pour ceux qui voudraient de faire un peu de tune...
Voici qq extraits d'une longue analyse économique.
Il y a un marché très prometteur à saisir dans le domaine des cultures ethniques menacées de disparition - et en particulier celle, authentique de l'Afrique du Nord, qu'est la culture berbère - pour diverses raisons :
La première est que la culture berbère (plusieurs fois millénaire) est incroyablement riche et variée. Il y a une grande variété de styles musicaux et une importante production de littérature orale authentique. Il en va du style celtique (cornemuse et clarinette en bois) jusqu'au style Chleuh qui rappelle - à s'y méprendre - la musique chinoise en passant par le style très rythmé d'inspiration africaine.
La deuxième est que la "culture" Raï - qui passe pour être celle de l'Afrique du Nord - a été créée de toutes pièces pour évincer la chanson contestataire berbère et accélérer le processus « d’arabétisation » de l’Afrique du Nord. Bien que le mot "Raï" vienne d'un genre purement amazigh (dénommé "Araï") de l'Est du Maroc et de l'Ouest de l'Algérie, sa nouvelle version arabisée est une menace pour les cultures originelles de l'Afrique du Nord : il impose le rythme oriental et use de son contenu très trivial (paroles anodines) pour uniformiser le goût au détriment de la richesse musicale. Notons au passage que cette "musique" correspond à ce que nous pourrions appeler ici de la sous-culture, ou en termes "Marketing", le bas de gamme du marché musical ethnique. Son rôle commercial est surtout de faire danser le public européen peu exigeant. Cette diffusion profite malgré tout d'une nette tendance de l'européen en général à s'intéresser de plus en plus aux cultures ethniques ou "exotiques"!
La troisième est que, malgré sa régression alarmante, la langue berbère demeure la première langue étrangère de France ! Il y a plus de 1,2 millions de locuteurs des différents parlers de cette langue et il y a une absence quasi totale (mis à part quelques radios libres de qualité très douteuse comme Beur-FM) de médias identitaires. Les productions qui leurs sont destinées (cassettes audio ou CDs) sont d'une qualité très médiocre vu qu'elles sont « produites » par des boutiquiers de cassettes de Barbès et ne sont donc nullement vendables au public européen. Ce dernier marché (public occidental), quoique embryonnaire à l'heure actuelle, pourrait s'avérer important (globalisation des médias à l’échelle de la planète) si une production de qualité était disponible. Un autre segment de marché à viser est celui constitué par les nouvelles générations scolarisées des communautés concernées, d'autant plus qu'on parle à l'heure actuelle d'introduire le berbère dans l'enseignement en France et en Hollande comme rempart à la diffusion des idées intégristes que favorise l’enseignement de l’Arabe et de l’Islam dans les écoles.
La quatrième est qu'il y a une prise de conscience de ce potentiel de la part des investisseurs du domaine musical ; pourtant aucun acteur du marché n’applique une politique commerciale cohérente :
a) Du côté de la diaspora : depuis quelques années, une seule
entreprise française, du nom de Blue Silver (aujourd’hui ‘Bloc Music’), a tenu le pari de miser sur ce marché après avoir longuement vécu sur le Raï en voie d'essoufflement. Elle a commencé à produire quelques CDs de chanteurs comme Idir ou encore Matoub Lounes (récemment assassiné) et le dernier, avec le plus grand chanteur-poète Kabyle actuel : Aït Menguellet. Ce dernier CD est le premier digne de ce nom (livret avec introduction et traduction par une ethnologue spécialisée dans le domaine de la poésie et de la chanson kabyle) mais la diffusion commerciale en reste limitée au public berbérophone du territoire français. Ce n'est que depuis cette année-ci que deux des compagnies multinationales (dites "majors") ont entrepris de signer un contrat avec des chanteurs de cette communauté et il s'agit de BMG (Takfarinas) et de Sony (Idir). Serait-ce un test avant d'en prendre d'autres? Le premier concert de Takfarinas au Zénith le samedi 25/09/99 (7.000 places) a été un franc succès ! Pour aucun des deux, on ne peut encore parler de « World Music » car ces multinationales semblent ne pas oser se démarquer du marché de l’immigration. Le premier CD de Takfarinas avec BMG est un désastre en matière d’authenticité (musique sans âme : à force de vouloir singer les « Raïmen », le rap , etc. on obtient une tambouille sans aucun goût). Il s’est pourtant assez bien vendu (30.000 au premier mois de sa sortie).
b) Du côté de la ‘World Music’ : si nous analysons de près les
pochettes de CDs éditées par la société de Peter Gabriel (Real World), nous constatons que des indications sur les peuples et les cultures concernés sont à peine décrites en quelques lignes (Abdelli : 4 lignes sur les berbères !) et que les chansons sont traduites de manière très sommaire. Quant aux critères de sélection, il y aurait beaucoup à dire sur le choix et en particulier sur le contenu idéologique. L’exemple des chansons traditionnelles d’Egypte (les chants du Nil) est saisissant : elles n’ont, en fait, pas toutes quelque chose à voir avec les vraies cultures d’origine, comme la berbère (Oasis de Siwa etc.) ou la Copte (8 à 9 millions de chrétiens gardent toujours une culture millénaire dont personne ne parle), etc.! Quant aux CDs édités par le Samsonian Institut et très bien documentés, ils ne sont vendus qu’à quelques initiés de par le monde.
Pour conclure ce quatrième point, force est de constater que tout cela ressemble plus à un bricolage qu'à un traitement systématique de la question, d’où l’existence d’un espace à occuper dans le moyen - haut et haut de gamme de ce marché qu’est la « World Music ».
La cinquième est qu’il existe un réel marché « ethnique » en Europe. Nous pouvons généraliser cet exemple à d’autres cultures opprimées comme c’est le cas de la kurde, de l’arménienne, de la tzigane, de la copte, de la catalane, de la basque, etc. qui vivent une situation similaire au cas traité ci-dessus. Le but, dans un premier temps, est de tirer profit de l’existence d’un public « garanti » qui est celui des diasporas de ces minorités résidant dans les pays européens – souvent relativement puissantes économiquement parlant - et qui sont originaires du pourtour de la Méditerranée et auquel s’ajoutera avantageusement celui des populations « d’accueil ». Leur commun dénominateur est qu’elles sont à la source de ce qu’on appelle communément « la Culture Latine » .
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