occupation des terres fertiles, chaque fois que les calamités naturelles réduisaient le nombre des populations paysannes. Car, nous savons que les grandes incursions des populations nomades dans les pays des sédentaires n’avaient lieu qu’en temps de crise, et qu’elles n’étaient guère destructrices, sauf dans le cas des Hilaliens, qui est un cas spécifique. (60) L’interpénétration permanente de ces deux genres de vie est, à notre avis, à l’origine de la complexité décourageante de la réalité historique des populations de l’Afrique du Nord.
Cela dit, nous estimons que la recherche doit emprunter des chemins nouveaux pour cerner cette réalité historique dans toute sa complexité. La langue, entre autres, semble être l’un des meilleurs documents qui puisse aider à défricher le terrain. Car le langage, mieux que toute autre chose, reflète souvent les réactions profondes et constantes des groupes humains vis-à-vis de la nature et les répercussions de celle-ci sur leur comportement et leurs mentalités (61).
Nous sommes conscient que l’utilisation de la langue dans ce domaine pose des problèmes épineux, Surtout quand il s’agit d’une langue jusqu’a présent mal étudiée, en l’occurrence le tamazight (berbère). Néanmoins, nous estimons que cela ne doit pas empêcher de formuler des hypothèses susceptibles de suggérer des idées nouvelles et peut-être aussi de soulever des problèmes d’un genre nouveau. En effet, « à une histoire qui pose désormais au passé des questions toujours plus nouvelles, plus variées, plus ambitieuses ou plus subtiles, correspond une enquête élargie en tous sens à travers les traces de toute espèce que peut nous avoir laissées ce passé multiforme et inépuisable. » (62).
Essai d’interprétation linguistique
« C’est en écoutant le Nord-Africain parler de soi qu’on risque le mieux de restituer non seulement sa subjectivité, mais son milieu objectif. À preuve l’essentielle contribution que, de W. Marçais et E. Laoust jusqu’à Boris, l’ethnologie nord-africaine doit à la linguistique. » (63) Cela est d’autant plus vrai que l’histoire profonde de l’Afrique du Nord n’a guère d’écho dans nos sources écrites. (64) Si on écoutait parler les multitudes de « tribus » qui essaiment en Afrique du Nord, on pourrait éclaircir le problème des origines même lointaines d’un grand nombre parmi elles. (65) On nous dit toujours que les Imazighen pratiquent un grand nombre de parlers appartenant généralement à trois grands dialectes : tachelhit, tamazight et tarifit, sans pour autant nier l’existence d’une origine commune de ces trois dialectes. Plutôt que de considérer ce morcellement comme un handicap, la recherche historique devrait l’utiliser comme une source documentaire d’une grande valeur. En effet, l’étude de la langue peut nous renseigner non seulement sur le sens général des déplacements des différents groupes à travers toutes l’Afrique du Nord, mais aussi sur les genres de vie originels de l’ensemble humain auquel appartenait chacun de ces groupes (66).
Nous avons déjà signalé plus haut l’importance de l’influence de la géographie sur les genres de vie en Afrique du Nord. Nous allons essayer ici de formuler une hypothèse qui se base essentiellement sur une interprétation de la langue, ou, plus précisément, sur une nouvelle interprétation des noms patronymiques des ensembles humains les plus célèbres de l’Afrique du Nord (67). Mais auparavant nous allons faire quelques remarques générales sur les données linguistiques sur lesquelles se base notre analyse.
1) La composition est l’un des procédés les plus anciens que les Imazighen utilisent dans le domaine de l’enrichissement du lexique. (68) C’est un procède qui consiste à composer un mot nouveau en associant deux mots déjà connus. Les deux mots associés peuvent être aussi bien un nom+ un nom, avec ou sans la préposition « n » (= de) ; entre les deux noms composés, un verbe + un nom ou inversement. (69) « Le caractère pan-berbère (de la composition) est une preuve de l’ancienneté de cette procédure. » (70)
2) D’une façon générale, la voyelle initiale du deuxième nom disparaît dans le mot composé, (71) mais il y a aussi des cas où la voyelle initiale du premier mot subit le même sort. (72)
3) Les termes qui composent les noms analysés ici, sont encore utilisés chez les Imazighen, un peu partout, et avec les mêmes sens en général. (73)
Imsmûden ou les cultivateurs de l’ouest.
Nous avons déjà signalé que les sources les plus anciennes de l’histoire nous présentent les habitants de l’Afrique du Nord occidentale, en général, comme étant des agriculteurs attachés à la terre. (74) Ce fait pourrait être, à notre avis, confirmé par l’analyse du nom des Imsmûden, anciens habitants du Maroc. En effet, nous estimons que le terme « masumud » est un mot compose signifiant « celui (ou ceux) qui possède (nt), qui sème (nt) les graines. » Voici nos hypothèses :
Hypothèse A
Masmud (ou messmud, ou msmud) serait compose de ms + (a) mud. Ms (mess, mas) qui signifie : « maître (homme qui possède, qui a n’importe quoi), un homme chargé de garder des troupeaux, de cultiver un jardin, de faire un travail quelconque, est le ‘mess’ de ces troupeaux, de ce jardin, de ce travail, un homme qui a l’habitude du voyage, de la chasse…, est le ‘mess’ du voyage, de la chasse… » (75)
Amud qui signifie : semences, graines, semailles, culture, labourage et l’époque des labours. (76)
Msmud (= mes + (a) mud), signifierait donc : les gens qui possèdent, qui ont les semences, qui ont l’habitude de semer les céréales, c’est-à-dire, les paysans, les cultivateurs.
Hypothèse B
Le mot amsmud est un dérivé de amêzz amud qui est un compose forme du verbe êzz, signifiant, entre autres, planter, semer (77) (accompli : izzâ, inaccompli : zzû) et du préfixe du nom d’agent am et du nom amud « semences » ce qui donne am + êzz + amud, et après chute de la voyelle initiale du nom amud, amêzz mud, enfin, il se produit le dévoissement de zz. ss qui perd aussi sa longueur dans la séquence mssn - msm. Les processus de voisement et de dégémination sont communs dans les transpositions du tamazight vers l’arabe ou de l’arabe vers le tamazight. Nous citons à titre d’exemples :
Assâlat - tazâllit,
Assâwm - uzûm
On peut supposer que dans les mots empruntés par l’arabe à la tamazight, à une époque reculée, il se produit les processus inverses : amêzzmud-amêsmud
Le compose final ainsi obtenu serait donc amsmud : le semeur, le planteur, le cultivateur.
Hypothèse C
Le mot amêsmud est une variante de amêz amud, qui est compose de amêz + amud. Amêz (accompli yumêz, inaccompli amêz) signifie : « saisir, prendre » (78) ; amud signifie : « Semence ». Après chute de la voyelle initiale de amud et dévoissement de z, on obtient amsmud, qui en vient ainsi à signifier : « celui qui détient les semences, celui qui les empoigne. » (79)
Iznaten ou les éleveurs de moutons
En ce qui concerne les Iznaten, l’histoire nous rapporte qu’ils étaient dans leur grande majorité des nomades éleveurs d’animaux domestiques, le menu bétail en particulier (80). L’analyse de leur nom peut donner une certaine confirmation de l’image que l’histoire rapporte d’eux. Deux hypothèses peuvent être formulées à ce propos.
Hypothèse A
Iznaten au pluriel, aznat au singulier. Aznat est compose de azn : « expédier, envoyer » (81) + attn : « brebis. » (82) Iznaten signifierait donc : « ceux qui envoient leurs brebis aux pâturages, ceux dont l’activité essentielle est l’élevage nomadisant. »
Hypothèse B
Iznaten est compose de ehen (= ezen, azn) qui signifie : tentes (83) et de attn dont le sens est : être accru, (84), d’où le sens « tentes nombreuses, campements importants. » Ce qui impliquerait que les Iznaten sont des éleveurs nomadisants.
Izênagen ou les chameliers du Désert
« La partie du Désert occupée par les Sanhaja s’étendait à une distance de six mois de marche. » (85) L’épopée des Almoravides montre qu’ils étaient de vrais nomades habitués à vivre dans de grands espaces arides.
Leur nom semble découler non d’une ascendance généalogique quelconque, mais du caractère dominant de leurs activités. Deux possibilités d’interprétation peuvent être suggérées à ce propos.
Hypothèse A
Singulier azênag, pluriel Izênagen, ce mot est compose de ehen (=azn) (86) qui signifie « tente en peau » et de egen (= les rezzous) (87). La composition se réalise ainsi : ezên + egen - ezênegen- izênagen. Étant donne que l’amphatisation est une caractéristique des parlers sanhaja, on peut supposer que « z » peut être prononcé « êz ». Izênagen signifierait donc les tentes des gens qui font des razzia. Bien entendu, ce genre d’activité est très courant chez les nomades du désert (88).
Hypothèse B
Il peut s’agir aussi d’un composé de azn : « expédier, envoyer » (89) et egen : « Troupes irrégulières réunies pour une expédition guerrière ayant pour but le pillage. » (90) Le mot composé devient azneg (= aznag) au singulier, iznegen (= iznagn) au pluriel. La signification en serait donc : « ceux qui font des expéditions de razzia. »
Igzulen ou les pasteurs des régions présahariennes
Igzulen serait, à notre avis, les descendants des anciens Gétules (91) et ce malgré la réserve émise par G. Marcy (92). Car, nous l’avons déjà souligné, la transcription latine des noms nord-africains, y compris celui des Gétules, peut être défectueuse (93). Nous proposons donc l’interprétation suivante.
Étant donné que « les Gétules nomades parcouraient le désert et les steppes voisines comme les grands nomades actuels… » (94) ; que les Garamantes et les Nasamons les ont précédés dans l’occupation du grand désert (95) ; qu’ils étaient clairement signalés dans la frange présaharienne de toute l’Afrique du Nord à l’ouest de la Libye (96) ; que « Gétule n’a donc pas un sens politique, il n’a non plus aucun sens ethnique puisqu’il est employé systématiquement pour désigner des populations méridionales depuis l’océan jusqu’aux Syrtes et même au Sud de la Cyrénaïque (Strabon, 3, 19 et 23), c’est-à-dire des populations nécessairement nomades » (97) ; que les Igzulen (Jazula), tels que nous les connaissons à travers les sources musulmanes (98) ne différent pas des Gétules tant au point de vue des régions qu’ils occupaient qu’au point de vue de leur genre de vie, nous estimons que la décomposition de leur nom donne un sens qui confirme l’image que l’histoire nous en donne.
Hypothèse A
Igzulen, singulier agzul, serait à l’origine gzul, le « a » initial pouvant être un article ajouté au mot en question. (99) Le mot est compose de ks : « conduire au pâturage » (100) et de ulli : « chèvres, petit bétail en général. » (101) ks-gz par un processus de voisement généralisé à la séquence ulli-ul après chute de la voyelle finale « i » (102) et dégémination de « ll ».
ks-gz par assimilation de voisement au contact de « u ».
ulli-ul, par processus de réduction encore vivant dans les parlers de l’Anti-Atlas.
On obtient ainsi gzul qui devient igzulen après l’ajout des affixes du pluriel. Le sens serait alors : « pasteurs, éleveurs de chèvres, de petit bétail. »
Il n’est peut-être pas superflu de signaler qu’actuellement encore les Touareg désignent les gens d’après leur métier, leur caractère distinctif étant leur occupation habituelle. Ainsi disent-ils par exemple : « Kel ulli, gens de chèvre, surnom des Touareg plébéiens (…) des gens de vaches et des gens de chevaux (…), des gens de chamelles et des gens de chèvres ; kel-Tamadint, gens du fait de paître (gens qui paissent les troupeaux, pasteurs). » (103)
Hypothèse B
Une autre interprétation peut être suggérée pour élargir le champ des possibilités offertes par la langue. En effet, aguzul, pluriel Iguzulen, tel qu’on le prononce encore aujourd’hui dans le Souss, est compose de ag, « fils de… », et par extension, homme de (104) ; qui est équivalent de gu dans le Souss, et de isulal qui signifie : plaines désertes sans vallées bien marquées et loin des montagnes, parsemées de pâturages y formant comme des plaques peu étendues mais assez nombreuses. « Les isoulal sont propres, après les pluies, à y faire suivre l’herbe fraîche par les troupeaux, en les faisant aller d’une plaque de pâturage à une autre à mesure que celle où ils sont s’épuise. » (105) Le mot composé devient ag + isulal, la voyelle initiale « i » devient « u », état d’annexion oblige (106). Ce qui donne alors agusulal-aguzulal, après voisement contextuel de « s », aguzul, après chute de « al » par réduction syllabique (107).
Dans cet essai rapide, dont l’objectif est, avant tout, de susciter la curiosité scientifique des historiens et des chercheurs en général, pour rediscuter, sous un éclairage nouveau tout ce qui nous a été légué comme étant des évidences, nous avons mis l’accent sur les points suivants :
1) Étant donné que l’Afrique du Nord était depuis de longs siècles un pays de rencontre de civilisations, de cultures et d’institutions diverses, il est nécessaire de prendre en considération, dans toute étude concernant son passé et son présent, le phénomène d’acculturation, dont l’importance est ici considérable (108). Le phénomène doit être compris et interprété dans toute sa complexité, en ayant tout particulièrement présent à l’esprit le caractère d’inégalité culturelle qui a toujours régi son processus. C’est cette inégalité, peut-être, qui fut à l’origine d’une poussée assimilatrice visant à dépasser les problèmes qui entravent l’accomplissement définitif du fait inaccompli.
2) La nécessité d’entamer un processus de réconciliation entre les deux grandes périodes de notre histoire pour créer cet équilibre qui nous manque, tant que nous portons en nous, deux temps historiques qui s’annulent dans le présent. Cela est d’autant plus nécessaire que « le niveau le plus profond correspondant à la plus longue durée, est celui des cultures antérieures à l’islam dans chaque société : équilibres écologiques, systèmes de production, d’échanges, de croyances, de non croyances, de connaissances empiriques, de représentations, de conduites collectives… Tout cela est désigné par la culture officielle en Islam, comme en Occident, à l’aide d’un vocabulaire négatif : primitif, archaïque, païen, polythéiste, sauvage, populaire, superstitieux, survivant, résurgent, magique, mythologique… L’ethnographie coloniale au Maghreb et, plus généralement la raison positiviste et scientiste du XIXe siècle, ont fait un usage dogmatique de ce vocabulaire, postulant un progrès linéaire de la pensée, avec des dépassements irréversibles. En ignorant, marginalisant, voire détruisant les cultures dites populaires, la pensée arabe et islamique actuelle reprend à son compte, sans pouvoir se l’avouer, le positivisme tant dénoncé de la science coloniale. » (109)
3) La nécessité de réviser et de vérifier les bases interprétatives d’une histoire demeurée superficielle et pauvre à cause du moule généalogique limitant les perspectives de la recherche enrichissante. Et pour ce faire, les moyens sont nombreux sinon innombrables. Il faut surtout suivre de près l’influence des conditions géographiques et climatiques sur les comportements des hommes vis-à-vis de leur environnement naturel et humain. Nous estimons tout particulièrement que les genres de vie des différents ensembles habitant l’Afrique du Nord, imposés par la nature depuis des millénaires, ont largement contribué à modeler le devenir historique de ces ensembles. Par conséquent, nous croyons qu’ils constituent la trame profonde d’une histoire qui n’est, en définitive, que le résultat d’une conjugaison permanente entre deux modes de vie différents mais complémentaires.
4) La nécessité de rompre avec la conception appauvrissante consistant à refuser ou à mépriser tout document non écrit dans l’élaboration de l’histoire. Cela est d’autant plus fâcheux quand il s’agit de l’histoire des peuples sans écriture ou des peuples chez qui l’écrit ne représente rien par rapport à la grandeur, à la complexité et à la richesse de leur histoire.
L’écriture a toujours été, on le sait, un acte officiel, mais l’histoire ne se limite pas aux activités officielles. Celles-ci ne sont en réalité qu’un pâle reflet d’une grande histoire qui se déroule en dehors des champs privilégiés des historiographes. Pour reconstituer cette histoire profonde, il faut se documenter ailleurs. La langue reste l’un des meilleurs documents pouvant apporter de précieuses précisions sous des lumières nouvelles, à des problèmes irrésolus, mais qui paraissent comme étant définitivement élucidés (110).
En Afrique du Nord, pays d’acculturation par excellence, pays où coexistent encore de nos jours deux langues historiques, à savoir la tamazight et l’arabe, nous ne pouvons pas ignorer l’apport inestimable qu’apporterait l’étude de ces deux langues à la recherche historique. L’étude de la première, tout particulièrement, nous serait d’un grand secours, car elle nous permettrait de lire et d’interpréter correctement l’immense corpus tatoué à jamais sur toute l’étendue de la terre nord-africaine (111). "