Pour etre plus comprehensible, je relie les deux sujets:
Celui des mots etrangers qui penetrent dans notre langue et les dommages causés, surtout par nous memes:
Avant de parler des mots et de leurs origines, essayons tout d’abord de survoler le paysage sociolinguistique marocain, cela nous donnera pas mal de définitions et surtout nous éclairera les divers tenants de ce phénomène.
Le Maroc, est un pays ou se côtoient- pour des raisons historiques, économiques, et coloniales- bien des langues, quatre pour être plus précis (Amazigh, arabe, Français, espagnol). Chacune présente des caractéristiques qui lui sont bien propres, et qui par voix de conséquence, lui confèrent une place dans le cadre de ce qu’il convient d’appeler le marcher linguistique des langues.
Ce marcher se présente, au Maroc, comme suit : Rappelons que nous nous contenterons de représenter que l’Amazigh et l’Arabe.
I- L’Amazigh : C’est plus « un protodialecte », qui est en voix de renaissance. Pour le moment, on a tendance à le représenter sous ces trois dialectes nationaux :
1- Rifain, qui concerne plus au moins le nord du Maroc.
2- Tamazight, qui se parle notamment vers les montagnes de l’Atlas.
3- Tachlhit, qui est parlé dans le Sous-Massa-Drâa.
Notons que ces délimitations géographiques restent très vagues.
II- L’Arabe : Qui est représenté sous deux formes essentielles :
1- Arabe moderne, c’est la langue officielle, constitutionnelle et institutionnelle du pays. (Je ne parlerai pas de l’Arabe classique, qu’on retrouve par exemple dans le Saint Coran).
2- L’Arabe dialectale, c’est la langue ou plutôt le dialecte de la rue. Il présente aussi des variantes régionales. C’est plus un vernaculaire, loin de tout ce qui est officiel.
Des interactions au sein de la société, résultent deux phénomènes sociolinguistiques, le bilinguisme et la diglossie.
Le bilinguisme, est la capacité de l’individu à alterner deux langues avec une aisance égale. C’est par exemple le cas de ceux qui parlent parfaitement le français et l’arabe moderne.
La diglossie, est la situation dans laquelle un individu utilise deux langues qui n’ont pas la même valeur sur le marché linguistique locale.
Pour mieux comprendre ces deux définitions il convient de définir les critères d’évaluation d’une langue au sein du marcher linguistique. Ils sont au nombre de quatre :
1- L’Historicité : C’est le fait qu’une langue aie eu une longévité d’existence qui permet son étude diachronique et synchronique. Autrement dit qu’elle ne date pas d’hier.
2- L’Autonomie : C’est l’indépendance qui marque une langue à tous les niveaux : syntaxique, lexicale, …
3- La Vitalité : C’est le fait que la langue soit encore utilisée par une communauté linguistique donnée
4- La Standardisation : La reconnaissance étatique de la langue comme langue officielle, institutionnelle et constitutionnelle, concrétisée par une présence au sein de l’éducation, de l’économie..
Ces quatre critères, par leur présence ou par leur absence, octroient un degré HIGH ( Haut) ou LAW (Bas) à la langue en question.
Pour l’Amazigh cela donnera :
Historicité : Présente.
Autonomie : Présente.
Vitalité : Présente.
Standardisation : absente.
L’absence de la standardisation confère à l’Amazigh un statut Low autrement dit: Bas. Elle est la langue dominée. ( Nous y reviendrons aux consequences de cette situation).
Pour l’Arabe Moderne :
Historicité : Présente.
Autonomie : Présente.
Vitalité : Absente.
Standardisation : Présente.
Pour l’Arabe Dialectale :
Historicité : Présente.
Autonomie : Absente.
Vitalité : Présente.
Standardisation : absente.
La présence de tous les critères à travers les deux variantes confère à l’Arabe une place de privilégié, elle est la langue High, et donc un statut haut !!
Les conséquences des résultats du marcher linguistique sur la situation psychologique de l’individu sont impressionnantes ! Puisqu’un arabe, au Maroc, peut se permettre de parler l’arabe partout, et donc se sentir supérieur ! Même face à un chleuh, ce dernier est, quelque part, forcé de répondre en arabe. Alors qu’un chleuh ne peut se permettre d’utiliser sa langue pour tout ce qui est institutionnel, ce qui le conduit vers un sentiment d’infériorité, et donc percevoir l’arabe comme un regain de confiance, et une acquisition « plus utile ».
C’est ce qui explique, grosso modo, la tendance des imazighen à être arabisés, surtout dans le milieu urbain. Cela se fait sur deux ou trois générations.
Pour en revenir au sujet de départ, les mots étrangers qui sont adoptés dans notre langue :
Ils sont liés à cette situation, puisque dans un cadre de bilinguisme, l’individu est appelé à manier plusieurs langues, ce qui facilite la pénétration de quelques mots d’une langue a l’autre.
1/ Prenons l’exemple : Talkiwt ( fenêtre). Notons que dans ce cas le mot existe au sein de la langue.
Certains trouveront plus branché de dire : Cherjam.
Au fond ce n’est pas une question de branché ou pas mais c’est une question psychologique. Quelqu’un qui parle arabe est plus au moins estimé et passe pour plus respectueux !!
A partir de cette situation de bilinguisme est généré ce qu’on appèle : le bilinguisme de remplacement, qui est le fait qu’un mot étranger, prenne définitivement la place du mot d’origine, ce qui éradique ce dernier et porte atteinte à la pureté de la langue. Aujourd’hui, on peut en constater les dégâts : essayer de parler sans utiliser un mot arabe ?
Donc pour résumer :
A/ Mot Amazigh : talkiwt (on pourrait trouver d’autres synonymes).
B/ Situation bilingue ( avec diglossie : langue High et langue Low). Talkiwt/ chrjam.
C/ bilinguisme de remplacement : effacement de Talkiwt, et utilisation de Cherja qui passe pour normale.
2/ Prenons l’exemple, Travaux publics :
Ce mot provient du français, à l’époque coloniale.
Il a connu trois processus :
1/ Adoption : qui est le fait d’adopter un terme étranger. Donc le mot sera connu par la population autochtone, elle en comprendra le sens et commencera à l’utilisé dans son bon contexte.
2/ Adaptation : Comme chaque langue dispose d’un système phonologique qui lui est propre, les autochtones auront beaucoup de mal à bien prononcer le mot, ce qui engendrera des modifications tant au niveau phonétique que phonologique. ( le R sera roulé, le V deviendra B, le P deviendra B ( Assimilation retro-spective). Cela donnera : Trabobublique
L’annulation des deux voyelles U et I, donnera une gémination des deux B, cela donnera TraboBlique
Traboblic
Et enfin le mot a atteint sa phase finale, qui est tout à fait adaptée à sa nouvelle langue !!
La plupart des mots dont nous n’avons pas l’équivalent au sein de notre langue ont forcement connu un parcours similaire, à quelques différences prés !!
Remarque : On pourrait les considérer comme néologismes, du moins pour notre langue !!
Pour résumer, il y aura toujours des mots étrangers qui pénétreront au sein de notre langue sauf que les plus dangereux sont ceux qui ont des équivalents en Amazigh, ils causent la perte des mots originaux et prennent leur place !! Ce qui porte atteinte à la pureté de notre langue !!
Cependant, les langues connaissent des échanges qui les enrichissent :
*De l’arabe à l’amazigh : Tous les mots relatifs au champs lexical religieux.
*De l’amazigh à l’arabe dialectale: Le système phraséologique, grammaire et structurel surtout au niveau de la phrase.
*Du français à l’amazigh : Tout le champ lexical relatif aux technologies ( comme pour l’arabe d’ailleurs).
*De l’espagnol à l’amazigh : muneca qui donne monika ( poupée).
*De l’amazigh aux langues indo-européennes : Orti qui a donné Orticulture.
Donc les échanges sont concrets, mais ils ne s’inscrivent pas tous dans un même processus et surtout ne présentent pas tous le même danger !!
Le but pour moi, à travers ces explications, c’est de prendre conscience qu’on y est pour quelque chose dans l’appauvrissement de notre langue !! Peut-être inconsciemment mais c’est un fait !!
A vous !!