La solution, c'est la laïcité »
Y a -t-il des raisons historiques à l'absence de débats de fonds sur la religion ?
Durant la colonisation, on s'est recroquevillés sur nous-mêmes pour lutter au nom de la religion. Les choses auraient pu se dérouler autrement si, lors de l'indépendance, nous avions pu prendre le temps d'asseoir un système éducatif modernisé. Mais, malheureusement, les nationalistes de l'époque étaient tellement pressés. Dans l'esprit de beaucoup d'entre eux, se libérer du joug français, c'était retrouver le Maroc d'avant le Protectorat et donc son système d'enseignement. Les Français nous ont laissés tout compte fait, un embryon de système éducatif modernisé. Mais malheureusement, on l'a détruit. Les responsables sont ceux qui prônaient justement cette arabisation hâtive et qui, en même temps, mettaient leurs propres enfants dans des établissements étrangers.
Pourquoi l'arabisation est-elle un frein ?
Parce que cela s'est fait à la hâte et on a recruté dès le départ des dizaines de milliers de pauvres gens qui n'avaient pas de culture moderne fiable, qui savaient le Coran par cœur, qui savaient un peu de hadith, et dont on a fait des instituteurs. La France, pour se dégager de l'emprise de l'église chrétienne après la Révolution française, a mis plus d'un siècle, lequel siècle a connu un combat de titans, dans chaque hameau français, entre le prêtre et l'instituteur. Avant, c'était la dictature de l'Eglise. Chez nous cette dictature n'a pas disparu.
Quelle place devrait occuper la religion au Maroc ?
Je me suis exprimé, il y a longtemps, en écrivant à mon ami Abdeslam Yassine, lui disant qu'il n'y a qu'une solution : c'est la laïcité. Parce que la laïcité, ce n'est pas l'athéisme. Je me réfère à l'un des tout derniers versets coraniques : « la ikraha fiddine » (Il n'y a pas de contrainte dans la religion). Pourquoi ? Pour des raisons pratiques. Quand on contraint quelqu'un en matière de religion, est-ce qu'on est certain qu'il a la foi ? C'est très curieux, il y a un verset coranique dans les petites sourates du début de l'islam qui dit : « Vous avez votre religion, et j'ai la mienne ». On doit se référer à cela et faire évoluer les rapports du musulman avec sa foi.
Où se situe donc le problème ?
Il y a un clergé de fait et un système politique qui s'appuie sur la religion et qui craint qu'on lui coupe l'herbe sous le pied. La laïcité est la seule solution.
Les islamistes marocains ne profitent-ils pas des incohérences du régime ? Le dernier prêche de la mosquée Hassan II a été tenu par le président du Conseil des oulémas de Casablanca ...
Personnellement, quand on a nommé ce nouveau clergé, j'étais très désagréablement surpris parce que l'on donné à des gens une dimension culturelle qu'ils n'ont pas. Le vrai savoir musulman exigerait de tout musulman qu'il se modernise. Lorsque le prophète dit : « cherchez la science même en Chine », ce n'est pas la religion qu'on doit aller chercher, mais le savoir ordinaire. Mais aujourd'hui, il y a un clergé de fait qui a toujours profité de ce fonds de commerce. Que de crimes n'ont pas été commis au nom de l'islam !
La monarchie marocaine est-elle prisonnière de ce clergé ?
Même s'il y a monarchie, il faut qu'elle soit démocratique. On ne peut pas dire que la république est « meilleure » par rapport à la monarchie. Les deux systèmes se valent. L'essentiel, c'est que ce soit basé sur un principe démocratique.
Le fait que la monarchie marocaine soit d'essence religieuse n'est-il pas un obstacle à la laïcité ?
Oui. Je crois que maintenant, on atteint une certaine limite. Les choses doivent être clarifiées.
Que doit faire le Roi, justement ?
Le Roi est un être humain. Il a des conseillers. Il est obligé de se faire entourer de conseillers. Parmi ses conseillers, certains font partie de ce clergé. Souvent, les rois ont été prisonniers de leur entourage. Il y a une espèce de fatalité qui fait que les choses évoluent ainsi.
Il y a aussi une sorte d'ambiguïté, de non-dits ...
Si le Roi pouvait simplement permettre un débat entre ceux qui s'appellent les laïcs et les autres. Un débat public. A la télévision. Avec liberté de parler et de penser. Ce serait énorme.n
* Ancien directeur de l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe)
Y a -t-il des raisons historiques à l'absence de débats de fonds sur la religion ?
Durant la colonisation, on s'est recroquevillés sur nous-mêmes pour lutter au nom de la religion. Les choses auraient pu se dérouler autrement si, lors de l'indépendance, nous avions pu prendre le temps d'asseoir un système éducatif modernisé. Mais, malheureusement, les nationalistes de l'époque étaient tellement pressés. Dans l'esprit de beaucoup d'entre eux, se libérer du joug français, c'était retrouver le Maroc d'avant le Protectorat et donc son système d'enseignement. Les Français nous ont laissés tout compte fait, un embryon de système éducatif modernisé. Mais malheureusement, on l'a détruit. Les responsables sont ceux qui prônaient justement cette arabisation hâtive et qui, en même temps, mettaient leurs propres enfants dans des établissements étrangers.
Pourquoi l'arabisation est-elle un frein ?
Parce que cela s'est fait à la hâte et on a recruté dès le départ des dizaines de milliers de pauvres gens qui n'avaient pas de culture moderne fiable, qui savaient le Coran par cœur, qui savaient un peu de hadith, et dont on a fait des instituteurs. La France, pour se dégager de l'emprise de l'église chrétienne après la Révolution française, a mis plus d'un siècle, lequel siècle a connu un combat de titans, dans chaque hameau français, entre le prêtre et l'instituteur. Avant, c'était la dictature de l'Eglise. Chez nous cette dictature n'a pas disparu.
Quelle place devrait occuper la religion au Maroc ?
Je me suis exprimé, il y a longtemps, en écrivant à mon ami Abdeslam Yassine, lui disant qu'il n'y a qu'une solution : c'est la laïcité. Parce que la laïcité, ce n'est pas l'athéisme. Je me réfère à l'un des tout derniers versets coraniques : « la ikraha fiddine » (Il n'y a pas de contrainte dans la religion). Pourquoi ? Pour des raisons pratiques. Quand on contraint quelqu'un en matière de religion, est-ce qu'on est certain qu'il a la foi ? C'est très curieux, il y a un verset coranique dans les petites sourates du début de l'islam qui dit : « Vous avez votre religion, et j'ai la mienne ». On doit se référer à cela et faire évoluer les rapports du musulman avec sa foi.
Où se situe donc le problème ?
Il y a un clergé de fait et un système politique qui s'appuie sur la religion et qui craint qu'on lui coupe l'herbe sous le pied. La laïcité est la seule solution.
Les islamistes marocains ne profitent-ils pas des incohérences du régime ? Le dernier prêche de la mosquée Hassan II a été tenu par le président du Conseil des oulémas de Casablanca ...
Personnellement, quand on a nommé ce nouveau clergé, j'étais très désagréablement surpris parce que l'on donné à des gens une dimension culturelle qu'ils n'ont pas. Le vrai savoir musulman exigerait de tout musulman qu'il se modernise. Lorsque le prophète dit : « cherchez la science même en Chine », ce n'est pas la religion qu'on doit aller chercher, mais le savoir ordinaire. Mais aujourd'hui, il y a un clergé de fait qui a toujours profité de ce fonds de commerce. Que de crimes n'ont pas été commis au nom de l'islam !
La monarchie marocaine est-elle prisonnière de ce clergé ?
Même s'il y a monarchie, il faut qu'elle soit démocratique. On ne peut pas dire que la république est « meilleure » par rapport à la monarchie. Les deux systèmes se valent. L'essentiel, c'est que ce soit basé sur un principe démocratique.
Le fait que la monarchie marocaine soit d'essence religieuse n'est-il pas un obstacle à la laïcité ?
Oui. Je crois que maintenant, on atteint une certaine limite. Les choses doivent être clarifiées.
Que doit faire le Roi, justement ?
Le Roi est un être humain. Il a des conseillers. Il est obligé de se faire entourer de conseillers. Parmi ses conseillers, certains font partie de ce clergé. Souvent, les rois ont été prisonniers de leur entourage. Il y a une espèce de fatalité qui fait que les choses évoluent ainsi.
Il y a aussi une sorte d'ambiguïté, de non-dits ...
Si le Roi pouvait simplement permettre un débat entre ceux qui s'appellent les laïcs et les autres. Un débat public. A la télévision. Avec liberté de parler et de penser. Ce serait énorme.n
* Ancien directeur de l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe)